France: le droit à l'aide à mourir soumis au vote de l'Assemblée nationale

AFP
Les députés français votent mardi sur la création d'un droit à l'aide à mourir, première étape d'une réforme majeure de la présidence d'Emmanuel Macron, sur un sujet qui divise la France depuis des décennies.
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Deux propositions de loi sont au menu. La première, portant sur la création d'un «droit opposable» aux soins palliatifs, devrait être approuvée à l'unanimité, mais le sort de la seconde, relative au «droit à l'aide à mourir», est plus incertain.
Ce «droit à l'aide à mourir», autre nom du suicide assisté et de l'euthanasie, sera ouvert aux personnes atteintes «d'une affection grave et incurable» qui «engage le pronostic vital, en phase avancée» ou «terminale», et présentant «une souffrance physique ou psychologique constante».
Il répond à l'objectif de mettre en place un «modèle français» d'aide à mourir, «strict et encadré», a affirmé ce week-end la ministre de la Santé Catherine Vautrin dans le journal La Tribune dimanche, évoquant les malades «pour lesquels les soins palliatifs ne répondent plus à leurs souffrances».
Si le texte était définitivement adopté, la France deviendrait le huitième pays européen à légaliser l'aide à mourir.
Il rapprocherait la France de certains pays européens où suicide assisté - l'auto-administration de la substance létale - et euthanasie - provoquée par un soignant à la demande d'un malade - sont autorisés, à savoir les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg.
Mais le texte irait plus loin que la législation en vigueur en Suisse ou en Autriche, où seul le suicide assisté est autorisé dans certaines conditions: ce dernier serait la règle et l'euthanasie, l'exception.
Actuellement, la fin de vie en France est régie par la loi Claeys-Léonetti de 2016, qui permet une «sédation profonde et continue jusqu'au décès» pour les malades en phase terminale.
En France, ce sujet délicat revient régulièrement dans le débat public à la faveur de cas particuliers, suscitant une forte émotion populaire et divisant jusque dans le corps médical.
Un sujet a d'ailleurs fait consensus parmi les députés: tout soignant ne voulant pas procéder à une aide à mourir pourra faire valoir une clause de conscience.
«La fin de vie est certes un sujet intime. Elle porte sur des expériences personnelles parfois déchirantes (...) mais légiférer sur la fin de vie n'est pas affaire que de liberté personnelle», écrivait lundi le quotidien chrétien La Croix dans son éditorial.
«Pistolet chargé»
Les débats qui se sont tenus durant 15 jours à l'Assemblée nationale ont permis l'approbation d'un certain nombre d'amendements et ont été plutôt sereins.
Si chaque groupe politique laissait la liberté de vote à ses membres, l'hémicycle devrait grosso modo se partager entre la gauche et le «bloc central», favorables au texte, et la droite et l'extrême droite, qui y sont hostiles.
Mais le chemin reste long: le texte doit encore être examiné au Sénat, avec un retour à l'Assemblée nationale au mieux début 2026, la ministre de la Santé espérant qu'il «soit voté d'ici à 2027».
Son rapporteur, Olivier Falorni (groupe centriste MoDem), a voulu maintenir l'«équilibre» du texte, résistant aux appels à gauche à élargir le droit à l'aide à mourir aux mineurs ou aux personnes qui en auraient émis le vœu dans leurs directives anticipées.
Sans convaincre les opposants. Jugeant les garde-fous posés insuffisants, le député LR (droite) Philippe Juvin a dit craindre samedi sur la radio franceinfo que les malades recourent «au suicide assisté, par défaut d'accès aux soins».
Réunies près de l'Assemblée samedi, quelque 300 personnes malades ou en situation de handicap ont dénoncé les «dangers» du texte.
«Cette loi me fait l'effet d'un pistolet chargé déposé sur ma table de nuit, afin que je mette fin à mes jours le jour où je me dirai que je suis un poids trop important pour mes proches ou que la société me dira que je coûte trop cher», a déclaré Edwige Moutou, 44 ans, atteinte de la maladie de Parkinson.
«Ça peut englober des millions de personnes, y compris des personnes avec des maladies psychiques ou chroniques, comme l'insuffisance cardiaque, le diabète, la sclérose en plaques», a affirmé la médecin Magali Jeanteur, à l'origine du rassemblement.