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L'article provient de TVA Nouvelles
Politique

Fiasco SAAQclic: le cabinet du ministre François Bonnardel est intervenu directement dans les documents transmis aux élus de l’Assemblée nationale pour cacher un report du projet en 2020

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Photo portrait de Nicolas Lachance

Nicolas Lachance

2025-08-20T13:06:57Z
2025-08-20T20:43:30Z
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La directrice de cabinet du ministre François Bonnardel est intervenue directement dans les documents transmis aux élus de l’Assemblée nationale en mai 2020 afin de dissimuler le report de la livraison du projet SAAQclic.

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«Je préférais que ces informations-là soient retirées», a admis Véronik Aubry, directrice de cabinet du ministre entre 2018 et 2021, lors de son témoignage devant le commissaire Denis Gallant mercredi midi.

Dans un courriel datant de mai 2020, Mme Aubry s’adresse directement à la PDG de la SAAQ, Nathalie Tremblay, pour demander que les informations les plus à jour concernant le projet ne soient pas divulguées aux élus. La décision de transmettre des données incomplètes a reçu l’aval du cabinet.

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Le report du projet était donc déjà envisagé par la SAAQ en 2020. «Ils travaillaient à un redéploiement», a reconnu Mme Aubry. En juillet 2020, le report est confirmé : SAAQclic sera déployé en décembre 2022.

La transparence

Ainsi, les élus de l’Assemblée nationale responsables de l’examen des dépenses ont reçu des informations périmées.

«Je vois ça comme hautement problématique» en matière de transparence, a déclaré le commissaire Denis Gallant.

Une conseillère au cabinet du premier ministre avait été informée du nouvel échéancier et du litige sur les coûts entre la SAAQ et l’Alliance SAP-LGS (les fournisseurs), tout comme le cabinet du ministre Éric Caire, confirme Mme Aubry.

Rappelons que le litige portait sur un manque à gagner de 800 000 heures nécessaires pour compléter le projet.

Mme Aubry a également indiqué au commissaire Gallant qu’elle commençait à avoir des préoccupations concernant les coûts du projet. Toutefois, elle n’a pas abordé les risques d’explosion des coûts avec les cabinets du premier ministre et du ministre Caire.

«Je donne des informations sur lesquelles on m’a donné des assurances», a-t-elle plaidé.

Quelques semaines plus tard, le contentieux est réglé. La directrice de cabinet aurait reçu l’assurance qu’il n’y aurait pas d’impact sur le budget ni sur le projet.

L’histoire démontrera pourtant que le litige forcera Québec à débourser un extra de plus de 200 millions $ pour terminer SAAQclic.

Un retard souhaité par le cabinet

Par ailleurs, selon de nouvelles transcriptions dévoilées devant la commission, le cabinet du ministre souhaitait que le projet soit repoussé.

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Dans un échange de courriels, le conseiller politique Alain Généreux écrit à sa chef de cabinet qu’«il faut les [instrumentaliser] pour repousser le délai final».

Lors d’un interrogatoire serré, Mme Aubry a relaté que le cabinet désirait ajouter de nouvelles fonctionnalités au projet, en raison d’orientations politiques.

«Un report pouvait nous accommoder», a-t-elle mentionné.

Hier, la Commission Gallant a révélé que le ministre François Bonnardel et son équipe détenaient, dès 2021, des informations financières précises concernant le fiasco de SAAQclic. Ces données ont également été délibérément dissimulées aux élus de l’Assemblée nationale.

Réaction vive

Ces révélations ont particulièrement choqué le commissaire Denis Gallant.

Les parlementaires avaient été informés d’un budget de 458 millions $ pour mener à terme les trois livraisons du projet.

Or, lors d’une rencontre avec la SAAQ, le ministre a été informé que le coût s’élevait désormais à 682 millions $, à la suite du litige avec l’Alliance.

«L’imputabilité, elle appartient à votre ministre»

De plus, six mois avant le déploiement catastrophique de SAAQclic, les documents présentés au cabinet du ministre François Bonnardel affichaient des voyants rouges et confirmaient que le projet n’avait plus de marge de manœuvre. Selon le commissaire Denis Gallant, ces signaux prouvaient que les coûts allaient augmenter.

«Dans ma tête, je me dis : ça va prendre d’autres argents», a lancé le commissaire Denis Gallant au conseiller politique Alain Généreux, surpris par la teneur des informations transmises au cabinet du ministre des Transports en 2022.

Le témoignage de ce proche conseiller du ministre Bonnardel s’est poursuivi mercredi matin devant la commission sur le fiasco de SAAQclic.

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Insatisfaisant

Une fois de plus, le commissaire Denis Gallant a semblé douter des réponses de celui qui se qualifie de «picosseux» et «perspicace».

Malgré le peu de marge de manœuvre pour compléter la deuxième livraison du projet, Alain Généreux n’était «pas encore rendu» à penser que les coûts explosaient.

Pourtant, le rapport d’audit de la firme EY, qui lui avait été transmis et expliqué, projetait des indicateurs de performance bien rouges. Il s’agissait d’un contraste marqué avec ceux que la SAAQ lui transmettait pour assurer le suivi du dossier auprès du ministre.

Le commissaire Gallant lui a rappelé que l’information ne lui était pas cachée.

Il en convient

«Est-ce qu’on aurait pu faire plus ? La réponse, c’est oui », a affirmé M. Généreux. «J’ai possiblement pas assez posé de questions.»

Néanmoins, à la fin de son témoignage, le conseiller politique a plaidé l’ignorance.

«Quand on n’a pas l’information claire, concise, complète dans un cabinet de ministre parce qu’elle est retenue, diluée ou cachée», a affirmé le conseiller.

Le commissaire Gallant lui a rappelé que «l’imputabilité, elle appartient à votre ministre».

«Il faut trouver des éléments pour que l’information monte, si on veut être capable de maintenir l’imputabilité», a toutefois indiqué Alain Généreux pour conclure son témoignage.

Après l'élection de 2022, le conseiller politique a transféré le dossier en indiquant que le projet CASA/SAAQclic était sur les rails. 

458 M$ ferme

Par ailleurs, le projet SAAQclic devait coûter 458 millions$ sur 10 ans pour l’ensemble des livraisons, incluant les investissements et les coûts récurrents, a confirmé l’ex-directrice de cabinet du ministre François Bonnardel.

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Informée d’un report de deux ans pour la livraison du projet SAAQclic au début de 2020, Véronik Aubry ne s’est pas inquiétée d’une possible augmentation des coûts.

Lorsqu’il a été nommé ministre des Transports en 2020, François Bonnardel et son équipe ont rencontré les hauts dirigeants de la SAAQ afin d’aborder le projet CASA/SAAQclic. Un article du Journal avait révélé quelques mois auparavant que le projet risquait de déraper.

Après un breffage technique, l’équipe du ministre Bonnardel a été «rassurée», a expliqué Mme Aubry.

Explosion

À l’époque, les documents transmis indiquaient que le projet était évalué à 458 millions $, incluant les « termes définis par contrat ferme sur une période de 10 ans (investissement + récurrence), permettant de mieux gérer les risques ».

Mme Aubry mentionne que la SAAQ lui avait expliqué qu’il s’agissait d’un contrat « de 458 M$ qui inclut tout ». L’Alliance SAP-LGS devait fournir «les ressources spécialisées permettant de livrer dans les délais », selon le document.

Les ministres Geneviève Guilbault et François Bonnardel témoigneront jeudi et vendredi concernant leur implication dans le projet SAAQclic.

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