Ève-Marie Lortie et sa fille Corinne poursuivent leur rêve
Ève-Marie Lortie anime «Salut Bonjour» en semaine dès 6 h 30, à TVA et TVA+.
Michèle Lemieux
Ève-Marie Lortie ne pourrait être plus fière. Après avoir élevé sa fille seule, et en dépit des contraintes de son emploi, elle voit aujourd’hui Corinne voler de ses propres ailes et suivre ses traces. Malgré un lien symbiotique, mère et fille ont réussi à se laisser l’espace nécessaire pour se déployer et poursuivre leur rêve.
• À lire aussi: Ève-Marie Lortie a remis son tablier «MasterChef» pour une occasion bien spéciale
• À lire aussi: Le fils de Linda Malo sur les traces de sa mère et de son grand-père, Yves Corbeil
Ève-Marie, comment s’est passée ta première saison à la barre de Salut Bonjour sur semaine?
Le bilan est plus que positif, en ce qui me concerne. C’est le rythme de travail soutenu dont j'avais envie dans ma vie. J’ai réussi à garder un équilibre dans l'horaire de travail de nuit, mais j'ai aussi pu sortir pour assister à quelques premières de spectacles. J'en ai vraiment profité. L'idée, en m'installant à Montréal, était de profiter de ce que la ville avait à offrir, et c’est ce que j’ai fait.
Que comptes-tu faire de ton été?
Je terminerai en juin pour reprendre au mois d'août. Pendant les vacances, mon amoureux et moi avons prévu un voyage en Provence. Nous passerons le reste de l'été dans nos terres, à l’Anse-Saint-Jean.
Corinne, parlons de ta carrière de journaliste de terrain.
Mon travail me permet de toucher à tout, des dossiers municipaux à l'actualité culturelle, en passant par la politique et les relations humaines. J’aime la variété. Je suis encore aux études à l'université. Pendant l'année scolaire, je conjugue études et travail, et l'été, je travaille à temps plein dans la salle de nouvelles de TVA Nouvelles, à Sherbrooke.
Dans quel domaine poursuis-tu tes études?
Corrine: Je fais un bac multidisciplinaire. Je viens de terminer un certificat en communication. J’en ai fait un en relations internationales et j'en commencerai un autre en histoire.
Ève-Marie: Quand Corinne a choisi son métier et qu’elle a décidé d’étudier en arts et technologies des médias, j'ai compris qu'on aurait un parcours similaire. Je ne lui ai pas donné beaucoup de conseils, mais je lui ai fait part d’un regret que j’ai, soit de ne pas être allée à l’université. C'était une autre époque, une autre façon de faire... J’ai donc encouragé Corinne à poursuivre ses études.
Ta mère ne s’est donc pas mêlée de ton parcours...
Pas du tout. Nous avons un parcours similaire, mais nous ne nous mêlons pas des affaires de l’une ou de l’autre. Ma mère me conseillera si j’en ai besoin, mais jamais elle ne se mêlera de quoi que ce soit. Nous faisons vraiment la part des choses.
È.-M.: Comme je l’ai toujours dit, Corinne a un directeur de l’information et des leaders, dans sa salle de nouvelles, qui le font très bien. Moi, je suis sa mère, d'abord et avant tout.
C.: Et lorsque nous sommes sur le même quart de travail, c’est ma collègue.
È.-M.: Lors de ma première journée à Salut Bonjour sur semaine, nous avons été en ondes ensemble. Ç’a été un moment de grande fierté, très touchant. Je ne pouvais pas faire semblant que ce n’était pas ma fille. À la fin, j’ai dit: «Après toutes les rentrées scolaires où je t'ai tenu la main dans une cour d'école, ça me touche que tu sois avec moi aujourd’hui.» Nous avons aussi été en ondes ensemble le 24 décembre au matin et nous avons eu ce petit clin d’œil, en nous disant: «On se voit tantôt pour le réveillon».
C.: C’est facile de se dire: «C’est à cause de sa mère qu’elle est là.» Je peux comprendre que les gens aient cette impression, mais pour arriver où j’en suis, j’ai fait les études nécessaires de même qu’un stage...
Même si tu adores ta mère, tu ne veux pas être étiquetée comme étant la «fille d’Ève-Marie Lortie».
È.-M.: Au Québec, on célèbre les affaires de père en fils ou de mère en fille. Dans notre cas, je suis très fière que ma fille ait choisi une carrière semblable à la mienne. Ça veut dire que j’ai probablement rapporté une image positive de mon métier à la maison. Ceci étant dit, je n’ai pas fait d’appel pour qu’on embauche ma fille. Elle évolue. Elle a du talent. Les gens l’apprécient. Ses collègues de travail l’adorent. C’est pour ça qu’elle a un travail. Que nous fassions ce métier de mère en fille, c’est la plus belle chose qui soit.
Corinne, as-tu senti très tôt le désir de faire le même métier que ta mère?
Jeune, j’aimais le théâtre, la comédie musicale, l’impro. Au secondaire, lors des rencontres avec la conseillère en orientation, on ne soulevait pas vraiment de questions: c’était évident que j’avais un intérêt pour la communication et le journalisme. L’envie de raconter des histoires, c’est mon carburant. Avoir pour modèle une maman qui est à la fois présente à la maison et qui travaille en information, c’est formidable! Ma mère a été un modèle à tous les égards.

Tu aurais pourtant eu plusieurs raisons de détester ce métier qui te prenait ta maman...
C.: J’aurais pu avoir un discours différent. C’est un métier public. Je vois parfois des commentaires de gens mécontents, mais je vois surtout les gens, à l’épicerie, la remercier d’illuminer leurs matins depuis plus de 20 ans.
È.-M.: Elle aurait pu dire que sa mère l’avait fait garder plusieurs nuits par des gardiennes...
C.: ... mais ce n’est pas le cas. Je suis fière de ma mère et je ressens cette fierté depuis que je suis petite. Comme nous faisons un peu le même métier, nous pouvons en discuter ensemble. Nos réalités sont différentes, mais elles se ressemblent. Nous pouvons échanger sur les grands moments de l’actualité: comment je les ai vécus sur le terrain, comment elle les a vécus en studio. C’est un métier rempli de défis. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est tellement gratifiant par moment!
È.-M.: Corinne est très fière d’être journaliste dans un marché régional et de transmettre l’information locale. Chaque fois qu’elle est à la télévision et que j’écoute ses reportages, que je lis ses histoires, je ressens une énorme boule d’émotion! Je pourrais être la maman qui se vante en disant: «C’est ma fille!», mais je ne le fais pas... car je me gère. (sourire) Mais je suis tellement fière! En plus, Corinne m’aide dans mon métier. Elle me garde ancrée dans une perspective jeune, et je l’apprécie.
Comment as-tu vécu son départ hâtif de la maison familiale?
È.-M.: Pour moi, ça signifie que j’ai été capable de lui dire qu'elle était assez forte. Nous avons vécu longtemps juste toutes les deux. On aurait pu penser qu’elle collerait... (rires) Nous étions très unies. Quand elle m’a annoncé qu’après le secondaire, elle s’en allait étudier à Jonquière et qu’elle quittait la maison, j’ai été heureuse pour elle. Ça voulait dire qu’elle était assez solide pour prendre cette décision.
De par le travail de ta mère, je présume que tu as dû développer une grande autonomie et une certaine indépendance.
C.: Quitter la maison, la famille et les amis à 17 ans, en pleine pandémie, ç’a été un beau défi! Jonquière ne m’était pas inconnue, mais je n’y avais pas beaucoup d’amis ni de famille. Il fallait que je démarre une nouvelle vie. Ma mère m’a encouragée, m’a épaulée. Cette indépendance m’est venue un peu plus tard dans la vie, car petite, j’étais plutôt bien dans mes pantoufles.
È.-M.: J’ai toujours été impressionnée par sa façon de prendre des risques. À 16 ans, elle est partie en canot pendant 24 jours. Il a fallu que je me gère... (sourire)
Corinne, as-tu traversé une crise d’adolescence?
C.: Ma crise d’adolescence, je l’ai vécue à 5 ans. J’étais un petit démon... (sourire) Je gérais des émotions de grande personne dans un petit cœur d’enfant. J’en ai fait voir de toutes les couleurs à ma maman, à mes gardiennes, à ma mamie, et par la suite, au conjoint de ma mère, qui est mon beau-père et qui est resté malgré tout... Je le salue, d’ailleurs! (rires)
È.-M.: Il faut dire que ça coïncidait avec la séparation de tes parents... Son père et moi nous sommes séparés quand elle était petite et, éventuellement, elle a compris que son modèle familial n’était pas comme celui des autres. Corinne cherchait des réponses: «Qui sont les gens qui m’aiment? À quel point m’aiment-ils?»
C.: Je me demandais pourquoi c’était arrivé. À un moment donné, c’était de sa faute, puis c’était de la mienne. C’était beaucoup de grandes émotions pour une toute petite fille.
È.-M.: Corinne avait un cercle d’amis très positif, qui la tirait vers le haut. Elle avait aussi des passe-temps créatifs. Son intérêt pour les arts de la scène et la nage synchronisée a pris une belle place dans sa vie.
Compte tenu de votre relation symbiotique, vous arrive-t-il de vous chicaner?
È.-M.: Ça ne nous est vraiment pas arrivé souvent, mais c’est normal que ça se produise dans une relation mère-fille. Parfois, on passe une période de notre vie à dire qu’on ne veut pas ressembler à notre mère ni être comme elle. Puis, on admet qu’il y a une influence... Corinne et moi avons vécu un peu plus de 10 ans ensemble, juste toutes les deux. Je me suis toujours dit qu’il ne fallait pas qu’elle soit ma coloc ni mon amie: je suis sa mère et elle n’en a qu’une.
Puisque vous habitez loin l’une de l’autre, comment gérez-vous votre relation?
C.: Nous faisons un appel FaceTime tous les jours pour parler de tout et de rien. Nous essayons de nous voir les week-ends à Québec. Il nous arrive de nous donner rendez-vous à mi-chemin, à Bromont.
È.-M.: Je voulais être maman dans la vie. Être maman, c’est ce qui me rend le plus heureuse. Je me définis d’abord et avant tout comme une mère. Après, je suis l’amoureuse, l’amie et le visage souriant qui vous accompagne le matin, à la télévision.
Corinne, quand tu repenses à ta mère, à sa carrière, à sa vie de mère d’une famille monoparentale, comprends-tu mieux ce qu’elle a vécu?
C.: Vraiment! Quand on est jeune, on ne voit pas les sacrifices, le temps, les défis, les victoires, mais aussi les moments plus difficiles. Je salue sa carrière. Je suis fière de dire que ma mère est la première femme à animer Salut Bonjour; qu’elle se lève à 3 h du matin depuis des années; qu’elle m’a élevée seule; qu’elle était capable de faire 850 recettes, de tondre le gazon, sans oublier d’attacher mes souliers... Je ne le réalisais pas lorsque j’étais jeune, mais à 22 ans, j’applaudis ma mère.
Ève-Marie, tu as perdu ta maman en août dernier. A-t-elle été un beau modèle pour toi?
È.-M.: Bien sûr, et je suis contente de savoir qu’elle aura quand même vu, de son vivant, Corinne faire son travail de journaliste. Elle serait sûrement très fière de nous voir en première page du magazine... Je n’oublierai jamais que c’est elle qui est venue en renfort quand je me suis séparée. Je lui ai dit et redit que je ne serais pas la femme accomplie que je suis si elle ne m’avait pas aidée. C’est ce qui m’a permis de continuer à faire le travail que j’aime le plus au monde. Si maman n’était pas venue vivre avec nous à la maison pour me permettre de continuer à travailler de nuit, j’aurais eu une décision à prendre. J’aurais fait autre chose, mais je n’aurais pas fait ce que je voulais. Et le jour où elle a reçu l’aide médicale à mourir, je l’ai encore remerciée d’avoir été là pour moi.