Pénurie de personnel judiciaire: deux accusés de proxénétisme pourraient s’en sortir


Michael Nguyen
Deux Montréalais accusés de proxénétisme et de possession d’armes pourraient s’en sortir en raison des délais causés entre autres par le manque de greffières.
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«Ce délai systémique entache directement l’intégrité du système de justice et mine la confiance du public», affirme Me Alexandre Goyette dans sa demande d’arrêt des procédures.
Depuis près d’un mois, l’avocat tente d’obtenir la libération sous caution de deux résidents du quartier de Pierrefonds, à Montréal, âgés de 24 et 25 ans et arrêtés en lien avec du proxénétisme, de l’extorsion, de la possession de drogue ainsi que pour avoir eu illégalement une arme à feu prohibée.
Or, si la loi prévoit un délai de trois jours pour qu’un accusé subisse une enquête sur remise en liberté, ceux-ci sont incapables d’avoir une audience devant un juge. D’abord en raison de discussions, puis à cause de reports. Le 10 mai, les accusés voulaient fixer une date d’audience, mais c’était trop compliqué en raison du procureur de la Couronne qui était en télétravail.
Pas de greffière
Les deux hommes devaient finalement se présenter devant un juge vendredi passé, mais faute de personnel de soutien disponible, l’audience a été annulée.
«Le tribunal n’a pas été en mesure d’entendre [les accusés] dû à un manque de greffier», déplore Me Goyette dans sa demande.
Estimant que les droits constitutionnels des deux proxénètes allégués étaient violés, l’avocat réclame donc que les accusations tombent.
«Seul un arrêt des procédures constitue un remède approprié, affirme-t-il. La problématique du non-respect du délai de trois jours pour tenir une enquête sur remise en liberté à Montréal est quotidienne, systémique et implique de multiples dossiers.»
Il devrait plaider sa cause devant un juge aujourd’hui.
Départs en masse
Cette requête en arrêt des procédures est la première au Québec qui met en cause directement le manque de personnel de soutien des tribunaux. Et la situation ne fait qu’empirer, selon des informations obtenues par Le Journal.
Depuis l’an passé, c’est plus de 200 personnes qui ont quitté leur emploi au palais de justice de Montréal. Dans l’ensemble du Québec, on parle de plus de 500 départs.
La magistrature alerte le ministère de la Justice depuis deux ans, mais à ce jour, toutes les initiatives se sont avérées vaines. Tous les intervenants mettent en cause les salaires offerts par Québec, qui sont bien en deçà de ceux offerts au fédéral, au municipal et au privé.
Employés essentiels
Dans une entrevue au Journal la semaine dernière, le juge en chef de la Cour supérieure du Québec, Jacques R. Fournier, avait rappelé le travail essentiel du personnel de soutien, dont les huissiers-audienciers, les adjointes de magistrats et les constables spéciaux.
«Ça prend des gens qui ont une bonne formation, mais ils ne viennent pas, déplorait-il. Et dès qu’il y a un concours à la Ville [où les conditions sont meilleures], ils partent.»
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