Cyclorama: une dualité difficile à exploiter
Les solitudes linguistiques au théâtre
Emmanuel Martinez
Rassembler les deux solitudes linguistiques a toujours été ardu au Québec, et la pièce Cyclorama s’y attaque, non sans difficulté.
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Le déroulement de la pièce, écrite et mise en scène par Laurence Dauphinais, sort de l’ordinaire. Bilingue et entièrement sous-titrée, cette œuvre est divisée en trois parties qui ont lieu à trois endroits différents. L’auditoire est d’abord convié au Centaur pour le premier acte, où on en apprend davantage sur l’histoire de cette institution anglophone et sur l’évolution du théâtre à Montréal des deux côtés de la barrière linguistique. Ensuite, le public embarque dans un autobus. Ce déplacement est l’occasion d’écouter une bande audio. Finalement, le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui constitue la destination dans laquelle le triptyque se conclut.
Pour décortiquer les deux réalités théâtrales montréalaises au fil du temps, le responsable du centre de documentation du Centre des auteurs dramatiques (CEAD), Alexandre Cadieux, et Erin Hurley, professeure de l’Université McGill, spécialisée dans le théâtre anglo-québécois, sont sur scène. Avec aisance, ils sont au cœur du spectacle qui a parfois les allures de salle de classe.
L’alter ego de Laurence Dauphinais est le comédien Antoine Yared, qui mène une carrière en anglais depuis une dizaine d’années en Ontario. Ils se confrontent tout au long du récit comme ce fut le cas entre francophones et anglophones depuis la colonisation.
Afin de camper les deux solitudes linguistiques, cette pièce se penche aussi sur la vie personnelle de la créatrice ainsi que sur celle de ses compagnons sur scène. On se trouve donc à mélanger l’histoire du théâtre à Montréal avec les réalités plus générales de la dualité montréalaise tout en abordant des pans de leur vécu.
Peu divertissant
Ceci débouche sur une proposition certes originale, rythmée et parsemée d’humour, mais qui se disperse inutilement. Malgré certains points intéressants, le contenu historique manque de chair. Ce volet documentaire recèle peu d’anecdotes et est constamment interrompu par d’autres formes d’interactions, notamment pour souligner que les francophones et les anglophones sont différents, ce que tous savent déjà.
Il y est surprenant de voir qu’on parle autant du festival de Stratford en Ontario que de Gratin Gélinas ou de Michel Tremblay. Les apartés de fiction n’arrivent pas vraiment à rendre le spectacle divertissant. Et les témoignages personnels plutôt banals n’émeuvent pas et renseignent peu.
Malgré ses bonnes intentions, ce spectacle ne semble donc pas trouver sa place. Peut-être anglophones et francophones s’entendront-ils là-dessus ?
♦ Cyclorama est présentée au Centaur et au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 5 novembre.
Cyclorama ★★1⁄2
- Une mise en scène de Laurence Dauphinais
- Avec Antoine Yahed et Laurence Dauphinais