Des centaines de bogues avant le lancement de SAAQclic: «On va assister aux Grands Feux Loto-Québec. Ça va péter de partout», affirmait un vérificateur et informaticien

Nicolas Lachance
Peu de temps avant le lancement catastrophique de SAAQclic, les informaticiens découvraient encore des centaines de bogues critiques lors des tests. La direction a néanmoins décidé d’interrompre les essais et de donner son aval au déploiement, qui s’est transformé en fiasco historique.
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«On va assister aux Grands Feux Loto-Québec. Ça va péter de partout», avait affirmé à son patron Vincent Poirier, vérificateur interne de la SAAQ et expert en informatique.
Il a commencé son témoignage devant la commission Gallant, chargée de faire la lumière sur le fiasco SAAQclic, tard mercredi après-midi.
À l’été 2022, la SAAQ se préparait à fermer ses centres de services pendant trois semaines pour déployer SAAQclic. La mise en service était prévue pour la fin de 2023.
«On en était à la finalisation du contenu. C’était la grande étape de tests de la solution», a-t-il expliqué.
Mais, à l’interne, c’était la panique. Les résultats des tests informatiques étaient loin d’être concluants, a indiqué M. Poirier.
Pour que la plateforme fonctionne correctement, tous les tests devaient être réussis.
«Tout le long de l’été, on voyait qu’en moyenne, les gens qui faisaient les tests, ils découvraient plus de 100 anomalies critiques quotidiennement. Et c’était des éléments assez critiques», a dénoncé le vérificateur.
Les tests se sont poursuivis tout l’automne 2022. Or, les équipes de développement ne parvenaient à corriger que de 30 à 40 anomalies par jour.
Selon M. Poirier, il y avait au minimum un bassin de 1200 anomalies non résolues.
«Ça ne marchera pas»
À «la croisée des chemins», il restait «des bogues par centaines», a-t-il déclaré dans son témoignage. Les équipes étaient «épuisées», a-t-il ajouté.
Puis, «on annonce qu’on va aller en production et qu’on va arrêter les tests», a-t-il poursuivi.
Une informaticienne chargée des tests s’est d’ailleurs confiée à lui, en larmes: «Je n’en reviens pas, il n’y a rien qui marche», lui aurait-elle dit.
Malgré les résultats alarmants, la SAAQ et le gouvernement ont décidé de mettre SAAQclic en production.
La suite est maintenant bien connue: lors du déploiement à l’hiver 2023, les services à la clientèle ont été gravement perturbés et les longues files d’attente se sont multipliées.
De nombreux clients n’ont pas pu renouveler leur permis ou immatriculer leur véhicule.
«On ne pouvait pas s’attendre à autre chose», a soutenu M. Poirier. «Tous les éléments me laissaient croire que ça ne fonctionnerait pas.»
Selon nos informations, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, ainsi que le cabinet de François Legault savaient que les tests finaux n’étaient pas terminés quelques semaines avant le lancement. La marge de manœuvre pour réussir ce déploiement était très mince.
La mise en service du projet SAAQclic devait pourtant avoir lieu «en fonction des résultats des tests intégrés finaux».
Toujours selon nos sources, le ministre Éric Caire et le secrétaire général du ministère du premier ministre (conseil exécutif), Yves Ouellet, devaient s’assurer que tout serait réglé avant que le projet ne soit lancé.
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