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Culture

François Arnaud a dû faire des sacrifices pour sa carrière

Un nouvel épisode de «MR BIG» est offert chaque jeudi sur illico+.

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Patrick Delisle-Crevier

2025-03-28T10:00:00Z
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Depuis quelques semaines, on peut voir François Arnaud dans la peau de Jeff dans l’excellente série MR BIG, offerte sur illico+. Un peu plus tôt cet hiver, il jouait sur les planches du TNM dans la pièce Une fête d’enfants, de Michel Marc Bouchard. Ces deux projets lui ont permis de passer plusieurs mois à Montréal, ce qu’il n’avait pas fait depuis fort longtemps. C’était le bon moment de l’intercepter et de l’asseoir dans notre fauteuil coloré.

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François, comment vas-tu?

Je vais très bien. J’ai passé l’hiver au Québec; je n’avais pas vécu ça depuis longtemps! En plus, ce fut un vrai hiver cette année. Mon chien, Simon, a adoré jouer dans la neige!

Est-ce la première fois que tu passes autant de temps ici depuis que tu vis à Los Angeles?

Oui. J’ai passé l’automne ici pour le tournage de MR BIG, et je répétais aussi au Théâtre du Nouveau Monde pour la pièce Une fête d’enfants. Et là, je suis encore ici pour la promotion de la série, dont je suis vraiment fier. On a eu énormément de plaisir à faire ça! Ça donne une série qui a un ton que je n’ai pas beaucoup vu au Québec. On n’est pas dans la comédie franche, mais le ton est le fun, avec quelque chose d’un peu hollywoodien qui permet de faire passer les sujets lourds qu’on aborde.

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Comment décrirais-tu MR BIG?

C’est une série d’action qui met en scène une escouade dont les membres ont vraiment du plaisir à travailler ensemble. Le projet MR BIG est une invention canadienne qui existe vraiment. C’est un type d’opération de longue haleine qui est mis en place quand les enquêteurs ont un suspect, mais pas assez de preuves matérielles pour l’incriminer. Ils font appel à l’escouade MR BIG, qui s’immisce dans la vie du suspect. Dans la série, mon personnage, Jeff, tisse des amitiés avec de grands criminels pour les besoins de son métier. Il développe de vraies amitiés avec eux, mais il les trahit les uns après les autres. Ce n’est pas facile pour lui.

C’est un sujet riche pour une série!

C’est vrai. Ce que j’aime, c’est que ce n’est pas du tout répétitif, c’est différent tout au long des 10 épisodes. J’avais travaillé avec Alexis Durand-Brault sur le premier film que j’ai fait, Les grandes chaleurs. Il était directeur photo sur ce plateau. Je retrouvais donc celui qui a été le premier à me filmer professionnellement. J’ai toujours eu une bonne relation avec lui et j’aime son travail de caméra. Le retrouver en tant que réalisateur sur cette série a été un plaisir. Puis, comme j’ai souvent des rôles de soutien dans ma carrière américaine en ce moment, j’aimais l’idée d’avoir la responsabilité d’un rôle principal. Ce plateau a été ma maison pendant trois mois, et je pense que nous nous sommes aimés mutuellement.

Qu’est-ce qui t’a charmé à propos de ce rôle?

C’est drôle, parce que les premières scènes que j’ai lues, c’était pour aider un ami qui passait une audition pour un des rôles de la série. À ce moment-là, je n’avais pas encore été approché pour le rôle de Jeff, mais je me souviens que j’avais trouvé le projet intéressant. Plus tard, j’ai eu un appel d’Alexis, qui me proposait le premier rôle. J’ai lu les trois premiers épisodes, et j’ai eu envie de le faire.

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On ne t’avait pas vu à la télé québécoise depuis ton rôle de Théo dans la série Yamaska, il y a plus de 15 ans. Pourquoi?

Ce n’est pas que je ne voulais pas en faire, mais l’engagement à long terme est compliqué pour moi. Souvent, ça n’adonnait pas parce que c’était impossible pour moi de tourner huit mois au Québec. Pour MR BIG, le tournage s’étalait sur deux mois et demi, alors c’était possible. Et s’il y a une deuxième saison, je vais pouvoir m’organiser. Puis, les téléromans, ce n’est pas le genre de télévision que j’aime faire ou regarder. J’ai beaucoup de respect pour ceux qui le font, mais je ne peux pas m’imaginer tourner 35 pages de texte par jour. J’ai besoin d’explorer, de trouver le bon ton... Mais quand tu tournes à un rythme fou, tu n’as pas le temps d’essayer des affaires. Je ne pense pas que je serais heureux dans ce genre de projets.

Ç’a été comment de passer autant de temps au Québec?

Je suis content d’être ici, de revoir mon monde, de retrouver mes amis. Je reviens quand même souvent, mais travailler ici et faire partie du milieu culturel d’ici, c’est important pour moi et ça me manquait. Retrouver des gens avec qui j’aime travailler a aussi été un plaisir... Je suis Québécois et tourner ici, c’est être à la maison!

Un peu plus tôt cette année, on a pu te voir sur les planches du TNM. Ça non plus, ce n’est pas arrivé souvent!

Ça faisait effectivement très longtemps! L’idée de rejouer au théâtre m’angoissait un peu au départ, surtout que, dans la première scène, j’étais seul pendant 15 minutes, à moitié nu, à réciter un long monologue. J’avais peur d’avoir un blanc, une absence, mais ce n’est pas arrivé. J’ai beaucoup aimé faire ça. Quand j’étais petit, je rêvais de jouer au TNM un jour. Voir ma photo sur l’affiche, j’ai trouvé ça pas pire!

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Dominic Gouin / TVA Publications
Dominic Gouin / TVA Publications

ENTRE MONTRÉAL ET LOS ANGELES

Qu’est-ce qui t’a amené à déménager à Los Angeles?

Je me suis installé là-bas au début de ma vingtaine parce que, dans ce temps-là, c’était nécessaire d’être à Los Angeles pour percer aux États-Unis. Aujourd’hui, c’est différent: tout se fait par Zoom. Je n’aurais plus besoin d’y être, mais je me suis construit une vie là-bas.

Aimes-tu vivre à Los Angeles?

Je dirais que j’aime l’accès à la nature. Je vais souvent apprendre mes textes à Griffith Park, car c’est à 10 minutes de chez nous. Je pars en randonnée pendant trois heures avec mon chien, et je me sens un peu comme à la campagne. Je peux aussi choisir d’aller passer une journée à la mer... ou une journée dans le désert! Mon Los Angeles à moi, ce n’est pas celui des soirées mondaines et des tapis rouges...

Pourtant, n’est-ce pas nécessaire quand on souhaite faire ce métier à Hollywood?

Oui et non... Mais je suis vraiment inconfortable avec tout ça. Je n’aime pas faire semblant d’être à un party pour le fun alors que c’est pour avoir de la job; je ne suis pas capable de faire ça! Ça m’est arrivé de devoir le faire parce que des amis auteurs voulaient me présenter à un réalisateur. Je me suis présenté là, et le réalisateur m’a à peine regardé en me saluant. Il s’en foutait, de moi! Je voulais me cacher tellement j’étais mal à l’aise. Je suis vite parti.

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Tu m’as déjà dit que tu aimerais travailler avec Denis Villeneuve. Penses-tu que ça va arriver un jour?

Je ne sais pas. Encore là, je ne suis pas très PR... Je l’ai déjà croisé dans un avion en direction de Los Angeles et il m’avait abordé en me disant que, comme j’étais un habitué de la ville, je pourrais lui donner des conseils. Il m’a donné son numéro et je n’ai jamais osé l’appeler! On dirait que j’ai toujours peur que les gens pensent que je veux quelque chose d’eux. Cela dit, c’est certain que j’aimerais travailler avec Denis Villeneuve. C’est un homme élégant et humble par rapport à son succès, et ce n’est pas tout le monde qui est comme ça.

Ta carrière hollywoodienne ressemble-t-elle à ce que tu voulais?

Ouf, non! En même temps, je n’ai jamais vraiment eu de plan de carrière. Vers la fin de ma vingtaine, j’ai auditionné pour tous les gros films et les grosses séries à Hollywood, et tout le monde me disait que j’allais avoir tel ou tel rôle... Je me souviens que chaque fois que je sortais d’une audition, je voyais des acteurs avec des carrières beaucoup plus accomplies que la mienne débarquer à cette même audition. Et je n’avais jamais le rôle, finalement! À une certaine période, je me suis permis de rêver, mais tout ça amène aussi une pression qui n’est pas nécessaire... J’ai eu des déceptions, mais aujourd’hui, à presque 40 ans, j’ai envie de ne plus me projeter dans le futur et de juste avoir du plaisir dans ce que je fais au jour le jour.

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À quoi ressemble ta vie à Los Angeles quand tu ne tournes pas?

Je lis beaucoup de scénarios et je passe beaucoup d’auditions. J’aime aussi faire de la photo, faire de longues marches avec mon chien, partir en road trip, boire du vin et cuisiner.

Est-ce que ta maison ou ton quartier ont subi des dommages à la suite des incendies dévastateurs de janvier?

Non, j’ai été chanceux, mais des amis proches ont tout perdu, et plusieurs quartiers et endroits que je connais ont disparu dans les flammes. Je suis attristé par tout ce qui s’est passé... Je ne suis pas allé à Los Angeles depuis, mais je ne me suis jamais senti aussi proche de ma ville d’adoption que pendant cette tragédie. J’ai hâte d’y retourner, mais je ne pense pas aller voir l’étendue des dégâts. Ça me ferait trop de peine.

Penses-tu rester à Los Angeles pour le reste de ta vie?

Je ne sais pas. J’ai une maison dans les Laurentides depuis tout récemment, et j’aimerais bien y passer plus de temps. On dirait que je dors mieux quand je suis là... On l’a fait construire; ça a pris quatre ans, et on l’a depuis juillet seulement, alors c’est tout nouveau. Mais j’ai pu y aller souvent, puisque j’étais ici. Le vrai défi sera quand je vais retourner à Los Angeles; ça va être plus difficile d’y aller.

UN DÉBUT DE CARRIÈRE FULGURANT

Dis-moi, comment est née cette envie de devenir acteur?

Je pense que je trouvais la vraie vie plate. J’étais un ado solitaire et je trouvais le temps long. J’avais hâte d’être grand et que la vie soit plus intense. Je pensais que la vie d’acteur serait un peu comme au cinéma, alors qu’en réalité, c’est souvent long et plate, avec beaucoup d’heures d’attente au craft à essayer de ne pas manger la réglisse qui te fait de l’œil! (rires) Mais j’avais tout de même envie d’exister dans cet univers-là. J’ai commencé à faire du théâtre au secondaire, j’ai étudié en cinéma au cégep, puis la femme de mon père, qui travaillait dans les décors pour le cinéma, m’a fait travailler comme chauffeur de production sur le film Le dernier tunnel. C’était ma job d’été à 17 ans. J’avais eu mon permis de conduire trois semaines auparavant, et j’ai finalement crashé le camion de production parce que je me suis endormi après une trop longue journée de travail! Ils m’ont quand même gardé, et je me suis retrouvé à travailler sur les décors. Ç’a été mon premier travail au cinéma. Par la suite, je suis entré au Conservatoire, où j’ai pu apprendre le métier avec des professeurs tels que Gilbert Sicotte et Carl Béchard, qui m’a rapidement offert un petit rôle dans une pièce au TNM.

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Quel souvenir gardes-tu de tes débuts?

Ç’a été une belle période, j’ai été chanceux. Tout de suite après ma sortie de l’école, j’ai décroché un rôle dans le film Les grandes chaleurs, avec Marie-Thérèse Fortin. Le film était réalisé par Sophie Lorain et scénarisé par Michel Marc Bouchard. Ces gens-là m’ont vraiment pris sous leur aile. Je n’avais que 21 ans, et ils m’ont fait confiance et m’ont traité comme leur égal. Ç’a été une expérience fantastique et une grande école. Ç’a aussi été le début de belles amitiés. Je n’en revenais pas de passer l’été avec des gens que j’admire!

J’ai tué ma mère, de Xavier Dolan, a aussi été un projet marquant à tes débuts...

Oui, vraiment. Ç’a aussi été un magnifique tremplin pour ma carrière américaine, parce que le film a été présenté dans plusieurs festivals, et Xavier était trop occupé pour aller à toutes les représentations, alors il m’envoyait. C’est au AFI, un festival de cinéma annuel à Los Angeles, que j’ai rencontré celui qui allait devenir mon agent et qui l’est toujours aujourd’hui. Tourner avec Xavier a été toute une expérience! Il m’avait approché alors que je jouais au théâtre; il m’avait dit de lire son scénario, que nous irions à Cannes avec ça, et il a eu raison. C’était extraordinaire et brillant! Il a une personnalité forte, et j’ai cru en lui dès le début. J’ai le souvenir d’un petit gars qui était en avance sur son temps et qui avait le courage de ses convictions. Il a le culot de faire les affaires et non pas juste d’en parler, et j’admire ça chez lui. Je n’ai pas ça, moi. J’ai plein d’idées, mais je n’ai pas le courage de frapper à toutes les portes ou de les défoncer pour que les choses arrivent.

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Par la suite on t’a vu dans Yamaska, que tu as finalement décidé de quitter. Pourquoi?

Les décisions sont difficiles à prendre, mais une fois qu’elles sont prises, je n’y pense plus. Je ne pense pas au Star Wars que j’ai failli faire, à la série de HBO que j’ai dû refuser l’automne dernier parce que je n’étais pas disponible, même si c’est une série que j’adore et que ça m’a brisé le cœur. J’y pense 24 heures, puis je passe à autre chose. C’est la même chose avec Yamaska. Je ne pouvais pas passer à côté de l’opportunité d’aller faire Les Borgias avec Neil Jordan... Je suis reconnaissant à Michel D’Astous et Anne Boyer de m’avoir offert un rôle dans une série au Québec alors que je sortais de l’école et que je n’avais pas d’expérience. La mère de mon personnage était jouée par Élise Guilbault, et son père, par Denis Bernard. Je jouais aussi avec Anne-Marie Cadieux... Ce n’était pas plate, et j’étais bien content de faire ça. Ç’a été une magnifique chance et un beau terrain de jeu.

Avec Les Borgias, tu as été propulsé au rang de vedette internationale. Comment as-tu vécu cette célébrité soudaine, toi qui préfères te tenir loin des projecteurs?

Je pense que je suis plus à l’aise avec ça maintenant qu’à l’époque... C’était contradictoire, parce que je voulais que ma carrière connaisse du succès, mais pas pour devenir une vedette. J’aime faire des entrevues quand c’est pour parler d’un projet, mais mon but n’était pas d’être connu, et je n’aime pas me mettre de l’avant en parlant de moi.

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Tu as décidé à un certain moment d’annoncer ta bisexualité. Pourquoi avoir fait ça?

Ç’a été un grand dilemme pour moi, car ce n’est pas dans ma nature de me dévoiler autant. Je me suis longtemps interrogé avant de le faire. Mais à un certain moment, garder le silence sur mon orientation sexuelle s’est mis à affecter ma vie privée, dans le sens où, pour réussir à ne pas parler de ma vie privée, je devais mentir et sous-entendre certaines choses. Ça ne m’intéressait pas et ce n’était pas à la hauteur de qui je suis moralement. Ça me fait rougir de parler de moi-même, mais de tout faire pour éviter le sujet, ça donnait l’impression que c’était quelque chose dont j’avais honte, alors que ce n’était pas du tout le cas. Je ne faisais pas de cachotteries dans ma vie privée. Je me suis dit que si ça avait un impact négatif sur ma vie professionnelle, eh bien tant pis! Finalement, ça n’en a pas eu, puisque je joue un tough guy tatoué dans la police!

LA TÊTE PLEINE DE PROJETS

J’ai l’impression que l’idée de faire le saut derrière la caméra de temps en temps te tente...

Oui, j’aimerais réaliser et écrire un jour. J’y pense et j’ai des projets, mais je suis paresseux. J’avais un projet en développement, basé sur un roman que j’adore, mais on ne s’est pas entendus avec les agents littéraires de l’autrice, qui était morte, pour la négociation des droits. Ils voyaient un film avec un gros budget, et moi je voulais un film intimiste. Sinon, j’ai un projet d’écriture en ce moment. C’est donc à suivre...

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Y a-t-il d’autres projets qui s’en viennent pour toi?

J’ai un film qui va sortir prochainement, Fucktoys. C’est l’histoire d’une travailleuse du sexe, et j’y joue une espèce de psychopathe, un DJ charismatique et faussement bronzé. J’ai adoré faire ce film! Je vais aussi tourner un autre projet avec une jeune actrice qui réalise son premier film. Je parsi tourner deux semaines à Malte en ma, puis 10 jours en Lituanie.

En terminant, qu’en est-il de la quarantaine qui arrive?

Ouf! Je n’y pense pas trop, mais je me dis parfois que j’aimerais avoir un peu plus de sécurité. J’ai une belle carrière, mais c’est quand même encore difficile. Si un réalisateur me veut dans son film, il doit convaincre les producteurs, car je ne suis pas encore assez connu — surtout aux États-Unis, où j’ai eu de beaux projets, mais aucun gros hit. The Borgias a surtout été un succès critique... Donc, je souhaite franchir cette nouvelle étape avant d’avoir 50 ans. Tout ça me force à me renouveler, à me questionner et à ne jamais m’installer dans une zone de confort. Ce n’est pas si mal!

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