Publicité
L'article provient de 24 heures

Crise du logement: des locataires se sentent obligés d’accepter des hausses de loyer «abusives»

Partager
Photo portrait de Gabriel  Ouimet

Gabriel Ouimet

2024-06-27T15:07:30Z
Partager

«Je ne voulais pas nuire à ma relation avec ma propriétaire»: des locataires se sont résignés à accepter une hausse de loyer importante, alors que la crise du logement bat son plein partout au Québec à l’approche du 1er juillet.

«Ma propriétaire voulait augmenter mon loyer de 10%. C’est la plus grosse augmentation que j’ai jamais reçue», explique à 24 heures Chloé Guironnet, rencontrée mardi au parc Sir-Wilfrid-Laurier, à Montréal.

Après avoir songé à refuser la hausse, la Montréalaise a préféré négocier avec sa propriétaire. Elle a finalement accepté de payer 80$ de plus par mois, ce qui représente une augmentation d’environ 8%. C’est le double de la hausse historique suggérée par le Tribunal administratif du logement (TAL) cette année, qui est de 4%.

Mais Chloé affirme avoir voulu acheter la paix.

«Je suis chanceuse, je paye seulement 1000$ pour un 4 1⁄2 dans la Petite Italie. Je ne voulais pas nuire à ma relation avec ma propriétaire et risquer de perdre ce logement», dit-elle.

Emma, une jeune locataire dans le début vingtaine croisée quelques pas plus loin, a accepté de voir son loyer passer de 1000$ à 1100$ pour la même raison.

• À lire aussi: Des artistes remettent en question leur carrière à cause de la crise du logement

Publicité

La crise du logement pointée du doigt

Chloé Guironnet et Emma sont loin d’être les seules dans leur situation.

Au Comité Logement Rosemont, l’organisateur communautaire Jean-Claude Laporte affirme que 75% des hausses calculées par son équipe dans les derniers mois étaient jugées «abusives».

Photo Agence QMI, JOEL LEMAY
Photo Agence QMI, JOEL LEMAY

Les raisons évoquées pour accepter ces augmentations ont souvent un point en commun: la crise du logement.

«Le peu de logements disponibles et le prix des loyers font en sorte qu’on voit constamment des locataires qui négocient avec des pincettes ou qui acceptent de payer nettement plus que la hausse suggérée par le TAL parce qu’ils ont peur de se mettre leur propriétaire à dos», souligne Phillipe T. Desmarais, du P.O.P.I.R., le comité logement qui couvre le territoire des quartiers Saint-Henri, Petite-Bourgogne, Côte-Saint-Paul et Ville-Émard.

«On a aussi vu beaucoup de gens qui ont refusé leur hausse et qui, un mois plus tard, ont reçu un avis de reprise ou de travaux majeurs avec évacuation», ajoute-t-il.

En 2023, les augmentations de loyer à la suite d’un changement de locataires ont atteint 19% pour un 4 1⁄2 à Montréal.

• À lire aussi: Cette mesure en vigueur en France aurait fait économiser 1548$ en 2 ans aux locataires d’ici

«La suggestion du TAL, c’est l’augmentation minimum»

Certains locataires questionnés par 24 heures s’estiment chanceux d’avoir reçu une augmentation qui ne dépassait pas le taux recommandé par le TAL. Quelques locataires ont même indiqué ne pas avoir reçu de hausse en 2024.

Ce sont des exceptions, assurent pourtant les comités logement interrogés. La plupart du temps, les hausses réelles dépassent les recommandations du TAL, précisent-ils.

Publicité

«Dans son calcul, le TAL ne considère pas les taxes municipales et scolaires ni les assurances du propriétaire», explique le porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), Cédrick Dussault.

L’an dernier, le TAL recommandait une hausse de 2,3% pour les logements non chauffés et de 2,8% pour les logements chauffés à l’électricité. Entre 2023 et 2024, les loyers ont plutôt augmenté en moyenne de 7,4% au Québec, révèlent les données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).

Ce décalage entre les hausses suggérées par le TAL et le marché est la preuve que le mécanisme de contrôle des prix, qui est basé sur des recommandations, ne fonctionne pas au Québec, martèle Cédrick Dussault.

«On voit de plus en plus de propriétaires-investisseurs pour qui l’objectif, c’est de faire le plus de profits possible. Ils voient la proposition du TAL comme un minimum et ils en profitent pour envoyer des augmentations abusives», déplore-t-il.


Le saviez-vous?

Les hausses de loyer suggérées par le TAL servent de guide pour les propriétaires. Ces derniers sont toutefois libres de proposer l’augmentation de loyer de leur choix: il n’y a pas de taux maximum. 

Un locataire peut refuser une augmentation s’il la juge abusive et inexplicable. Il devra alors négocier avec son proprio ou se tourner vers le TAL pour demander une fixation de loyer.

Publicité
Publicité