Folie meurtrière à Montréal et Laval: le frère d’une victime appelle les autorités à accélérer le pas pour éviter un autre carnage
L'enquête publique du coroner s’amorcera près de 14 mois après le triple meurtre survenu en août 2022


Laurent Lavoie
Le frère d’une victime de la folie meurtrière qui a fait trembler la métropole il y a un an déplore le laxisme du système de santé à examiner ses propres failles, craignant qu’un nouveau carnage ne survienne à tout moment.
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« On a beaucoup d’angles morts à aller explorer, insiste Mohsen Belhaj, lors d’un entretien avec Le Journal, au café Nigelle, à Montréal, qu’il dirige. On a les moyens, mais est-ce qu’on a la volonté ? »
Encore aujourd’hui, il cherche les mots pour décrire les émotions ressenties après avoir appris la mort de son frère de 48 ans, Mohamed Salah Belhaj.
C’est dans un aéroport en France, quelques jours seulement après le décès de leur père, que le quadragénaire avait appris l’horrible nouvelle.
«C’était une semaine que je ne souhaiterais même pas à un ennemi», tranche Mohsen Belhaj.

L’enquête publique du coroner débutera le 25 septembre pour faire la lumière dans cette affaire, près de 14 mois après cette traque qui aura fait 4 morts au total.
«Il faut que ça brasse un petit peu», s’impatiente M. Belhaj, qui appréhende déjà un long délai avant l’application d’éventuelles recommandations.
Chasse à l’homme inédite
La fureur du suspect Abdulla Shaikh s’était déclenchée le soir du 2 août.
L’homme de 26 ans aurait d’abord abattu froidement André Fernand Lemieux, 64 ans, le père du boxeur David Lemieux, dans un abribus de l’arrondissement de Saint-Laurent, à Montréal.

Environ une heure plus tard, Shaikh s’en serait pris à Mohamed Salah Belhaj, qui s’apprêtait à aller à l’Hôpital en santé mentale Albert-Prévost, où il était agent d’intervention.
Pendant que la métropole était plongée dans l’incertitude, les forces de l’ordre avaient entrepris une chasse à l’homme presque sans précédent, où tous les corps policiers du Québec étaient sur leurs gardes.

Le tireur fou aurait complété sa tournée sanglante le lendemain soir en tuant Alex Lévis-Crevier, sur la 1er Rue, à Laval, avant d’être abattu par les policiers dans un motel de Montréal.

Après cette folie meurtrière, le parcours psychiatrique bien rempli de Shaikh a fait couler beaucoup d’encre dans les médias. Bien que la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM) le considérait comme «un risque important pour la sécurité du public», elle lui a accordé sa liberté. [voir encadré]

L’accepter
Un an après le drame, Mohsen Belhaj tente comme il peut de «remplir le vide» dans la vie des fils de 4 et 6 ans de son défunt frère.
Il est néanmoins parvenu à «accepter» le sort de son aîné, qui n’avait exceptionnellement pas pris son véhicule, le jour où le destin a frappé.
«Ce n’est pas parce qu’il est parti qu’on doit tourner la page», nuance-t-il.
«C’est arrivé l’année passée, qui va garantir que le même scénario ne va pas se produire dans une autre semaine? soulève le quadragénaire. Les dossiers qui traînent dans les centres d’aide psychologique, est-ce qu’on peut les traiter avec plus de vigilance qu’on faisait avant?»
Chronologie d’une folie meurtrière
Mardi 2 août
21 h 45: Le suspect a commis son premier meurtre en abattant André Fernand Lemieux, le père du boxeur David Lemieux, dans l’arrondissement de Saint-Laurent, à Montréal.

22 h 50: Il atteint mortellement Mohamed Salah Belhaj, 48 ans, dans le quartier Ahuntsic, à Montréal, à environ trois kilomètres de la première victime.

Mercredi 3 août
21 h 30: Le suspect passe de nouveau à l’acte, à Laval, en tuant Alex Lévis-Crevier, 22 ans, qui se déplaçait sur sa planche à roulettes.

Jeudi 4 août
Durant la nuit: Une trentaine de policiers prennent position autour d’un motel de l’arrondissement Saint-Laurent, où le suspect s’est installé.

7 h: Les policiers du GTI défoncent la porte de l’endroit où le suspect est terré. Ils sont alors confrontés à Abdulla Shaikh, en possession d’une arme à feu.
L’homme de 26 ans aurait tiré deux fois en direction des agents, avant d’être abattu par au moins deux balles dans la tête.
-Avec les informations de Jean-Louis-Fortin, Bureau d’enquête, Maxime Deland, Agence QMI et Antoine Lacroix, Journal de Montréal
Relâché même s’il représentait un danger
Juin 2018
Première hospitalisation. Il est incohérent et désorganisé. Il affirme s’être intoxiqué avec du saumon. Aucune collaboration.
Juillet 2018
En trois jours, il se présente six fois à l’aéroport de Montréal. Il est expulsé chaque fois. Il y brûle son passeport avec une chandelle. Accusé de méfait.
Novembre 2018
Déclaré non criminellement responsable par la juge Joëlle Roy, qui ordonne sa détention stricte.
Janvier 2019
Première audience de la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM). Il refuse la médication. Détention maintenue, mais avec possibilité de sorties.
Juin 2019
Deuxième audience de la CETM. Risque de dangerosité important, mais libération conditionnelle recommandée, et obtenue.
Septembre 2020
Troisième audience de la CETM. Pointe une arme imaginaire sur sa tempe en fixant le psychiatre. On le dit menteur. Détention ordonnée, avec possibilité de sorties.
Janvier 2021
Quatrième audience de la CETM. Libération conditionnelle recommandée par le psychiatre, qui est incapable d’affirmer que son patient prendra sa médication. Malgré l’énumération de 20 constats inquiétants, la CETM le libère sous conditions.
Mars 2021
Obtention d’une ordonnance de soin pour traiter l’accusé contre son gré. Nie sa maladie.
Juillet-août 2021
Réhospitalisé. Se parle tout seul. Agis comme s’il était avec un être imaginaire. Comportement agressif s’il est contrarié.
Mars 2022
Cinquième audience de la CETM. Début d’autocritique. Banalisation de ses troubles de comportement. Imprévisible. Libération conditionnelle maintenue.
-Avec les informations de Claudia Berthiaume, Bureau d’enquête
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