Denise Bombardier: «Elle a montré que les femmes ne sont pas obligées d’être douces et aimables.»
Elle se considérait comme féministe et a su percer dans un monde d'hommes


Dominique Scali
Par son cran et sa combativité, Denise Bombardier a pavé la voie à plusieurs consœurs et marqué l’imaginaire en tant que femme audacieuse qui ne plie devant personne, bien que son féminisme conservateur ait été critiqué.
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«Dans sa manière d’être, elle a montré que les femmes ne sont pas obligées d’être douces, patientes et aimables», analyse Denyse Baillargeon, professeure au département d’histoire à l’Université de Montréal.
La chroniqueuse et polémiste Denise Bombardier est décédée mardi matin à l’âge de 82 ans.
«C’était une mentore extraordinaire [...] Elle savait dire aux femmes: allez-y, vous êtes capables, foncez. Elle m’a tellement encouragée. Personne n’a eu cette générosité-là envers moi», a témoigné l’autrice et comédienne Danièle Lorain.
«C’est une immense contribution pour la cause féministe», dit Mme Lorain.
Connue pour sa franchise et son ton assumé, le portrait de Mme Bombardier en tant que féministe est tout en demi-teintes, selon les expertes en histoire du féminisme au Québec consultées.
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Briseuse de barrières
«Elle se considérait comme féministe», indique Yolande Cohen, amie de la défunte et professeure en études féministes à l'UQAM. «Pas comme une féministe militante [...] mais un féminisme d'affirmation personnelle.»
Comme beaucoup de femmes de sa génération, elle a subi les assauts des hommes au travail. Elle racontait très souvent que si elle s'était arrêtée à ce que ces hommes en position de pouvoir lui disaient, elle n'aurait pas eu la carrière qu'elle a eue», illustre Mme Cohen.
Denise Bombardier s’inscrit dans ce qui est souvent nommé la «deuxième vague féministe», celle des années 1960 et 1970, résume Denyse Baillargeon. Elle a ainsi fait partie des premières femmes à monter l’échelle du journalisme.
«C’était une grande femme dans le sens où elle n’a jamais eu peur [...] Elle a été une briseuse de barrières. Elle a innové, donné un style. Elle aimait monter au front», rappelle Francine Descarries, professeure de sociologie à l’UQAM.
Un de ses moments les plus mémorables a été sa confrontation à la télé avec l’auteur français pédophile Gabriel Matzneff.
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Décalage
En même temps, le décalage de ses opinions avec celles des jeunes féministes a souvent été flagrant dans les dernières années.
«Je crois qu’elle se basait beaucoup sur sa propre vie», suppose Denyse Baillargeon.
Denise Bombardier est née dans un milieu modeste à Montréal. Son père était méprisant. Il ne l’appelait même pas par son prénom, a-t-elle déjà révélé. Elle a tout de même fait des études, s’est rendue jusqu’au doctorat, a interviewé des politiciens influents.
«Elle a franchi tous les obstacles. Elle incarnait l’idée du “quand on veut, on peut’’.» Alors que les féministes d’aujourd’hui mettent de l’avant les obstacles systémiques qui perdurent, le fait que la volonté ne suffit pas, résume Mme Baillargeon.
Francine Descarries l’avoue, elle ne partageait pas les positions de Denise Bombardier.
«Pour moi, c’[était] une féministe anti-féministe [...] C’était un peu une contradiction. Je concevais mal qu’elle puisse être aussi avant-gardiste dans sa vie et avoir des positions aussi conservatrices.»
«Quand elle disait que les hommes étaient les grands perdants, que les féministes allaient trop loin, quand elle parlait des “vrais hommes’’, là, pour moi, elle devenait un personnage moins intéressant», illustre Mme Descarries.
«Batailleuse extraordinaire»
Une chose est sûre, Denise Bombardier raffolait de la polémique et avait le talent de susciter la réflexion.
Mme Descarries se souvient avoir été interviewée sur le sujet de la maternité. «Je me rappelle qu’elle m’avait dit: j’aime beaucoup discuter avec des personnes intelligentes qui ne pensent pas comme moi.»
«C'était une batailleuse extraordinaire et une survivante», dit Yolande Cohen.
«Je suis effondrée», avoue-t-elle. «J'avais l'impression qu'elle était invincible.»
– Avec TVA Nouvelles