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Culture

Émile Proulx-Cloutier vit un grand deuil avec la fin d’«Avant le crash»

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Patrick Delisle-Crevier

2025-11-13T11:00:00Z
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Engager le dialogue avec Émile Proulx-Cloutier, ce n’est jamais banal ni ennuyant. Lors de notre rencontre, il est donc question de son spectacle La main au feu, en version symphonique ou pas, du deuil qu’il a eu à faire de la fin de la série Avant le crash, et aussi de son enfance, de ses parents, de népotisme et de bien d’autres choses.

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Émile, comment vas-tu?

Je vais très bien. C’est un gros automne bien sportif pour moi, à ne faire que des choses que j’aime. Je suis dans une belle période avec beaucoup de belles choses qui aboutissent en même temps. C’est aussi un gros changement de chapitre pour moi, car Avant le crash, c’est une grosse fin pour quelque chose qui a commencé en 2022. Ç’a été une aventure forte et très importante pour moi, et ça m’a tellement obligé à évoluer comme acteur. Puisque je suis en tournée actuellement avec mon spectacle, les gens que je rencontre me disent à quel point cette série a été marquante pour eux.

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Tu dis que cette série t’a obligé à évoluer en tant qu’acteur. Explique-moi ça.

Disons que c’est un peu comme les gens qui font de la marche en montagne; ils s’habituent à des sommets d’une telle hauteur et puis, ils décident de monter une montagne plus haute et de tester leurs limites. Ils doivent apprendre et s’adapter, et c’est exactement ça pour le jeu. Chaque rôle est une occasion de découverte. Or plusieurs vertiges étaient reliés à ce rôle, parce qu’il ne fallait pas que mon personnage soit totalement un méchant, mais que quand il disait des choses horribles ou posait des gestes inacceptables, il devait être crédible. François Lecompte est un gars qui ne s’excuse pas dans la vie. Jouer un tel personnage demande une disposition, une énergie et un aplomb que mes rôles d’avant n’avaient pas tant exigés de ma part. J’ai eu à fouiller plus loin dans le coffre à outils pour voir si j’avais le bon outil pour ça. Avec ce rôle, je sens que ma palette s’est élargie et a acquis un degré de souplesse différent.

Justement, ce fut comment pour toi de jouer un méchant?

J’avais déjà joué des personnages que l’on aimait détester. Mais ça prenait souvent le ton de la comédie, comme dans Les hauts et les bas de Sophie Paquin, par exemple, mais il était plus fatigant que détestable. Je jouais aussi un personnage que l’on aimait détester dans Boomerang, mais c’était un peu du clown. Ces rôles n’étaient jamais au même niveau que mon personnage dans Avant le crash. Jouer des méchants, les acteurs aiment ça, parce que ça donne des permissions. Tu joues alors dans un grand terrain de jeu sans limites. Le danger, c’est de ne pas tomber dans la caricature et de ne pas oublier d’être un humain.

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La série se termine. Est-ce un deuil pour toi?

Je dirais que c’est un deuil particulier, et en même temps, les auteurs ont été élégants, dans le sens où ils sont allés au bout de ce qu’ils avaient à dire. Ils ont décidé de ne pas faire la saison de trop et d’arrêter. Mais la fin de cette aventure, de ce défi et des liens avec ces gens-là sera plus difficile à traverser que les autres. Ça fait partie du métier et je m’y habitue, mais il y a des fins de chapitres plus dures que d’autres et c’est le cas avec Avant le crash. J’abandonne un très beau personnage, qui a été écrit avec tellement de soin et que j’avais du plaisir à jouer. J’ai joué des scènes qui me donnaient le vertige et j’ai adoré ça.

Émile Proulx-Cloutier s'est livré au journaliste du magazine 7 Jours, Patrick Delisle-Crevier.
Émile Proulx-Cloutier s'est livré au journaliste du magazine 7 Jours, Patrick Delisle-Crevier. Bruno Petrozza / TVA Publications

Est-ce qu’on reverra le comédien ailleurs sous peu?

J’ai tourné dans un film le printemps dernier, avec le réalisateur Charles-Olivier Michaud, une adaptation du roman Comment devenir un monstre de Jean Barbe. C’est l’histoire d’un avocat qui est appelé dans un pays pour aller défendre un criminel de guerre et qui se retrouve face à un défi de taille. Ç’a été un très beau tournage et je pense que ce sera un magnifique film, qui sortira en 2026. Sinon, pour le moment, je n’ai rien d’autre à l’agenda pour le comédien.

Tu comptes 32 ans de carrière si l’on compte Matusalem, et 21 ans si nous partons du moment où tu es sorti de l’école de théâtre. Est-ce que ta carrière se passe comme prévu?

C’est une bonne question. Disons qu’il y a beaucoup d’affaires que je n’avais pas vues venir. Par exemple, quand je suis sorti de l’école, je ne savais pas que j’allais faire de la musique. J’aimais jouer du piano, mais jamais je n’aurais anticipé qu’il y aurait des albums et une tournée. Pour moi, ce n’était pas du tout dans le plan de match. Cependant, j’avais un désir profond de faire de la scène, c’est d’ailleurs pour ça que j’avais étudié au conservatoire d’arts dramatiques. J’avais envie de bien maîtriser la scène, mais je pensais que ce serait beaucoup plus au théâtre et finalement, on ne m’a pas tant proposé de choses en ce sens. La musique est donc venue combler ce besoin-là: mon besoin de raconter des histoires, et aussi mon amour profond du piano.

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L’acteur est-il rassasié dans une telle carrière?

Je te dirais que si tu m’avais posé la question il y a cinq ans, je t’aurais dit que l’acteur avait faim de défis. Aujourd’hui, je peux dire que j’en ai eu plusieurs, variés et parfois vertigineux à me mettre sous la dent. Avant le crash occupe une place importante là-dedans. Mais je suis toujours curieux d’explorer de nouvelles zones de moi-même dans le jeu. En même temps, c’est un drôle de métier, car on est à la merci du désir des autres.

Est-ce difficile de vivre ainsi dans le désir des autres?

Je savais que ce serait ça, alors je vis bien avec cette réalité-là. J’ai vu mes parents faire ce métier, ils ont traversé des hauts et des bas dans leur carrière. Ils ont vécu des moments de déception et d’incertitude, des passages à vide et ensuite un trop-plein avec un projet fou qui arrive. Les voir évoluer dans ce métier, ç'a été ma grande leçon. Ils ont une grande éthique de travail, et une passion et un plaisir qui se renouvellent.

Comment est arrivée chez toi cette envie de faire le métier? Y a-t-il eu un déclic?

D’aussi loin que je me souvienne, ça m’attirait et c’était physique: j’aimais la scène, les coulisses et toute la mécanique du lieu. Comme les gens qui disent qu’ils aiment l’odeur d’un garage ou d’une boulangerie. C’est presque sensoriel! Jeune, ces lieux de théâtre m’attiraient. L’envie de jouer, de divertir et d’être sur scène est la raison pour laquelle je fais ce métier, et non pour avoir ma face sur un écran ou d’être pris en photos. J’ai aussi voulu être chef d’orchestre, puis réalisateur, ensuite scénariste et, un jour, au secondaire, je suis monté sur scène pour jouer dans une pièce et ce fut le coup de foudre. J’avais eu du fun à faire Matusalem, mais j’ai goûté vraiment au plaisir de faire du théâtre. Ça m’est rentré dans le corps! J’ai alors su que je devais faire ce métier et que je ne pouvais pas me priver de ça, que j’en avais besoin.

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On crie rapidement au népotisme de nos jours. As-tu l’impression que tu as eu à travailler plus fort ou moins fort parce que tes parents étaient des acteurs reconnus dans le métier?

Le vrai impact, pour moi, c’est que mes parents peuvent me parler de ce métier. Mais à ma sortie de l'école, ils ne pouvaient pas prendre le téléphone pour demander à tel ou tel réalisateur de m’engager. Peut-être que, pour d’autres, ç’a été possible, mais pas pour moi. Mes parents n’auraient jamais fait ça et j’ai voulu tracer mon chemin par moi-même. Mes parents n’étaient pas dans des postes de pouvoir et ils auraient su autant que moi qu'agir de la sorte ne m'aurait pas rendu service. Par contre, je sais que ça m’a donné des outils de les regarder travailler. J’ai tellement vu mes parents apprendre de textes à la maison. Je les ai vus stressés un soir de première, j’ai les ai vus les matins de mauvaises critiques, et aussi des bonnes. Le vrai atout, il est là. J’ai vu que ça allait être difficile et qu’il n’y avait aucune magie. À l’âge de 18 ans, j’ai trouvé mon nom de famille lourd à porter, et ce qui m’a dégagé de ce poids-là, ç’a été de faire l’école de théâtre, d’aller me chercher une formation et de me mettre à l’épreuve.

Quel est ton rapport à toi-même face au milieu de la musique?

Encore là, j’ai eu envie de me mettre en danger et de me péter la gueule solide, pour me tester. À l'époque, je me suis inscrit au Festival en chanson de Petite-Vallée. J’étais certain que ça ne marcherait pas, mais je me disais que c’était comme ça que j’allais apprendre, en me trompant. Je pensais que j’allais être semi-bon et que ça allait passer dans le beurre. Finalement, l’accueil a été extraordinaire. Je suis sorti de là avec des prix et des bourses, mais surtout avec la confirmation que je voulais faire ça dans ma vie. C’était indéniable désormais. Depuis, j’ai fait des tournées et le public est au rendez-vous! Il y a de plus en plus de monde dans les salles, malgré le fait que je n’ai aucun hit radio. J’ai une grande admiration pour ceux qui arrivent à fignoler des petits bijoux pop.

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Comment expliques-tu que tu n’as aucun hit radio?

Je n’ai assurément pas la recette, et cependant, ce qui me rassure, c’est que les gens qui viennent me voir en spectacle me disent que mes chansons prennent une tout autre signification lorsque je les fais sur scène. Ma musique, c’est d’abord un projet de scène, et les gens me découvrent. Je trouve ça parfait, parce que c’est le bon contexte pour découvrir ma musique. Si j’avais la recette pour faire des hits, peut-être que je m’en servirais pour certaines chansons. Je ne bouderais pas mon plaisir.

Tu fais ce métier et, en même temps, tu as un côté antistar?

Effectivement, je n’ai pas une excellente stratégie au niveau des réseaux sociaux et des entrevues. J’aimerais en avoir une, mais non. En même temps, il y a une quantité d’énergie limitée que je veux donner à ça. C’est certain que je préfère écrire une nouvelle chanson, travailler sur une mise en scène que de penser à une stratégie marketing sur les réseaux sociaux ou de me surexposer dans les talk-shows.

Bruno Petrozza / TVA Publications
Bruno Petrozza / TVA Publications

Tu es très discret sur ta vie privée, pourquoi?

J’ai grandi avec des parents connus et j’ai été sur des plateaux de télévision, dont Ad Lib. C’était correct à l’époque, parce que rien n’était archivé ou presque. Aujourd’hui, si je me fais prendre en photo avec mes enfants, ça se retrouve partout. Mes enfants n’ont pas fait le choix de faire ce métier et je veux les préserver de tout ça. Aussi, quand tu ouvres un peu la porte, les gens mettent le pied dedans et prennent des permissions. J’ai cette pudeur et je veux vraiment protéger cette zone-là.

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Parle-moi de tes spectacles de cet automne?

J’ai lancé un album il y a quelques mois, qui a pour titre Ma main au feu, et je vais faire ces spectacles en deux formules différentes. La première, c’est moi seul sur scène avec mon instrument, l’autre, ce sera un spectacle en version symphonique qui sera présenté à la Maison symphonique le 20 novembre prochain. Les Petits Chanteurs du Mont-Royal seront avec moi sur scène.

C’est symbolique pour toi, non?

Oui, c’est symboliquement très fort, car j’ai fait partie de cette chorale quand j’étais petit. Tout mon savoir en musique et mon amour du chant choral sont nés là. J’aime l’idée de chanter avec un collectif. Le fait de me replonger dans cet univers, c’est touchant. Surtout qu’il y a des chansons dans lesquelles j’aborde le thème de l’enfance, autant la mienne que celle de mes enfants ou des enfants des autres.

Comment vis-tu le fait de mener deux carrières de front?

Avec la mise en scène, c’est parfois trois carrières de front. Ça m'est parfois arrivé de partir tôt le matin pour aller tourner et d'ensuite devoir aller faire un spectacle sur scène le soir. Quand ça arrive, je suis complètement mort à la fin de la journée, comme si un 18 roues m’était passé sur le corps. Habituellement, j’arrive à bien passer de l’un à l’autre. Le côté musicien est plus solitaire, alors que le comédien, lui, est plutôt dans un environnement collectif. Je suis alors un instrument dans un projet qui est plus grand que moi. C’est très différent. Mais j’aime cette garde partagée et je tente d’y trouver un bel équilibre.

En terminant, Émile, qu’est-ce qu’il te reste à faire?

Tout.

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