9,4 milliards $ pour le REM: 4 raisons pour lesquelles les projets coûtent toujours plus cher que prévu au Québec


Andrea Lubeck
Les coûts de construction du REM ont explosé dans les dernières années pour atteindre 9,4 milliards $, estime la vérificatrice générale du Québec dans un rapport publié mercredi. Rien d’étonnant: il y a des dépassements de coûts dans 90% des projets de transport. Deux expertes nous expliquent pourquoi.
• À lire aussi: Maintenant à 9,4 G$: les coûts du REM explosent
• À lire aussi: Et si on finançait la STM avec des péages, comme à New York?
1- Quand l’inflation s'en mêle...
L’inflation, les retards occasionnés par la pandémie et la découverte d’explosifs dans le tunnel Mont-Royal ont largement contribué à faire passer la facture de 7 milliards de dollars en 2018 à 9,4 milliards en 2024, a indiqué la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc.
Il faut savoir que la hausse du coût de la vie affecte tous les secteurs économiques, y compris l’industrie de la construction.
C’est encore plus vrai pour les projets de transport en commun, puisqu’ils se réalisent sur plusieurs années, nous expliquait la professeure au département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM, Florence Junca-Adenot, dans une entrevue en novembre 2023.
«Ce sont toujours des projets qui sont longs dans la durée et qui subissent des retards dans l’échéance, pour plusieurs raisons. Il n’y en a pas un [projet] pour lequel on peut appuyer sur un bouton et, en six mois, le projet est terminé», précisait-elle.
«Quand le coût total projeté sort au début, il ne tient généralement pas compte de l’inflation. Mais quand il va être terminé, il va être fait avec le coût réel qui l’incorpore.»
2- On annonce les coûts trop tôt
Le premier chiffre mis de l’avant lors de l’annonce d’un projet structurant de transport en commun est un «coût politique» qui sert à «faire passer le projet», soulignait aussi la professeure Junca-Adenot.
«Le projet n’est pas défini, les plans et les tracés ne sont pas faits, mais il y a un premier coût qui va sortir. C’est le chiffre que les gens vont retenir», précisait celle qui est également cofondatrice de l’Alliance pour le financement des transports collectifs du Québec.
Or, sans les données de base – où va passer le projet, sa longueur, selon quel mode (hors-terre, souterrain, etc.), quand il sera réalisé –, difficile de savoir exactement à combien s’élèvera la facture.
Durant toutes les étapes qui précèdent la construction, qu’il s’agisse des plans préliminaires, des analyses de besoins, des tracés ou de l’intégration urbaine, «les coûts vont s’ajuster et vont varier jusqu’au moment où on a des plans et devis définitifs et qu’on aille en appel d’offres pour les travaux, pour l’achat de matériel, etc.», selon Mme Junca-Adenot.
• À lire aussi: «Pour faire 120 000$, il ne faut pas avoir de vie»: 17% des chauffeurs de la STM gagnent plus de 100 000$
3- On a du mal à planifier les meilleurs projets
C'est l’un des plus grands défauts des projets d’infrastructure au Québec, soutenait en 2023 Fanny Tremblay-Racicot, professeure agrégée à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
«C’est le paradoxe des grands projets, comme le tramway de Québec, par exemple. On surestime les bénéfices et on sous-estime les coûts, et les projets, c’est très rare qu’ils atteignent les objectifs qu’on a déterminés à l’avance», remarquait la professeure.
Pour arriver à développer les meilleurs projets qui auront un plus grand retour sur l’investissement, il faudrait donc «renforcer notre capacité de planification et de réalisation», selon Fanny Tremblay-Racicot.
«Quand on sait qu’on a le meilleur projet, on peut justifier l’investissement, même s’il coûte cher. On peut mieux accepter les explosions de coûts. Or, le contraire est beaucoup plus difficile.»
• À lire aussi: Voici pourquoi le futur SRB Henri-Bourassa est «rouge pétant»
4- Public c. privé
L’organisme derrière le projet – que ce soit le gouvernement, une entreprise privée ou la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) – a aussi un impact sur la facture totale.
Dans les projets privés, comme le Réseau express métropolitain (REM), les coûts engendrés par d’autres partenaires ne sont parfois pas comptabilisés dans les chiffres rendus publics.
Fanny Tremblay-Racicot pense notamment aux études indépendantes réalisées en amont d'un projet par les gouvernements ou aux travaux effectués par les villes sur la voirie pour l’adapter à un projet, «qui peuvent ajouter quelques centaines de millions à la facture».
— Avec des informations du Journal