Incendie meurtrier du Vieux-Montréal: des bavures policières compliquent l’enquête
La tragédie serait survenue à la suite d’un conflit entre un proxénète et un client
Marc Sandreschi
L’incendie criminel qui a coûté la vie à sept personnes en mars dernier dans un immeuble du Vieux-Montréal serait survenu à la suite d’un conflit entre un proxénète et un client. Mais l’enquête bat sérieusement de l’aile en raison de bavures policières.
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Notre Bureau d’enquête a appris qu’en septembre, la division des crimes majeurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a arrêté et relâché un homme qu’elle considère comme l’auteur de l’incendie le plus meurtrier des 48 dernières années à Montréal.
L’homme aurait mis le feu à l’une des unités de l’immeuble historique de la place d’Youville, car il était insatisfait des services sexuels offerts par l’entremise d’un proxénète, a-t-on pu apprendre de sources très bien informées.

Au sein du SPVM, plusieurs s’attendaient à ce que des accusations soient déposées rapidement, mais le dossier se serait compliqué d’une façon importante.
«Ça ne va vraiment pas bien. Le diable est aux vaches aux crimes majeurs», nous a précisé l’une de nos sources policières sous le couvert de l’anonymat, car elle n’est pas autorisée à parler aux médias.
- Écoutez l'entrevue avec François Doré, ex-policier à la retraite spécialisé dans les affaires policières, via QUB radio :
Bourde inacceptable
Selon nos informations, l’enquêteur qui avait initialement été mandaté pour faire la lumière sur le drame aurait obtenu d’une façon contraire à la procédure des éléments de preuve incriminants.
Il a notamment saisi et fouillé un téléphone cellulaire sans mandat de perquisition, a-t-on pu apprendre.
Appelée à commenter, une procureure qui n’est pas affectée à ce dossier ne comprend pas qu’une telle erreur ait pu être commise.
«C’est inacceptable. Il aurait dû savoir que ça prenait un mandat. Encore plus pour un crime d’une telle gravité», a précisé la procureure qui a demandé à ce que son identité soit protégée.
La police a aussi commis une autre bourde, selon nos informations. Elle a arrêté le suspect à sa résidence, mais sans être munie d’un mandat d’entrée, ce qui est la norme appropriée dans de telles circonstances.
Enquêteur inexpérimenté
Le choix de l’enquêteur pour se pencher sur ce crime complexe aurait aussi soulevé plusieurs interrogations au sein de la police de Montréal. Cet enquêteur ne faisait pas partie des plus expérimentés aux crimes majeurs, nous ont confié nos sources.
L’ancien inspecteur du SPVM André Durocher observe un certain manque de profondeur au sein de cette unité d’enquête névralgique de la police de Montréal.
«Les départs à la retraite diminuent l’expérience aux enquêtes», explique-t-il.
Selon lui, «les enquêteurs souhaitent de moins en moins travailler aux crimes majeurs, car la charge de travail y est très exigeante».
- Écoutez Roger Ferland, enquêteur à la retraite et responsable de l’opération Scorpion, parler des bourdes de certains policiers et de prostitution sur QUB radio :
Des morts, des enquêtes et des poursuites
16 mars 2023: Un violent incendie ravage un immeuble de 15 logements de la place D’Youville. Sur les 22 personnes présentes à l’intérieur, on dénombre 7 morts et 9 blessés.
31 mars: Le père de Nathan Sears, une des victimes, intente une action collective de 22 M$ contre le propriétaire de l’immeuble, Émile Benamor, et contre Airbnb, plateforme qui était utilisée pour louer des chambres dans le bâtiment.
28 août: La police de Montréal annonce qu’elle considère que l’incendie est le fruit d’un acte criminel. «Des traces d’accélérant ont été trouvées, ce qui a pu contribuer à expliquer la vitesse de propagation du brasier», explique le SPVM. L’enquête criminelle s’ajoute à celle pour de la possible négligence concernant l’état du bâtiment.
15 septembre: La famille d’une des victimes, Charlie Lacroix, poursuit la Ville, ainsi que le locateur des chambres sur Airbnb et le propriétaire de l’immeuble, pour 1,5 M$.
16 septembre: Le propriétaire Émile Benamor intente une poursuite de 7,5 M$ contre la Ville de Montréal. Il allègue notamment que le nombre de pompiers était insuffisant et que certaines normes de la Ville concernant les bâtiments patrimoniaux ont contribué au déclenchement de l’incendie.
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