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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

«Rénovicteur en série»: des locataires ne se laisseront pas faire par leur nouveau propriétaire

Deux jours après l’achat de l’immeuble le nouveau propriétaire pousse déjà certains d’entre eux vers la sortie

Marie-Lise Tranquille et sa mère, Lise, craignent de se faire évincer par leur nouveau propriétaire, Henry Zavriyev, un investisseur immobilier très connu pour ses rénovictions.
Marie-Lise Tranquille et sa mère, Lise, craignent de se faire évincer par leur nouveau propriétaire, Henry Zavriyev, un investisseur immobilier très connu pour ses rénovictions. Clara Loiseau / JdeM
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Photo portrait de Clara Loiseau

Clara Loiseau

2023-04-16T09:00:00Z
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À peine propriétaire d’un nouvel immeuble, le «rénovicteur en série» Henry Zavriyev menace d’éviction une quinzaine de locataires qui ne comptent pas se laisser faire et quitter les logements qu’ils occupent, pour certains, depuis plus de 20 ans.

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«Je vis avec ma mère de 70 ans, ma fille de 20 ans et son bébé de 6 mois. Ça fait quatre générations à replacer, qui va nous aider? Même si j’accepte de l’argent pour quitter, je suis perdante sur toute la ligne», laisse tomber Marie-Lise Tranquille, qui vit depuis 21 ans dans son appartement de la rue Poupart, dans l’arrondissement Ville-Marie, à Montréal.

Deux jours après l’achat de son immeuble par Henry Zavriyev, Mme Tranquille et ses voisins ont commencé à recevoir la visite des hommes de main du jeune investisseur immobilier de 29 ans, connu pour ses pratiques de «rénovictions».

Il est propriétaire de plus de 1000 portes au Québec et est à l’origine de centaines d’évictions dans des résidences pour aînés (RPA) comme celles de Mont-Carmel, de Château Beaurivage ou encore de la Seigneurie de Salaberry. Outre les RPA qu’il compte rénover et convertir en appartements locatifs de luxe, Zavriyev s’attaque aussi aux immeubles à logements dans Saint-Laurent, Anjou, Ville-Marie, Rosemont–La Petite-Patrie, Le Plateau-Mont-Royal.

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«En trois semaines [un employé de Zavriyev] est venu me voir trois fois pour m’inciter à partir», affirme Mme Tranquille qui paye 600$ pour son 4 1/2.

Depuis, elle angoisse quotidiennement à l’idée de recevoir une nouvelle visite ou un appel d’un des employés de M. Zavriyev.

Même son de cloche pour sa mère, Lise.

«Un 4 1/2 à Montréal, c’est rendu 1500$! Je ne reçois même pas ce montant-là par mois! On n’est pas des riches», s’insurge-t-elle.

Cette dernière refuse d’ailleurs toute somme d’argent venant de M. Zavriyev pour la pousser à partir. Ce dernier aurait proposé jusqu’à 20 000$ à certains locataires.

«Je ne veux pas toucher de l’argent qu’il se fait sur de pauvres gens comme nous», a-t-elle ajouté, furieuse.

Des dollars pour quitter

Mathieu Parizeau-Hamel a lui aussi rapidement été appelé par un employé de M. Zavriyev.

«Il m’a directement demandé combien je voulais pour partir. On est plusieurs à avoir été appelés et deux voisins sur quinze qui ont accepté une offre», soutient l’étudiant au DEP en soudure.

Chaque mois, avec son colocataire, il paye 820$ pour un 4 1/2. Impossible désormais de trouver un appartement à ce prix-là dans le quartier. En effectuant une recherche rapide, les appartements de la même taille dans le quartier ne se louent pas en dessous de 1400$.

«Ça m’obligerait à partir vivre avec quatre ou cinq personnes, et ce n’est pas ce que je veux!» explique le jeune homme de 29 ans.

Keenan Poloncsak, sa conjointe Maude et leur petite-fille de 15 mois Fjord, veulent rester dans leur appartement de la rue La Fontaine, à Montréal, et sont prêts à se battre contre leur nouveau propriétaire qui veut les évincer, Henry Zavriyev.
Keenan Poloncsak, sa conjointe Maude et leur petite-fille de 15 mois Fjord, veulent rester dans leur appartement de la rue La Fontaine, à Montréal, et sont prêts à se battre contre leur nouveau propriétaire qui veut les évincer, Henry Zavriyev. Clara Loiseau / JdeM

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Pour leur part, Keenan Poloncsak et sa conjointe Maude espèrent trouver un moyen de rester dans le 4 1/2 qu’ils payent 570$ qu’ils habitent depuis 11 ans et qui a vu la naissance de leur fille de 15 mois, Fjord.

«On n’est pas prêts à partir, on veut rester dans notre quartier. De toute façon, il n’y a rien ou tout est trop cher», explique celui qui dit avoir pu monter sa petite entreprise de reliure de livres grâce à son petit loyer.

Perte de qualité de vie

Les locataires ont également eu la surprise de voir des travaux de décontamination dans leur cour arrière dès le 27 mars.

«Ça a fini en excavation de deux mètres pour absolument rien. On a un trou énorme et plein de déchets qui n’étaient pas là avant, aucun corridor de sécurité alors que ça a été demandé par le Service incendie de Montréal», explique Maude Poloncsak.

Les locataires ont eu la surprise de voir des travaux de décontamination dans leur cour arrière dès le 27 mars Après avoir été retournée par des lourdes machines, la cour est laissée dans cet état depuis près d’un mois.
Les locataires ont eu la surprise de voir des travaux de décontamination dans leur cour arrière dès le 27 mars Après avoir été retournée par des lourdes machines, la cour est laissée dans cet état depuis près d’un mois. Clara Loiseau / JdeM

Pour les locataires, qui ont vu les méthodes d’Henry Zavriyev employées pour pousser ses autres locataires montréalais vers la sortie, il y a nul doute que ceci est une technique pour les pousser à bout.

«Ils ont arraché tout mon potager que j’entretenais depuis trois ans, sans demander. Ils ont ramassé ça à pelleteuse», déplore Frédérique, une locataire qui vit là depuis quatre ans.

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Après plusieurs plaintes à la Ville de Montréal, la cour a finalement été remplie de gravier vendredi. Selon un locataire, des employés de la Ville étaient présent pour s'assurer que le travail était fait.

Nouvelles règles

Les locataires ont aussi reçu un document de 11 pages listant les 24 nouvelles règles auxquelles ils doivent se plier s’ils renouvellent leur bail, que Le Journal a pu consulter.

On peut notamment lire qu'un locataire ayant des animaux ne pourra en garder qu’un et seulement «s’il démontre par moyen d’un billet de médical écrit [...] la nécessité de préserver l’animal [...] pour des raisons de zoothérapie».

Les locataires ont cependant le droit de renouveler le bail en refusant les nouvelles conditions du propriétaire. Tous ensemble, ils ont d’ailleurs décidé de se tenir pour que leur nouveau propriétaire n’arrive pas à ses fins.

«On sait que ce n’est que le début, mais on ne se laissera pas faire», souffle Fabien Collet, qui réside dans l’immeuble depuis quatre ans.

Contacté par Le Journal, Henry Zavriyev n’a pas répondu à nos questions.

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