Échéance du 1er août: l’incertitude fait «plus mal» que les tarifs douaniers, selon Jean Charest
Olivier Boivin
L’incertitude économique qui entoure la politique commerciale de Donald Trump fait «plus mal» que les tarifs eux-mêmes, selon l’ancien premier ministre du Québec, Jean Charest.
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En entrevue à LCN, celui qui fait partie du Conseil sur les relations canado-américaines explique que l’incertitude constitue en elle-même une «taxe sur l’économie» en refroidissant les investissements au pays.
«C’est vraiment ce qui fait mal, dit-il. On comprend facilement ceux qui sont appelés à faire des investissements de vouloir attendre d’avoir une meilleure visibilité de ce que sera la relation économique entre les deux pays.»
«Ça fait plus mal, dans une certaine mesure que les tarifs, ajoute-t-il. Parce que l’effet des tarifs, même dans le contexte actuel, si on le mesure et qu’on fait une pondération, elle est autour de 5 à 6% dépendant de ce qu’on mesure. L’incertitude économique, ça nous coûte très cher.»
L’ancien premier ministre libéral explique que très peu de produits seront affectés par les tarifs douaniers de 35% que compte imposer vendredi Donald Trump au Canada étant donné le vaste accord de libre-échange en vigueur.
«Les derniers chiffres du mois de mai nous apprennent que 90% de la marchandise du Canada qui a été exportée aux États-Unis était libre de tarifs parce que ça tombait sous le parapluie de l’ACÉUM», avance-t-il.
«Là où il y a un enjeu pour le Canada, ce sont des enjeux sur des sujets particuliers comme l’acier, l’aluminium, le bois d’œuvre, parce que les effets sont très importants sur notre économie, et en même temps très négatifs sur l’économie américaine, continue-t-il. Là-dessus, nous allons négocier pour tenter de diminuer et réduire le plus possible l’effet de tarifs.»
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«Il faut être ferme avec M. Trump»
M. Charest explique que la stratégie privilégiée par le Canada pour les négociations jusqu’ici a été d’inclure le plus d’éléments possible, comme la sécurité à la frontière, les questions de défense nationale et la souveraineté de l’Arctique, afin de satisfaire le désir de «victoire» du président américain.
«C’est une approche qui, à mon avis, est intelligente, qui tient compte de l’ensemble de nos intérêts et qui donne beaucoup d’espace à M.Trump pour qu’il puisse dire qu’il a obtenu telle chose ou telle chose et qu’il a gagné», mentionne l’ex-premier ministre.
«Il faut être ferme avec M.Trump, renchérit-il. Il faut être transactionnel. Il aime faire des “deals”, des ententes.»
La Palestine, «hors sujet»
Le président américain a indiqué dans la nuit de mercredi à jeudi que l’intention du Canada de reconnaître l’État de la Palestine compliquait les négociations en vue d’un éventuel accord entre les deux pays.
Or, selon celui qui est maintenant associé chez Therrien Couture Joli-Cœur, le Canada ne changera pas sa prise de position en raison des propos de Donald Trump.
«C’est un sujet qui n’est pas lié à la négociation des tarifs, dit-il. M. Carney, lorsqu’il prend une décision comme celle-là, il consulte ses alliés, il travaille avec eux. Ultimement, la décision revient au Canada et le premier ministre en est imputable auprès de la population du Canada, et non pas Donald Trump.»
«Une fois que la décision est prise, ça relève de nous, on est un pays souverain et indépendant. Que M. Trump le soulève, il est en dehors de ses compétences là-dessus, continue-t-il. Le Canada ne changera certainement pas sa position à la suite des propos de Donald Trump.»
M. Charest assure que le Canada demeurera actif à la table de négociation au cours des prochaines semaines, étant donné qu’un accord commercial semble peu probable avant vendredi.
«Nous avons tout intérêt à maintenir les liens de communication et rester à la table de négociation aussi longtemps que possible, incluant au-delà du 1er août [et] tant qu’on n’aura pas négocié une entente satisfaisante», affirme-t-il.
«Attendez-vous à ce que ce soit plus long que le 1er août, mais il est impossible de savoir comment M. Trump va réagir à partir de demain parce que c’est Donald Trump. Être imprévisible, ça fait partie du personnage», ajoute-t-il.
Voyez l’entrevue complète dans la vidéo ci-dessus