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L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

Folie meurtrière à Montréal et Laval: le frère d’une victime appelle les autorités à accélérer le pas pour éviter un autre carnage

L'enquête publique du coroner s’amorcera près de 14 mois après le triple meurtre survenu en août 2022

Mohsen Belhaj, le frère de la victime Mohamed Salah Belhaj, s’est confié au Journal mardi au café Nigelle, à Montréal, dont il est propriétaire. LAURENT LAVOIE/LE JOURNAL DE MONTRÉAL
Mohsen Belhaj, le frère de la victime Mohamed Salah Belhaj, s’est confié au Journal mardi au café Nigelle, à Montréal, dont il est propriétaire. LAURENT LAVOIE/LE JOURNAL DE MONTRÉAL Laurent Lavoie / JdeM
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Photo portrait de Laurent Lavoie

Laurent Lavoie

2023-08-09T23:30:00Z
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Le frère d’une victime de la folie meurtrière qui a fait trembler la métropole il y a un an déplore le laxisme du système de santé à examiner ses propres failles, craignant qu’un nouveau carnage ne survienne à tout moment.

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 « On a beaucoup d’angles morts à aller explorer, insiste Mohsen Belhaj, lors d’un entretien avec Le Journal, au café Nigelle, à Montréal, qu’il dirige. On a les moyens, mais est-ce qu’on a la volonté ? »

Encore aujourd’hui, il cherche les mots pour décrire les émotions ressenties après avoir appris la mort de son frère de 48 ans, Mohamed Salah Belhaj.

C’est dans un aéroport en France, quelques jours seulement après le décès de leur père, que le quadragénaire avait appris l’horrible nouvelle.

«C’était une semaine que je ne souhaiterais même pas à un ennemi», tranche Mohsen Belhaj.

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Mohamed Salah Belhaj a été tué lors d'une série de meurtres en août 2022.
Mohamed Salah Belhaj a été tué lors d'une série de meurtres en août 2022. Photo courtoisie | Mohamed Belhaj

L’enquête publique du coroner débutera le 25 septembre pour faire la lumière dans cette affaire, près de 14 mois après cette traque qui aura fait 4 morts au total. 

«Il faut que ça brasse un petit peu», s’impatiente M. Belhaj, qui appréhende déjà un long délai avant l’application d’éventuelles recommandations.

Chasse à l’homme inédite

La fureur du suspect Abdulla Shaikh s’était déclenchée le soir du 2 août

L’homme de 26 ans aurait d’abord abattu froidement André Fernand Lemieux, 64 ans, le père du boxeur David Lemieux, dans un abribus de l’arrondissement de Saint-Laurent, à Montréal.

André Fernand Lemieux, une des victimes de la folie meurtrière
André Fernand Lemieux, une des victimes de la folie meurtrière Photo courtoisie | André Lemieux

Environ une heure plus tard, Shaikh s’en serait pris à Mohamed Salah Belhaj, qui s’apprêtait à aller à l’Hôpital en santé mentale Albert-Prévost, où il était agent d’intervention.

Pendant que la métropole était plongée dans l’incertitude, les forces de l’ordre avaient entrepris une chasse à l’homme presque sans précédent, où tous les corps policiers du Québec étaient sur leurs gardes.

Alex Lévis Crevier, victime | gracieuseté de la famille
Alex Lévis Crevier, victime | gracieuseté de la famille

Le tireur fou aurait complété sa tournée sanglante le lendemain soir en tuant Alex Lévis-Crevier, sur la 1er Rue, à Laval, avant d’être abattu par les policiers dans un motel de Montréal.

Vue aérienne du motel Pierre, dans l’arrondissement Saint-Laurent, à Montréal, où Abdulla Shaikh, qui aurait abattu gratuitement trois hommes en 24 heures dans la grande région métropolitaine, a été tué par les policiers à l’intérieur d’une chambre, le jeudi 4 août 2022.
Vue aérienne du motel Pierre, dans l’arrondissement Saint-Laurent, à Montréal, où Abdulla Shaikh, qui aurait abattu gratuitement trois hommes en 24 heures dans la grande région métropolitaine, a été tué par les policiers à l’intérieur d’une chambre, le jeudi 4 août 2022. AGENCE QMI

Après cette folie meurtrière, le parcours psychiatrique bien rempli de Shaikh a fait couler beaucoup d’encre dans les médias. Bien que la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM) le considérait comme «un risque important pour la sécurité du public», elle lui a accordé sa liberté. [voir encadré]

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L'interventon policière qui a mené à la mort d'Abdulla Shaikh, dans un motel de Saint-Laurent avait laissé un impact de balle et une marque du bélier des policiers dans la porte de sa chambre.
L'interventon policière qui a mené à la mort d'Abdulla Shaikh, dans un motel de Saint-Laurent avait laissé un impact de balle et une marque du bélier des policiers dans la porte de sa chambre. Laurent Lavoie / JdeM

L’accepter

Un an après le drame, Mohsen Belhaj tente comme il peut de «remplir le vide» dans la vie des fils de 4 et 6 ans de son défunt frère. 

Il est néanmoins parvenu à «accepter» le sort de son aîné, qui n’avait exceptionnellement pas pris son véhicule, le jour où le destin a frappé.

«Ce n’est pas parce qu’il est parti qu’on doit tourner la page», nuance-t-il. 

«C’est arrivé l’année passée, qui va garantir que le même scénario ne va pas se produire dans une autre semaine? soulève le quadragénaire. Les dossiers qui traînent dans les centres d’aide psychologique, est-ce qu’on peut les traiter avec plus de vigilance qu’on faisait avant?»

Chronologie d’une folie meurtrière

Mardi 2 août

21 h 45: Le suspect a commis son premier meurtre en abattant André Fernand Lemieux, le père du boxeur David Lemieux, dans l’arrondissement de Saint-Laurent, à Montréal.

André-Fernand Lemieux, le père du boxeur David Lemieux, a été tué en attendant l’autobus à Montréal, le 2 août dernier. La balle a traversé la vitre de l’abribus du boulevard Jules-Poitras. Il a été une des victimes choisies au hasard par le tireur fou Abdoula Shaikh.
André-Fernand Lemieux, le père du boxeur David Lemieux, a été tué en attendant l’autobus à Montréal, le 2 août dernier. La balle a traversé la vitre de l’abribus du boulevard Jules-Poitras. Il a été une des victimes choisies au hasard par le tireur fou Abdoula Shaikh. Photo d'archives, Agence QMI

22 h 50: Il atteint mortellement Mohamed Salah Belhaj, 48 ans, dans le quartier Ahuntsic, à Montréal, à environ trois kilomètres de la première victime. 

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Photo Agence QMI, Pascal Girard
Photo Agence QMI, Pascal Girard

Mercredi 3 août 

21 h 30: Le suspect passe de nouveau à l’acte, à Laval, en tuant Alex Lévis-Crevier, 22 ans, qui se déplaçait sur sa planche à roulettes.

Un jeune homme de 22 ans, Alex Lévis-Crevier, tombe sous les balles du tireur, sur la 1ere Rue, à Laval.
Un jeune homme de 22 ans, Alex Lévis-Crevier, tombe sous les balles du tireur, sur la 1ere Rue, à Laval. Photo Agence QMI, Pascal Girard

Jeudi 4 août

Durant la nuit: Une trentaine de policiers prennent position autour d’un motel de l’arrondissement Saint-Laurent, où le suspect s’est installé. 

L'individu qui aurait abattu gratuitement trois hommes au cours des dernières heures dans la grande région métropolitaine a été tué par les policiers à l’intérieur d’une chambre de motel Montréal, le jeudi 4 août 2022. À proximité du motel, les policiers ont retrouvé la voiture blanche qu’il aurait utilisé lors des trois meurtres.
L'individu qui aurait abattu gratuitement trois hommes au cours des dernières heures dans la grande région métropolitaine a été tué par les policiers à l’intérieur d’une chambre de motel Montréal, le jeudi 4 août 2022. À proximité du motel, les policiers ont retrouvé la voiture blanche qu’il aurait utilisé lors des trois meurtres. Photo Agence QMI, Maxime Deland

7 h: Les policiers du GTI défoncent la porte de l’endroit où le suspect est terré. Ils sont alors confrontés à Abdulla Shaikh, en possession d’une arme à feu. 

L’homme de 26 ans aurait tiré deux fois en direction des agents, avant d’être abattu par au moins deux balles dans la tête. 

-Avec les informations de Jean-Louis-Fortin, Bureau d’enquête, Maxime Deland, Agence QMI et Antoine Lacroix, Journal de Montréal

Relâché même s’il représentait un danger

Juin 2018

Première hospitalisation. Il est incohérent et désorganisé. Il affirme s’être intoxiqué avec du saumon. Aucune collaboration.

Juillet 2018

En trois jours, il se présente six fois à l’aéroport de Montréal. Il est expulsé chaque fois. Il y brûle son passeport avec une chandelle. Accusé de méfait.

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Novembre 2018

Déclaré non criminellement responsable par la juge Joëlle Roy, qui ordonne sa détention stricte.

Janvier 2019

Première audience de la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM). Il refuse la médication. Détention maintenue, mais avec possibilité de sorties.

Juin 2019

Deuxième audience de la CETM. Risque de dangerosité important, mais libération conditionnelle recommandée, et obtenue.

Septembre 2020

Troisième audience de la CETM. Pointe une arme imaginaire sur sa tempe en fixant le psychiatre. On le dit menteur. Détention ordonnée, avec possibilité de sorties.

Janvier 2021

Quatrième audience de la CETM. Libération conditionnelle recommandée par le psychiatre, qui est incapable d’affirmer que son patient prendra sa médication. Malgré l’énumération de 20 constats inquiétants, la CETM le libère sous conditions.

Mars 2021

Obtention d’une ordonnance de soin pour traiter l’accusé contre son gré. Nie sa maladie.

Juillet-août 2021

Réhospitalisé. Se parle tout seul. Agis comme s’il était avec un être imaginaire. Comportement agressif s’il est contrarié.

Mars 2022

Cinquième audience de la CETM. Début d’autocritique. Banalisation de ses troubles de comportement. Imprévisible. Libération conditionnelle maintenue.

-Avec les informations de Claudia Berthiaume, Bureau d’enquête

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