Négociations Canada–États-Unis: l’angoisse de l’après-1er août


Antoine Robitaille
Notre «niveau de vie est potentiellement en péril» dans les négociations se déroulant à Washington cette semaine, lance une source bien informée, à Québec.
Depuis huit mois, on a énormément parlé des droits de douane de Trump. On s’y est presque habitué. Certes, le commun des mortels du Dominion s’est rebiffé, se livrant à quelques boycottages – au début surtout.
On dirait presque un retour à la normale. L’affrontement commercial avec les États-Unis ressemble pour l’instant à une «drôle de guerre» (formule désignant la période de calme relatif au début de la Deuxième Guerre mondiale). L’inflation ne s’est pas emballée. Le taux de chômage a baissé légèrement.
Compromis
Dans la capitale américaine cependant, ça discute ferme, à l’approche de l’échéance du 1er août, fixée par Trump.
Mardi soir, Dominic LeBlanc, ministre responsable du Commerce Canada–États-Unis, y est débarqué, accompagné de Marc-André Blanchard, chef de cabinet du premier ministre Carney. L’ambassadrice canadienne Kirsten Hillman participe aux négociations avec le très tranchant secrétaire au Commerce américain, Howard Lutnick.
Peu de choses ont filtré. Dans les officines fédérales, hier après-midi, on se perdait en conjectures. «Toujours comme ça avec Trump», est-ce besoin de le rappeler? Mark Carney s’est fait élire en promettant de «lever les coudes», mais le voilà contraint à faire des compromis. Il a déjà abandonné, sans rien exiger en échange, l’impôt sur les profits des géants du numérique. Qu’est-ce que son équipe est prête à concéder, à cette table de négociation?
Poule mouillée
D’ici, on a l’impression d’un jeu de poule mouillée. Dans la voiture de Carney, on fonce vers celle de Trump en se disant: «on ne va pas se presser pour signer une mauvaise entente» (LeBlanc). L’espoir étant qu’après un échec, l’accord de libre-échange (ACEUM) continuerait de protéger une bonne partie des exportations canadiennes vers les États-Unis. Lutnick lui-même a évalué à 75% la proportion de biens échappant aux tarifs. Grâce à cela, le taux réel de ceux imposés au Canada équivaudrait jusqu’à maintenant à 1,9%. On est loin des 15% à l’Union européenne. Mais Trump pourrait bien ne pas respecter l’ACEUM, sur lequel on trouve pourtant sa signature. Autre espoir canadien: un miracle de type TACO («Trump always chickens out»). Ce serait étonnant.
Car dans la voiture de Trump, les signaux sont contraires. On joue les gros bras. Signature hier d’un décret ordonnant des droits de douane de 50% sur certaines importations de cuivre. Refus de repousser l’échéance du 1er août. Trump semble excité à l’idée d’imposer 35% de droits de douane aux importations canadiennes. À Ottawa, on chuchote que les tribunaux pourraient déclarer ses décrets, fondés sur le prétexte de la «sécurité nationale», nuls et non avenus. Trump dénoncerait et contesterait ces jugements, évidemment.
Tout cela plonge nos cercles économiques dans l’incertitude. Avec Trump, les principes de la mondialisation «sont en train d’être déconstruits», déplore mon interlocuteur. Sans ceux-là, le niveau de vie du Canada peut-il se maintenir?