Double standard à OD: la «stratégique» et «manipulatrice» Naomi éliminée à cause de son ambition
Anne-Sophie Poiré
Naomi s’est fait éliminer d’OD Chypre «parce qu’elle voulait gagner». Son départ a soulevé un vif débat sur le traitement des candidates féminines qui osent exprimer la moindre ambition. Pour Félix Lévesque, qui a remporté OD Mexique en manifestant la même intention, «la stratégie» fait partie du jeu, peu importe le sexe. Il n’y voit aucun double standard. Des analystes de la téléréalité n’arrivent cependant pas aux mêmes conclusions.
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«Naomi voulait absolument gagner le prix du public. Elle se voyait déjà gagner OD», a rapporté le candidat Arnaud à l’animateur Fred Robichaud lors du souper d’élimination du dimanche, le 21 septembre dernier.
C’est que, quelques jours auparavant, la jeune femme de 28 ans lui avait mentionné au milieu d’un voyage à Amsterdam qu’elle ne serait pas «fâchée» si sa participation à Occupation Double lui amenait de nouveaux abonnés sur les réseaux sociaux, elle qui aspire à poursuivre une carrière d’animatrice.
«De voir que c’est une fille ambitieuse, pour moi, c’est super important. C’est super séduisant aussi», a déclaré le candidat à la caméra.
La tête sur l’oreiller, Naomi et Arnaud se sont plus tard partagé leurs ambitions dans le jeu.
Pour lui, «c’était d’avoir le premier french, de faire au moins deux voyages et de se rendre en finale», choses qu’il est persuadé d’accomplir.
Les femmes ne peuvent pas jouer
De retour à Chypre, Arnaud a confié aux gars que Naomi était une joueuse stratégique et que son comportement n'était pas authentique: elle voulait obtenir le prix du public et sa cagnotte de 10 000$, puis elle se voyait déjà gagner OD.
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La candidate a été éliminée quelques jours plus tard pour ces mêmes raisons.
«Je veux être sûr de bien comprendre, là. Vous avez éliminé une joueuse parce qu’elle voulait jouer, donc, il n’y a personne ici qui veut gagner», a demandé Fred aux participants attablés lors du souper d’élimination.
«Non, ce n’est pas ça, ce n’est pas ça du tout. C’est que son jeu n’était pas assumé», a rétorqué Arnaud, avant de s’enfoncer dans une tirade décousue sur le manque d’authenticité de Naomi.
Pour le restaurateur de 33 ans, donc, une femme qui dit vouloir gagner le jeu n’assumerait pas qu’elle veut gagner le jeu.
«On n’a pas vu souvent des filles qui disaient qu’elles voulaient gagner à OD. C’était rafraichissant de voir Naomi le mentionner», affirme l’humoriste et co-animatrice du balado féministe Les Ficelles, Emna Achour.
«Mais après 24 heures, elle a été jetée aux poubelles», se désole-t-elle.
Deux poids, deux mesures
Après huit années à analyser OD sous l’angle du féminisme, le duo derrière Les Ficelles constate que les candidates ne jouissent pas du même éventail de tactiques que leurs collègues masculins pour avancer dans l’aventure.
«Dans n’importe quelle téléréalité, les joueurs reproduisent les dynamiques que l’on observe dans la société. On attend des femmes qu’elles fassent le tapis, qu’elles soient douces et qu’elles ne dérangent pas l’ordre établi. C’est pareil à OD», détaille Emna Achour.
«Les hommes ont le droit d’exprimer leurs ambitions, mais les femmes ne jouent pas avec le même playbook. Et lorsqu’elles le font, elles sont punies, comme Naomi» ajoute sa co-animatrice Amélie Faubert.
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L’élimination de la candidate a été jugée injuste par plusieurs fidèles de l’émission, qui ont rappelé que le gagnant de la précédente édition d’OD, Félix Lévesque, avait remporté l’aventure en manifestant la même intention que Naomi.
Il était perçu comme un bon joueur intelligent, honnête et avec de l'ambition.
«C’est clair qu’il y a un double standard, notamment dû au fait que l’ambition est vue de manière très négative pour les femmes alors que pour les hommes, elle est encouragée et célébrée», souligne la professeure au Département de communication sociale et publique de l’UQAM, Sabrina Moro.
Dans la société comme dans la téléréalité, un comportement ne sera pas jugé de la même manière s’il provient d’un homme ou d’une femme.
«Quand il y a un double standard, il y a du sexisme», confirme la spécialiste.
Contrôler le narratif
Les candidats masculins bénéficient-ils d’un espace pour exprimer leurs idées que les femmes n’ont pas?
L'autrice de ces lignes a voulu en discuter avec Félix Lévesque en lui envoyant, jeudi dernier, une demande d’entrevue détaillée. Elle a obtenu sa réponse en même temps que ses 57 000 abonnés, dimanche dernier. Il a publié une story dans laquelle il n’a pas hésité à exposer notre échange constitué de deux courriels.
Sans dialogue, le gagnant d’OD Mexique s’est ainsi saisi du sujet avant même que «la journaliste de 24 heures» ait eu l’occasion de rédiger l’article sur les doubles standards dans le traitement des célibataires d’OD.
Et il n’aurait pas «passé par quatre chemins» pour me répondre, selon la créatrice de contenu Frédérike Doyon qui a rapporté la réplique du candidat sur le compte Instagram Ça fait jaser.
Elle a raison. Le seul chemin que Félix Lévesque a emprunté est celui qu’il pouvait contrôler: une capture d’écran du courriel commentée sur son propre compte Instagram.
«La réponse de Félix est très révélatrice des rapports sexistes de pouvoir qui dominent dans la sphère publique», fait valoir la professeure Sabrina Moro.
«Il est une célébrité qui a des ressources en termes d’influence et qui les a utilisées pour délégitimer une question très valable et juste, en se positionnant en victime plutôt que d’engager le dialogue», dit-elle.
Et le gagnant d’OD Mexique a été catégorique dans son message: «la stratégie» fait partie du jeu, peu importe le sexe du candidat.
«J’ai comme l’impression que certaines personnes écoutent OD avec une loupe pour détecter le moindre double standard possible, mais surtout d’un bord plus que de l’autre», a répondu Félix Lévesque en faisant un parallèle intéressant.
«Naomi, quand elle demande à Charles d’enlever sa chemise pour mieux l’observer, votre loupe à doubles standards a-t-elle détecté quelque chose qui aurait été difficilement demandé à une femme», s’est-il questionné?
24 heures aurait aussi aimé en parler avec Naomi, mais la directrice des communications de Productions J, l'entreprise derrière OD Chypre, a décidé de passer.
«Félix a déjà répondu à la question», s’est-on contenté de répondre.