Polytechnique: un article étudiant jugé sexiste


Camille Payant
En pleine période de commémoration de la tragédie de Polytechnique, un article publié par le journal étudiant de l’institution soulève l’ire de finissantes en génie, qui y voient une nouvelle représentation assumée du sexisme dans la profession.
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« Je peux comprendre l’humour noir. Mais il y a une limite à ne pas dépasser », affirme Alexa Cruz, diplômée en génie mécanique à l’École de technologie supérieure (ÉTS).

Dans son spécial humoristique de fin de session, le Polyscope a publié un texte mettant en vedette Martine, une Européenne venue étudier à Polytechnique Montréal.
Martine, un personnage fictif en référence à la série d’albums pour enfants du même nom, « a eu beaucoup de difficulté à gérer ses émotions » et « n’était peut-être pas une si grande fille que ça ». En raison de ses mauvaises notes, elle quitte pour l’ÉTS, un « établissement d’enseignement inférieur ».
Le texte précise que Martine n’a pas été en mesure de réussir ses examens pour devenir ingénieure et qu’elle travaille maintenant dans une boulangerie.
« C’est encore un autre exemple pourquoi le milieu est hostile aux femmes. Ce n’est pas super agréable d’évoluer dans ce milieu-là, en sachant que beaucoup de gens autour de nous ne pensent pas qu’on a notre place », explique Alyssa Bouchenak, finissante en génie logiciel à l’ÉTS.
« J’ai été surprise de voir à quel point c’était assumé. [...] Toute une équipe a trouvé ça drôle et s’est dit qu’elle allait mettre ça dans le journal », précise-t-elle.
« Quand on en fait des blagues, on rend [ces propos] acceptables », affirme pour sa part Marie-Philippe Gill, également diplômée en génie logiciel à l’ÉTS.
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Parallèles surprenants
L’histoire de Martine, qui se veut humoristique, résonne fortement chez Alexa Cruz, qui y voit de nombreuses ressemblances avec ce qu’elle a vécu dans les dernières années. « J’ai décidé d’aller à l’ÉTS à cause de leur méthode d’enseignement. J’ai vécu des difficultés au niveau de ma santé mentale durant mon parcours, précise-t-elle. Et j’ai fait le choix de quitter le génie mécanique pour devenir pâtissière. »

« Ça reprenait beaucoup de propos qui m’atteignaient », poursuit celle qui est actuellement étudiante en pâtisserie à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec.
L’équipe du Polyscope a tenu à s’excuser pour la parution de l’article controversé. « Chaque année, l’édition Kapoté du Polyscope se veut parodique, satirique et humoristique. Force est de constater que nous avons manqué notre coup cette année », mentionne-t-elle dans une publication Facebook.
L’administration de Polytechnique Montréal a tenu à se dissocier des propos tenus dans l’article. « L’équipe [du Polyscope] a complètement raté sa cible en publiant un article maladroit et offensant, pour les femmes, et pour les étudiantes et les étudiants de l’ÉTS », affirme Annie Touchette, responsable des communications externes de l’université.
Vendredi, des copies du Polyscope étaient toujours disponibles à l’entrée de Polytechnique. L’édition numérique, qui sera en ligne dans les prochains jours, ne contiendra toutefois pas l’article litigieux.