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L'article provient de Le Journal de Montréal

Denise Bombardier est décédée

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Photo portrait de Anne Caroline Desplanques

Anne Caroline Desplanques

2023-07-04T12:05:37Z
2023-07-04T14:10:13Z
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Denise Bombardier s'est éteinte mardi, emportée par un cancer fulgurant, laissant tout le Québec sous le choc et orphelin d'une de ses plumes les plus aiguisées.

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«C'est son foie qui a lâché à la fin», a dit au Journal son époux, James Jackson, encore sous le choc du départ trop rapide de son amoureuse des vingt dernières années.

Il a expliqué qu'elle était partie en moins d’un mois. Après deux semaines au CHUM, Mme B. a finalement été transférée à la maison de soins palliatifs Saint-Raphaël, à Outremont, dans les derniers jours.

C'est là qu'elle a rendu son dernier souffle, «sereine», «sans douleur» et avec «sagesse», a souligné M. Jackson. Elle était entourée de son fils, Guillaume, de sa sœur, Danièle, et de son époux.

«Ça a été la dernière étape d’une vie pleine, remplie de beaucoup de choses», souffle son époux.

L'annonce de son décès tôt ce matin a produit une véritable onde de choc, tant du côté politique, culturel et médiatique qu'auprès du grand public auprès duquel elle était très populaire.

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Fidèle chroniqueuse au Journal depuis une décennie, Mme Bombardier s’était déclarée elle-même amoureuse de la controverse et de la polémique «par conviction et par plaisir», dans son autobiographie Une vie sans peur et sans regret.

Féministe et journaliste pionnière

Dans ce livre paru en 2018, elle raconte notamment son enfance difficile, rue De Gaspé, à Montréal. Elle est née en pleine Deuxième Guerre mondiale, en 1941, d’un père distant et violent et d’une mère attristée de l’avoir eue trop jeune.

Élevée dans un monde de femmes, entre sa mère, ses tantes et sa grand-mère, la petite Denise forge très tôt ses convictions féministes. 

Elle a notamment été la première femme à produire et à animer une émission d’affaires publiques à la télévision de Radio-Canada, où elle a passé plus de 30 ans, comme éternelle pigiste.

Titulaire d’une maîtrise en science politique de l’Université de Montréal et d’un doctorat en sociologie de la Sorbonne, Mme Bombardier était particulièrement reconnue pour ses entrevues fouillées et sans complaisance.

Elle a notamment reçu les premiers ministres Pierre Elliott Trudeau et René Lévesque, les présidents français Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand, ou encore l’écrivain Georges Simenon.

Elle a signé une vingtaine de romans et d’essais et tenu aussi des chroniques au journal Le Devoir avant de devenir chroniqueuse au Journal de Montréal, au Journal de Québec et à QUB radio jusqu’à la fin de sa vie. Elle a également animé à QUB radio une série balado intitulée À haute voix, dans laquelle elle partageait son histoire et celle du Québec. 

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UNE VIE BIEN REMPLIE

  • Née en 1941 à Montréal.
  • Bachelière en arts à l’Université de Montréal en 1964.
  • Maîtrise en science politique en 1971. 
  • Doctorat en sociologie à la Sorbonne, en France, en 1974.
  • Recherchiste, puis animatrice à Radio-Canada, où elle collaborera plus de 30 ans.
  • Première femme à animer une émission de télévision avec Noir sur blanc, diffusée de 1979 à 1983.
  • Autrice chevronnée, elle publie plus d’une vingtaine de livres.
  • Chroniqueuse au Le Devoir de 2001 à 2012, puis au Journal à partir de 2013. 
  • Décorée officier de la Légion d’honneur française en 1993, Chevalier de l’Ordre national du Québec en 2000, puis membre de l’Ordre du Canada en 2015.

· Écoutez l’entrevue d’Alexandre Moranville-Ouellet avec Gilles Proulx, chroniqueur au Journal de Montréal et collaborateur à QUB radio, et Pierre Karl Péladeau via QUB radio: 

Décès fulgurant  

Denise Bombardier aimait dire qu’elle «vivrait éternellement» et jusqu’à la publication de sa dernière chronique dans nos pages le 20 mai, sa forme légendaire ne la contredisait pas. 

«Le lendemain, elle a pris sa voiture pour aller faire sa chronique à LCN et tout allait bien. À partir de la semaine suivante, elle a commencé à se sentir fatiguée, explique son époux James Jackson. Mais, vu son âge et avec ses quatre chroniques par semaine plus la radio et la télé, on pensait que c'était normal.»

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En avril encore, elle profitait du soleil de la Floride, comme elle en avait l'habitude, sans une ombre au tableau, et à son retour début mai, elle se replongeait dans ses chroniques, son éternelle plume bleue à la main.

M. Jackson, qui retranscrivait lui-même tous les textes de madame B. à l’ordinateur avant de les envoyer à la rédaction, avait lui-même parfois du mal à suivre son bourreau de travail favori, confie-t-il, malgré ses quelques années de moins.

«Je lui ai toujours dit qu’elle mourrait en écrivant une chronique. J’étais sûr qu’elle ne prendrait jamais sa retraite», dit-il.

C'est finalement lors de sa visite médicale annuelle que son médecin a trouvé que quelque chose n'allait pas.

Hypocondriaque, Mme B. s’est rendue à ce rendez-vous de routine avec la même angoisse au ventre que chaque année, mais sans savoir qu’elle était malade. Peu après, elle subissait un scanner et une biopsie et était hospitalisée au CHUM.

«Ça a été un choc. Elle me répétait quand elle était au CHUM: “c'est incroyable”. Elle ne pouvait pas y croire», confie M. Jackson.

Il y a quelques jours encore, le couple préparait son départ pour l’été à North Hatley où il avait l’habitude de passer les beaux jours, au bord du lac Massawippi.

  • Écoutez l’entrevue d’Alexandre Dubé avec Danièle Lorain, très bonne amie de Denise Bombardier et chroniqueuse au Journal de Montréal, via QUB radio: 

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Le combat qu’elle nous lègue

Denise Bombardier était une fervente défenderesse de la langue française et du Québec, un combat qu’elle a porté corps et âme dans les pages du Journal et à l’antenne des chaînes de Québecor.

Elle a d’ailleurs tenu à ce que le rédacteur en chef du Journal de Montréal, Dany Doucet, auquel elle était très attachée, soit le premier avisé de son décès tôt mardi matin.

«Elle était chez elle à Québecor», dit son mari, James Jackson, qui signe lui aussi des textes dans nos pages. Le groupe lui donnait carte blanche pour discuter de «son grand combat» pour la langue, un sujet sur lequel «elle aurait pu écrire pendant des mois et des mois sans arrêt».

«Pour elle, il fallait à tout prix défendre le Québec et la langue française», dit son époux, indiquant que c’est de cela qu’elle aimerait que l’on se souvienne en poursuivant son combat.

«Elle voudrait voir les jeunes, surtout les femmes, les journalistes, avoir le même amour de la langue française qu’elle», dit celui qui l’a rencontrée alors qu’il enseignait justement le français à l’Université de Dublin. Il l’avait invitée pour livrer un discours devant les étudiants.

Accompagnée de Jean-François Lisée, Mme Bombardier avait alors impressionné tout le monde par sa verve, son intelligence et son élégance, se souvient-il avec émotion.

M.Jackson souligne que l’intellectuelle était aussi à l’aise dans un amphithéâtre universitaire ou sur un plateau de télévision que dans une pataterie, entourée de gens ordinaires.

«Elle était très proche des Québécois, des gens ordinaires. C’est ce qu’elle aimait en Floride, être entourée de Québécois dans notre immeuble. Tout le monde l’approchait et elle parlait à tout le monde.»

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M.Jackson indique qu’elle était inquiète pour la survie du Français au Canada. Une inquiétude qui l’a d’ailleurs menée en tournée au Manitoba, en Ontario et au Nouveau-Brunswick pour le documentaire Mme B. au pays des francos.

Son combat pour la langue de Molière lui a notamment valu le titre de membre de l’Ordre du Canada en 2015 pour sa contribution en tant que journaliste, animatrice de télévision et auteure.

Elle avait précédemment été décorée officier de la Légion d’honneur française en 1993 et Chevalier de l’Ordre national du Québec en 2000.

Le Québec sous le choc

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