En 1924, le vol du siècle orchestré par un ancien policier de Montréal vire au désastre


Mathieu-Robert Sauvé
Ça aurait pu être le vol du siècle, mais le guet-apens d’un fourgon rempli d’argent le 1er avril 1924 dérape, faisant deux morts dans l’est de Montréal. La science judiciaire naissante permettra de condamner le cerveau de l’opération, un ancien policier, et plusieurs de ses complices.
«Il y avait plus de 246 000$ dans le camion de la Banque d’Hochelaga. Une fortune pour l’époque», relate Simon Dubé, adjoint exécutif du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale et diplômé en histoire.
Programmé de longue date, ce cambriolage était scénarisé de telle sorte que les bandits auraient dû s’enfuir sans effusion de sang après avoir immobilisé le fourgon sous un viaduc de la rue Ontario, à Montréal, au moyen d’un fil de fer.
Pendant que les voleurs auraient immobilisé le chauffeur, d’autres auraient ramassé le butin et se seraient enfuis en auto. «Malheureusement pour eux, tout a mal fonctionné, à commencer par l’immobilisation du camion. Ça n’a pas marché», résume M. Dubé.
Dans une scène digne d’un film de gangsters, une fusillade éclate et le chauffeur du camion, Henri Cléroux, 24 ans, succombe sous les balles. Un des voleurs, Harry Stone, est aussi blessé gravement, mais mourra quelques heures plus tard.


Louis Morel condamné
L’enquête, à laquelle le directeur du Laboratoire, Wilfrid Derome, prend part à titre d’expert en balistique et de médecin légiste avec son bras droit, Rosario Fontaine, permet d’identifier les armes fatales.
Un autre élément fera son entrée dans la science judiciaire: l’analyse chimique et microscopique des fibres du textile ayant servi de matériau à la confection des cagoules utilisées par les cambrioleurs.
Une série de rafles dans les domiciles des suspects mènera à l’arrestation de sept personnes, dont Louis Morel, un ancien policier montréalais qui n’est rien de moins que le cerveau de l’opération, associé avec des membres de la pègre italienne.

Délateur libéré... assassiné
Les preuves sont malgré tout insuffisantes pour obtenir des condamnations jusqu’à ce qu’un des hommes visés par l’enquête, Ciero Nieri, se mette à table.
«C’est grâce à son témoignage qu’on accusera formellement les criminels, relate Simon Dubé. En devenant délateur, il donne suffisamment de détails pour incriminer plusieurs des responsables du vol.»
Le procès qui s’entame quelques semaines plus tard mènera à la condamnation à mort de quatre voleurs et complices. Ils seront pendus le 24 octobre 1924. Deux autres malfrats verront leur peine commuée en emprisonnement à perpétuité.
Quant à Nieri, il s’en est tiré avec un sauf-conduit qui lui a permis de quitter le pays.
Mais il connaîtra une triste fin, car il sera assassiné en Italie. «Ça n’a jamais été prouvé, mais cet assassinat semblait signé par la mafia italienne. Dans cette organisation, on fait souvent payer de leur vie les délateurs...» commente M. Dubé.

Six accusés et leur sentence
Louis Morel: condamné à mort
Giuseppe Serafini: condamné à mort
Tony Frank: condamné à mort
Frank Gambino: condamné à mort
Mike Valentino: prison à vie
Leo Davis: prison à vie