Honte et sentiment de culpabilité: des Ukrainiens d'ici voudraient en faire plus
Genevieve Abran | 24 Heures
Des Québécois d’origine ukrainienne se sentent coupables de ne pas pouvoir en faire plus pour leur pays envahi par la Russie.
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«Tout ce que je ressens en ce moment, c’est de la rage contre Poutine et les Russes, mais aussi de la honte de me trouver ici en sécurité», a confié Maria Zaborovska, samedi, lors d’un rassemblement devant le consulat général de la Fédération de Russie de Montréal.
«Il a pris possession de mon lieu de naissance en 2014», déplore la jeune femme de 32 ans originaire de Crimée, une région qui a été annexée par la Russie à l'époque. «Je vois la même chose arriver à une échelle plus grande et plus horrible et c’est déchirant de toutes les façons possibles.»

Des rassemblements comme celui de samedi sont le seul moyen qu’elle a trouvé pour exprimer sa frustration contre le régime du président russe Vladimir Poutine, explique-t-elle.
«Maintenant, le monde entier voit son vrai visage, quand il bombarde des civils, quand il détruit des hôpitaux, des unités de maternité», poursuit Maria, qui regrette que son pays soit en ruines à cause d’un «homme qui a perdu tout contact avec la réalité».
L’Ukrainienne, qui vit au Canada depuis cinq ans, admet avoir un certain ressentiment envers le peuple russe. Même si elle reconnait que le Kremlin et les médias prorusses mènent une campagne de désinformation massive, elle déplore que si peu de Russes n’osent prendre position contre le régime et la guerre.
Aider comme on peut
«Nous essayons d’aider comme on le peut contre l’ennemi, contre Poutine», affirme pour sa part Roman Moroz. En plus de s’attaquer, comme il le peut, à la désinformation russe, il cumule les heures supplémentaires à son travail pour envoyer le maximum d’argent à l’armée ukrainienne et à sa famille qui se trouve toujours dans son pays d’origine.

«[Les membres de ma famille] sont en sécurité maintenant mais ils se préparent à combattre. Ils ne quitteront pas l’Ukraine parce que c’est notre pays et ils veulent se battre contre Poutine et les gens qui tentent de tuer les habitants de notre pays», raconte celui qui a immigré au Québec avec sa femme il y a cinq ans.
Si Roman voudrait être au front pour aider son peuple, il est plus utile ici. «Il y a plus d’opportunités d’aider ici en envoyant de l’argent», mentionne l’homme de 32 ans. Mais une fois la guerre terminée, il prévoit retourner dans son pays d’origine pour aider à la recontruction.
Impossible de quitter
Maria Zaborovska s'inquiète elle aussi pour ses proches qui ont décidé de rester en Ukraine.
«Je pense que personne n’est en sécurité maintenant en Ukraine parce que [Poutine] est libre de bombarder. Aucune ville ni aucun village n’est en sécurité en ce moment», juge-t-elle.

«Lors de la première semaine, [mes proches] étaient certaines que ça allait arrêter, alors ils ont décidé de rester, parce que ce sont leurs maisons qu’ils ont bâti toute leur vie. Maintenant, ils ne peuvent plus partir parce qu’il n’y a plus de routes, plus de ponts. Ils prennent essentiellement des décisions au jour le jour, heure par heure», explique-t-elle.
Comme tous les hommes ukrainiens de 18 à 60 ans, son frère ne peut pas sortir du pays. Elle est aussi en contact avec une amie qui habite près de Kyïv avec son nouveau-né.
«Entre cauchemar et réalité»
Même si les affrontements ont lieu à des milliers de kilomètres de Montréal, le pianiste d’origine ukrainienne Serhiy Salov, qui a joué quelques pièces devant le consulat russe, est hanté par la guerre.

«Il y a un avant 24 février 2022 et [un] après, soutient le musicien de 42 ans installé à Montréal depuis 2007. C’est un mélange de sentiment d’apocalypse, de gloire et de fierté pour mon peuple que personne ne croyait possible.»

«Il n’y a pas une seule nuit que j’ai dormi sans me réveiller en pensant que la guerre était venue à Montréal. Je suis allée me blottir dans les quatre coins de ma chambre en pensant que les bombes étaient là. C’est entre cauchemar et réalité», raconte-t-il.