Cocktail mortel de chaleur et d’alcool: des vacances de la construction marquées par les noyades
Les deux dernières semaines ont été funestes sur les plans d’eau, avec 11 décès


Olivier Faucher
Les vacances de la construction qui se terminent aujourd'hui ont été particulièrement meurtrières dans les eaux du Québec cet été, car au moins 11 personnes se seraient noyées en deux semaines.
• À lire aussi: Les Québécois veulent des cours de natation obligatoires
• À lire aussi: Emporté par les courants du fleuve
• À lire aussi: Direction la piscine pour évacuer la chaleur étouffante
Après l’été 2020, où il y a eu 14 décès en pleine pandémie de COVID-19, les vacances de la construction de 2022 ont été les plus funestes des cinq dernières années, selon une compilation de la Société de sauvetages du Québec obtenue par Le Journal.
Ces tragédies se sont déroulées autant dans des piscines que dans des lacs, des rivières ou des fleuves. Certaines d’entre elles impliquaient de l’alcool, ce qui nuit à la capacité de nager.
Lien avec la température
Parmi les 11 personnes décédées dans les deux dernières semaines, huit étaient en train de se baigner et 10 sont des hommes.
À titre comparatif, 6 décès sont survenus lors de la même période en 2021. En 2019, ce nombre s’élevait à 10 ; en 2018, à 4.
« C’est vrai que le premier week-end [des vacances de la construction], ça a été dur », reconnaît Raynald Hawkins, directeur de la Société de sauvetage du Québec.
Selon ce dernier, il est « clair » que la température chaude et ensoleillée des deux dernières semaines a été « un facteur déterminant » dans le nombre de noyades. Il observe d’ailleurs cette corrélation avec la météo depuis les 40 dernières années au Québec.
Des jeunes noyés
Au cours des deux dernières semaines, les drames sur les plans d’eau ont marqué l’actualité, notamment du 22 au 26 juillet, où quatre noyades sont survenues en autant de jours dans la province.
Parmi celles-ci, deux jeunes qui ne savaient pas nager, dont Christian Emmanuel, retrouvé mort à 21 ans dans une piscine d’Anjou, et Tracy Yvette Deba Andely, décédée à 14 ans après une glissade en eau profonde au Super Aqua Club de Pointe-Calumet.
« Ce n’était pas seulement mon fils, c’était mon ami. Il me parlait de tout, il me disait tout. Il était toujours là pour tout le monde », a exprimé en sanglots au Journal Myrtho Fonrose, mère de Christian Emmanuel (voir autre texte plus bas).
De son côté, la mère de la jeune Tracy Yvette, Estelle Iloyi, avait confié au Journal que la victime ne savait pas nager, mais devait suivre des cours de natation à l’automne.
Lors du drame, les deux filles de la femme s’étaient retrouvées au même moment en détresse dans l’eau. Le sauveteur présent s’était retrouvé devant un terrible dilemme et avait seulement été en mesure de rescaper l’une des deux, selon le récit de la famille.
Depuis le début de l’été, 43 personnes sont mortes noyées, selon une revue de presse des décès « non officiels » effectuée par la Société de sauvetage. À pareille date l’an dernier, ce nombre s’élevait à 52.
- Écoutez l’entrevue d’Alexandre Dubé avec Raynald Hawkins, directeur général de la Société de sauvetage du Québec, sur QUB radio :
Mort lors d’une baignade nocturne

Une mère atterrée par la perte de son fils mort noyé dans une piscine de Montréal pense que des cours de natation obligatoires dans son enfance auraient pu le sauver.
Laurent Lavoie et Olivier Faucher, Le Journal de Montréal
Il y a bientôt une semaine, le « cauchemar » de Myrtho Fonrose a commencé lorsqu’elle a reçu au travail l’appel que personne ne veut recevoir : son fils de 21 ans, Christian Emmanuel, est décédé après s’être noyé dans une piscine municipale de l’arrondissement d’Anjou, au beau milieu d’une nuit où la température ressentie dépassait les 30 degrés Celsius.
Pourtant, quelques heures plus tôt en soirée, Christian avait informé sa mère qu’il allait au gym. Lorsque cette dernière s’est réveillée le matin en l’absence de son fils, elle savait que quelque chose ne tournait pas rond, car il ne passait « jamais » une nuit à l’extérieur sans donner de nouvelles.
Après une pause d’un an, le jeune passionné de basketball devait retourner aux études d’ici quelques semaines en informatique, suivant les conseils de sa mère, qui avait remarqué ses talents dans le domaine.
« Je ne comprendrai jamais », dit la mère
Selon l’enquête du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), tout indique que Christian a décidé de faire une baignade nocturne accompagné d’une jeune fille.
« L’individu ne savait pas nager. Il était en état d’intoxication et ça a contribué à la noyade », explique Mariane Allaire Morin, porte-parole du SPVM.
« Il a passé de nombreuses minutes sous l’eau, poursuit Mme Allaire Morin. La jeune fille avait de la difficulté à donner la localisation, donc ça a pris un bon délai avant que les policiers trouvent l’endroit. »
Depuis le drame, Mme Fonrose tente toujours de comprendre ce qui a poussé son enfant à se lancer à l'eau.
« Mon fils n’était pas du genre piscine. Pas du tout ! Vous allez le trouver sur un court de basket en train de jouer très tard, mais dans une piscine, je ne le comprends pas et je ne comprendrai jamais », lance la mère.
Mme Fonrose tient à lancer un message de prudence pour éviter que d’autres familles vivent un drame comme la sienne.
« Quand vous n’êtes pas en état, que vous ne savez pas nager, restez chez vous », plaide-t-elle, ajoutant sa voix à celle de nombreux Québécois qui pensent que les cours de natation devraient être obligatoires. Selon elle, cela aurait pu sauver son fils.
Elle pense également que l’accès aux piscines municipales devrait être mieux contrôlé hors des heures d’ouverture et que des caméras de surveillances auraient permis d’éclaircir les circonstances du décès de son enfant.
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Vous avez un scoop qui pourrait intéresser nos lecteurs?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.