Dans l’univers méconnu des détectives d’odeurs
Pascale Robitaille
On ne s’en rend pas toujours compte, mais certaines odeurs font partie de notre quotidien pour le meilleur ou pour le pire. Odeurs d’usines, de sites de compostage, de porcheries ou encore de dépotoirs : quand elles deviennent envahissantes, des experts se mobilisent pour les traquer et les comprendre. Dans sa chronique du 1er juin 2025, Pascale Robitaille nous fait découvrir le monde de l’olfactométrie, la science qui mesure les odeurs.
Un laboratoire unique au Québec
C’est au sein d’un laboratoire sensoriel d’Investissement Québec que nous découvrons ce métier peu connu mais essentiel. Là-bas, une petite équipe travaille à détecter, analyser... et neutraliser les mauvaises odeurs. Il s’agit d’un des seuls laboratoires de ce genre au Québec.
Et devinez quoi ? Leur outil principal, c’est le nez humain. Plus précis que bien des capteurs électroniques, il peut détecter certaines molécules odorantes à des concentrations aussi faibles que quelques parties par milliard.
Les jurés d’odeurs : un métier sensoriel
Au cœur de ce laboratoire, on trouve une équipe très spéciale : les jurés d’odeurs. Formés pour sentir, analyser et noter les odeurs, ils sont un peu les sommeliers... du nez ! Leur travail est très rigoureux : pas de parfum, pas de café avant les tests, et surtout, aucun rhume permis.
Ces professionnels respirent dans un appareil appelé olfactomètre, qui ressemble à un petit masque de plongée. Leur mission ? Identifier la présence et l’intensité des odeurs contenues dans l’air ambiant.
Comment capte-t-on une odeur ?
Pour analyser l’air, il faut d’abord le prélever à la source, que ce soit en usine ou à l’extérieur. Les experts utilisent des bonbonnes spéciales pour capturer l’air ambiant. Ces fioles d’air sont ensuite envoyées au laboratoire pour une analyse complète : identification des molécules, mesure de la concentration, perception olfactive...
Quand l’olfactométrie résout des problèmes
Ce laboratoire ne se contente pas d’identifier des odeurs : il aide aussi à résoudre des problèmes concrets. Deux exemples illustrent bien l’utilité de ce travail invisible :
1. Des respirateurs de pompiers trop odorants
Le Service de protection contre les incendies de la Ville de Québec faisait face à une plainte inhabituelle : une odeur désagréable dans les respirateurs des pompiers. Après analyse complète de l’appareil, le coupable est identifié : un petit joint de caoutchouc recouvert d’un lubrifiant odorant. Problème réglé en remplaçant la pièce.
2. Du café écoresponsable... sans compromis sur le goût
L’entreprise Café William voulait torréfier son café à l’électricité plutôt qu’au gaz, pour réduire son empreinte carbone. Est-ce que cela altérait le goût ? Grâce à une analyse sensorielle rigoureuse, les experts ont confirmé que le goût restait identique, tout en rendant le processus plus écologique.
Un métier discret, mais indispensable
Loin des projecteurs, ces spécialistes du nez travaillent à la croisée de la science, de la santé publique et de l’environnement. Que ce soit pour préserver la qualité de vie des citoyens, améliorer des produits ou résoudre des situations insolites, leur rôle est essentiel.
Alors, la prochaine fois que vous percevez une odeur étrange en marchant dehors dites-vous qu’un juré d’odeurs est peut-être déjà sur l’affaire.