Employé mordu, pipes à crack par terre : après le métro, des restaurants rapides ont des airs de refuges pour des sans-abri sans autre solution

Axel Tardieu
Pour se réchauffer, les personnes en situation d’itinérance sont de plus en plus nombreuses à se réfugier dans des commerces de restauration rapide près des stations de métro de Montréal. Des altercations quotidiennes créent un climat d’insécurité, ont révélé des employés et des clients à 24 heures.
«Ça fait peur aux clients et aux employés. L’un de nous a été mordu à la main il y a un mois», raconte un salarié du McDonald’s de la rue Sainte-Catherine qui ne peut pas s'identifier sous peine de représailles.
«Quand il fait très froid, il y a parfois 15 sans-abri à l'intérieur», poursuit-il.
Pour limiter les accrocs, ce restaurant ouvert 24h sur 24 ferme sa salle à manger à partir de 17h. Malgré cette mesure, le restaurant doit souvent cesser ses activités temporairement en raison d’incidents, mentionne un autre salarié.
Lors du passage de 24 heures jeudi après-midi, deux sans-abri étaient assis au fond de la salle, dont un qui semblait dormir debout.
«Bouge d’ici, qu’est-ce qui ne va pas avec toi?», lui a lancé un responsable en lui demandant de quitter les lieux.
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«La seule option»
Jimmy-Lee Soos, à la rue depuis quatre ans, a lui aussi l’habitude de se réfugier dans les restaurants.
Le jour, il s’installe dans la station Berri-UQAM. À la fermeture du métro, le McDonald’s de la rue Saint-Denis devient sa seule option pour passer la nuit au chaud.

Sa présence est toutefois de moins en moins tolérée.
«Ils ont mis un agent de sécurité qui fait chier tout le monde. On n’a pas d’autres places à part dans un banc de neige», déplore Jimmy-Lee Soos.
Des pipes brisées
Jimmy-Lee Soos n’est pas le seul à se réfugier au restaurant McDonald’s la nuit.
«Je nettoie des pipes brisées tous les matins. La police vient toutes les semaines. Les odeurs font fuir des clients», confie une employée.
Cette cohabitation difficile dérange aussi les livreurs comme Alex.
«Quand il fait très froid, ils sont [les personnes sans-abri] souvent cinq ou six à l’intérieur à ranger leurs affaires, à fouiller dans les poubelles.»

Une question de survie
Pour Ahmed, à la rue depuis six ans, pouvoir se réfugier dans un restaurant est une question de survie.
«Pour éviter à tout prix d’être dehors, on essaie de rester dans le restaurant toute la nuit en attendant que le métro ouvre. Ma vie se limite à ces deux endroits», confie le trentenaire.

Alors que de plus en plus de personnes en situation d’itinérance passent la nuit dans des commerces du centre-ville, le Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) s’inquiète de voir les autorités sévir davantage.
«Pendant ce temps-là, on a une Ville qui continue de mettre les gens dehors, en démantelant des campements, et les refuges actuels opèrent à pleine capacité», déplore Annie Savage, directrice du RAPSIM.
La Ville de Montréal demande pour sa part plus d’argent de la part du gouvernement du Québec.
Le SPVM n'a pas donné plus de détails. McDonald’s Canada n'a pas répondu aux questions de 24 heures.