«Encore du travail à faire» 32 ans après Polytechnique
Deux femmes touchées par la tuerie dénoncent les 18 féminicides en 2021 au Québec

Frédérique Giguère
Deux femmes directement touchées par la tuerie de Polytechnique insistent sur l’importance capitale de continuer de mettre de l’avant l’égalité des sexes sur la place publique, au terme d’une année marquée par un nombre effarant de féminicides.
• À lire aussi: Polytechnique: un article étudiant jugé sexiste
• À lire aussi: Une Albertaine est honorée à Polytechnique
• À lire aussi: Poly se souvient réclame un nouveau ministre de la Sécurité publique
Il y a 32 ans aujourd’hui, Marc Lépine entrait dans les corridors de l’université montréalaise afin d’y commettre un véritable carnage. Avant de s’enlever la vie, il a abattu 14 femmes. « J’haïs les féministes », a dit l’homme de 25 ans avant d’ouvrir le feu.

« Il y a longtemps, quelqu’un m’avait expliqué que dans l’esprit des êtres humains, il y a des modèles, et quand quelqu’un brise un modèle et en crée un nouveau, ça devient accepté, explique Nathalie Provost, survivante malgré les trois balles qui ont percé sa peau le 6 décembre 1989. Marc Lépine a créé quelque chose. Il a rendu possible une aussi grande violence envers les femmes. »
- Écoutez l’entrevue de Nathalie Provost, survivante des attentats de la polytechnique au micro de Richard Martineau sur QUB radio :
Il aura fallu 30 ans avant qu’on reconnaisse collectivement que la tragédie de polytechnique était en réalité un féminicide.
« Au 30e anniversaire, ce mot est entré dans mon vocabulaire, tout comme des milliers de Québécois, dit Mme Provost. La société était mûre et c’était le temps qu’on appelle un chat un chat. »

L’emploi désormais courant du mot féminicide est un bon pas en avant, estime-t-elle. Or, la lutte contre la violence faite aux femmes est loin d’être gagnée. Il est essentiel de demeurer vigilant, selon Sylvie Haviernick, dont la sœur Maud a été tuée simplement parce qu’elle était une femme. Les jeunes doivent être éduqués sur la violence et être conscients qu’elle ne pourra jamais disparaître complètement, croit-elle.
Vive douleur
Pas moins de 18 féminicides sont survenus au cours de la dernière année.
« Je me demande pourquoi 18 pris à l’unité sont moins que 14 en même temps, s’indigne Mme Provost. Pourquoi on ne se scandalise pas autant ? C’est moins symbolique, mais c’est 18 vies, 18 espoirs quand même. »
Chaque fois, Mme Haviernick a ressenti une vive douleur. « On a travaillé tellement fort après les événements de Polytechnique, alors quand on voit ça, c’est à se demander si ça va toujours être comme ça. Je suis une personne très optimiste, mais cette année, j’ai trouvé ça très dur. »
Écoutez Sophie Durocher et Marie-Claude Barrette sur QUB radio:
Santé mentale
Plusieurs des hommes qui ont tué une femme au cours des derniers mois souffraient de problèmes de santé mentale. C’était également le cas de Marc Lépine, selon sa mère et le coroner qui a enquêté sur la tragédie.
« C’est certain qu’on peut voir une similitude à ce niveau-là, lance Mme Haviernick. Ça n’excuse pas les gestes commis, mais je pense qu’il y a encore du travail à faire. »
Heureuse du chemin parcouru depuis 32 ans, Nathalie Provost insiste toutefois sur une chose primordiale : on ne peut soigner quelqu’un contre sa volonté, quels que soient les ressources disponibles et l’argent investi.
« Ça m’inquiète, parce que notre monde est de plus en plus dur, confie-t-elle. L’économie est dure, la compétition entre les gens est dure, vivre en société c’est dur. »
- Écoutez l’entrevue de Mélissa Blais, professeure de sociologie à l’UQO et autrice de l’essai J'haïs les féministes
SI VOUS AVEZ BESOIN D’AIDE
SOS violence conjugale
- www.sosviolenceconjugale.ca
- 1 800 363-9010 (24h/24, 7j/7)