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L'article provient de TVA Nouvelles
Monde

Des organisations juives américaines s'opposent à la stratégie de Trump contre l'antisémitisme

MEGA/WENN
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AFP

2025-06-07T14:58:12Z
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Aux États-Unis, des organisations juives déplorent une hausse des agressions motivées par la haine, mais s'opposent à la stratégie de l'administration Trump pour y remédier, sur fond de tensions liées à la conduite d'Israël à Gaza.

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Attaque contre des employés de l'ambassade israélienne à Washington, engins incendiaires sur un rassemblement dans le Colorado pour les otages israéliens à Gaza, vives tensions sur les campus: ces dernières semaines les violences découlant de la haine des juifs ou d'Israël se sont multipliées aux États-Unis.

Le cercle de réflexion conservateur Heritage Foundation, derrière le «projet 2025», la feuille de route pour la refonte de l'État fédéral sous Donald Trump, a publié en octobre le «projet Esther», sa «stratégie nationale» pour combattre l'antisémitisme.

Le projet vise à «démanteler» les organisations «anti-Israël», «anti-sionistes», ou «pro-palestiniennes» qui feraient partie d'un «réseau de soutien du Hamas» ayant notamment «infiltré» des universités comme Columbia ou Harvard.

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Pour combattre des personnes ou institutions liées à ce réseau présumé, la Heritage Fondation prône de limoger des professeurs, empêcher des étudiants étrangers d'accéder au campus, en «expulser» d'autres des États-Unis, et priver des universités de fonds publics.

Autant de mesures reprises à son compte par Donald Trump. «Ce n'est pas une coïncidence que nous ayons appelé à une série de mesures (...) et qu'elles se produisent», a déclaré récemment l'un des co-auteurs du «projet Esther», Robert Greenway, au New York Times.

«Complètement ridicule»

La Heritage Foundation n'a pas donné suite à la demande d'entretien de l'AFP.

Mais selon Stefanie Fox, directrice de Jewish Voice for Peace (JVP), qui multiplie les manifestations pour «stopper le génocide à Gaza», point de doute: «le projet Esther trace la voie à suivre pour l'administration Trump afin d'affûter les règles juridiques qui feront avancer les objectifs (de son) mouvement MAGA (Rendre sa grandeur à l'Amérique)».

Mme Fox dément que son organisation fasse partie du «réseau de soutien» du Hamas comme l'en accuse le «projet Esther».

«C'est sans fondement, paranoïaque et risible», dit à l'AFP la directrice de cette organisation clairement marquée à gauche.

Or si 89% des quelque 7,2 millions de Juifs américains se disent préoccupés par l'antisémitisme, 64% désapprouvent la méthode du président Trump pour le combattre, selon un sondage réalisé pour le Jewish Voters Resource Center, institut spécialiste de l'électorat juif américain.

«Il y a de l'antisémitisme sur des campus, je ne vais pas le nier (...), mais dire que pour combattre l'antisémitisme il faille cibler l'éducation supérieure est complètement ridicule», explique à l'AFP Kevin Rachlin, l'un des ténors du projet Nexus, initiative de lutte contre l'antisémitisme sans rogner sur les institutions démocratiques.

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La stratégie Trump «ne protège pas les Juifs», au contraire, car elle cherche à «séparer» la minorité juive des autres et fait l'impasse sur l'antisémitisme de droite, soutient M. Rachlin.

«Nous, juifs, sommes plus en sécurité lorsque nous sommes en coalition avec d'autres groupes et minorités», dit-il, affirmant qu'il est préférable de combattre l'antisémitisme en éduquant sur cette question plutôt qu'en ciblant des groupes ou des universités.

Instrumentalisation

«Ce qui arrive aujourd'hui à Gaza est très dur à digérer pour les Juifs américains, notamment pour les jeunes. Il y a une ligne de démarcation très franche: plus vous êtes vieux, plus vous avez de la sympathie pour Israël, plus vous êtes jeunes, plus vous en avez envers les Palestiniens», estime l'auteur et journaliste Eric Alterman.

«La majorité des Juifs américains ne sont pas antisionistes», mais n'aiment ni le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu ni «la guerre à Gaza» et «se retrouvent pris au milieu», dit-il à l'AFP.

Quand Donald Trump cible l'enseignement supérieur, en reprochant aux universités de ne pas protéger les étudiants juifs, il «instrumentalise» la question de l'antisémitisme pour «détruire» la liberté d'expression, pense-t-il.

Ces dernières semaines, dix grandes organisations juives ont ainsi tancé l'administration Trump, rejetant le «faux choix» proposé entre «la sécurité des Juifs» et la «démocratie».

Parmi elles, l'Union pour la réforme du judaïsme (URJ) dirigée par David Saperstein, ex-ambassadeur américain pour les libertés religieuses et l'un des rabbins les plus influents aux États-Unis.

S'il apprécie que le gouvernement «prête attention à la montée de l'intensité de l'antisémitisme», il s'oppose farouchement aux attaques contre les universités, les médias et l'état de droit, dit-il dans un entretien à l'AFP.

«Ironiquement, ils attaquent les institutions démocratiques qui ont donné aux Juifs américains plus de droits, plus de libertés, plus d'opportunités que nous n'en avons jamais eu en 2600 ans d'histoire diasporique».

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