Entreprises non conformes aux nouvelles règles d’affichage en français: leur logo comme bouclier
Ces trois bannières visibles au Marché Central à Montréal démontrent que ce n'est pas tous les commerçants qui se conforment à la nouvelle réglementation sur l'affichage au Québec.Photos Julien McEvoy
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Julien McEvoy
2025-06-03T04:00:00Z
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Quatre jours après l’entrée en vigueur des nouvelles règles d’affichage, de nombreux commerces montréalais ne respectent toujours pas l’obligation de donner une place « nettement prédominante » au français.
«Si j’entends qu’ils commencent à inspecter des entreprises et qu’ils les menacent de sanctions, mon logo va devenir mon enseigne», confie Leif Anderson, propriétaire de Gender Mannequins, dans le Mile-End.
Cette stratégie d’évitement fait école. Le commerçant et ses copains entrepreneurs ont eu la même idée. «Toutes les entreprises que je connais vont faire pareil. On n’a pas besoin de texte dans l’enseigne», explique celui qui vend ses mannequins aux détaillants de partout dans le globe.
Leif Anderson devant Gender Mannequins dans le quartier Mile-End, à Montréal. Le commerçant mise sur son logo pour éviter les nouvelles règles d’affichage.Photo JULIEN MCEVOY
Une promenade au Marché Central révèle l’ampleur du problème. Bath&Body Works, HomeSense et Under Armour affichent encore leurs enseignes non conformes. Chez le détaillant de bulles de bain, l’atmosphère est tendue.
L’enseigne de Bath&Body Works au Marché Central demeure non conforme aux nouvelles règles d’affichage en vigueur depuis le 1er juin.Photo JULIEN MCEVOY
«Ah, c’est vrai, c’est aujourd’hui!» a lancé une employée à sa gérante, Noémie Leclerc, quand Le Journal s’est présenté, lundi après-midi. Le moment, révélateur de l’impréparation de la chaîne américaine, a mené au refus de répondre à nos questions. On nous a poliment dirigés vers le siège social de Reynoldsburg, en Ohio.
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Approche différente
Cette omerta contraste avec l’approche de BulkBarn. La chaîne ontarienne a déjà modifié son enseigne «il y a deux, trois mois», selon le gérant de 23 ans rencontré sur place, lundi.
BulkBarn a modifié ses enseignes au Québec pour se conformer aux nouvelles règles d’affichage français.Photo JULIEN MCEVOY
Dans le Mile-End, Leif Anderson n’a «aucune idée» si son enseigne respecte les règles. «Je ne vais pas les appeler», dit-il à propos de l’Office québécois de la langue française (OQLF).
Cette attitude illustre le malaise du secteur. Chez HomeSense, au Marché Central, le mot «maison» ajouté sous la marque ne respecte pas la règle du double d’espace. Même constat pour Under Armour et les mots «performance sportive».
HomeSense et Under Armour au Marché Central n’ont pas adapté leurs enseignes aux nouvelles règles exigeant une prédominance du français.Photos Julien McEvoy/montage Le Journal de Montréal
Le restaurant Slice + Soda dans le Mile-End ne respecte pas non plus les nouvelles règles.
Le restaurant Slice+Soda dans le Mile-End affiche encore une enseigne non conforme aux nouvelles règles d’affichage français.Photo JULIEN MCEVOY
Trois ans de préavis ignorés
«Les entreprises savent depuis juin 2022 que la notion de nette prédominance du français allait devoir être respectée», rappelle le cabinet du ministre Jean-François Roberge.
Beaucoup de commerçants semblent tabler sur la «flexibilité» promise par Québec. Gender Mannequins mise sur sa clientèle d’affaires.
« Je fais du business-to-business (B2B), Reitmans me connaît, Simons me connaît. »
- Leif Anderson, propriétaire de Gender Mannequins
Julien McEvoy
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La stratégie du logo permet d’éviter tout texte en français ou en anglais. Une façon de contourner des règles, que plusieurs commerçants semblent encore peu enclins à respecter.
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Les nouvelles règles en bref
Le français doit occuper un espace «au moins deux fois plus grand» que l’anglais.
Les entreprises ont eu trois ans pour se conformer depuis l’adoption du projet de loi 96.
L’OQLF promet un accompagnement pour les entreprises de «bonne foi».
Les logos seuls peuvent éviter l’obligation de texte bilingue.
Les étiquettes de produits doivent être en français.
Sur les emballages, seuls les noms d’entreprise peuvent rester uniquement en anglais.
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