Discret sur sa vie privée jusqu’à la fin
Dryden combattait le cancer depuis deux ans

Marc de Foy
Ken Dryden était un homme public très recherché. Mais en dehors de sa famille, très peu de gens, pour ne pas dire personne, connaissaient sa vie personnelle. Son épouse Linda, avec qui il était marié depuis 55 ans, son fils Michael et sa fille Sarah étaient les seuls, semble-t-il, à savoir qu’il combattait le cancer.
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Serge Savard a appris son décès de la bouche de Mme Dryden, vendredi après-midi. L’ancien capitaine et ancien directeur général du Canadien est tombé de sa chaise lorsque la dame lui a dit qu’elle ne voulait pas que la nouvelle soit rendue publique.
Je pense avoir connu suffisamment l’homme pour dire qu’il y avait du Ken Dryden derrière ça. Il parlait de tout, à l’exception de sa vie privée.
C’était sacré et sans appel. Ça lui appartenait.
Mais cacher son décès au grand public, un public qui le respectait pour sa droiture, c’était impossible.
C’est ce que Savard a dit à l’épouse du grand disparu.
«Quand le premier ministre du Canada prend la peine d’émettre un communiqué pour s’exprimer sur le sujet, ça dit tout», raconte Savard.
«La famille tient à vivre son deuil en privé. Elle ne veut pas [de] funérailles publiques. Je ne sais pas si ça peut se faire considérant l’impact que l’homme a exercé sur la population.»
Malade depuis deux ans
Dryden n’a pas été emporté de façon fulgurante. Le cancer dont il souffrait n’était pas virulent.
«Il était atteint de la maladie depuis deux ans, mais sa femme ne m’a pas précisé de quel type de cancer il s’agissait», a continué Savard.
«Quand il a su que la fin approchait, il ne voulait pas que personne ne le sache.»
Il y a quelques semaines, Dryden ne s’est pas présenté à l’un des nombreux événements auxquels les acteurs de la Série du siècle sont encore invités à assister 53 ans plus tard.
Savard a trouvé ça curieux, mais il n’en a pas fait de cas. C’est au cours de ces rencontres que Savard a vraiment appris à connaître l’homme d’exception qu’était son ancien coéquipier.
«On le regardait comme un extra-terrestre à son arrivée avec le club en 1971», relate-t-il.
«Il s’est présenté avec une pile de livres sous le bras. On n’était pas sûrs qu’il parviendrait à concilier le hockey et les études. Nous, on quittait l’école quand on atteignait le niveau junior.»
De 50 ans en avant de son temps
Dryden a terminé avec succès ses études en droit à l’Université McGill. En 1973, après avoir mené le Canadien à deux conquêtes de la Coupe Stanley en trois ans et incapable de s’entendre sur les modalités d’un nouveau contrat avec Sam Pollock, il est resté chez lui à Toronto pour passer son barreau.
«Ken était un être en avant de son temps de 50 ans», reprend Savard.
«Déjà, dans les années 1970, il discutait d’environnement avec Ralph Nader.»
Nader est encore de ce monde, à 91 ans. Il faisait figure d’avant-gardiste à l’époque où il était avocat, lanceur d’alerte et activiste.
Il s’est présenté plusieurs fois aux élections présidentielles américaines à titre de représentant du Green Party.
Disons qu’il n’était pas du genre à se tenir avec Donald Trump.
«Je ne comprenais pas Dryden dans le temps», dit Savard.
«J’ai appris à mieux le connaître au cours des quatre ou cinq dernières années.»
Bye bye, les bottes de cowboy!
Dryden détonnait dans cette bande de joueurs du Canadien qui ne pensaient qu’à remporter la Coupe Stanley et à profiter des bons moments de la vie. Mais il n’échappait pas aux pitreries de ses coéquipiers.
«Comme la fois où il s’était acheté [de] vieilles bottes de cowboy usagées dans une boutique du Vieux-Montréal», se remémore Savard.
«Guy Lapointe et moi les avions clouées sur le banc des joueurs. Ken n’a pas dit un mot.»
Mais son visage voulait tout dire. Dryden était reconnu pour être près de ses sous.
Je ne sais pas s’il a fini par en rire. Il a peut-être décidé de procéder à une étude sociologique des joueurs de hockey.