Coupe du monde de ski acrobatique: le feu continue de brûler en Kingsbury


François-David Rouleau
SAINT-CÔME | En 2019, avec un très large sourire derrière lequel on pouvait compter chacune de ses dents blanches, un très grand de son sport a dit qu’il continuait à jouer malgré ses 14 titres du Grand Chelem et ses quelque 80 victoires en carrière pour deux raisons: le plaisir et le feu brûlant en lui.
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Qui était-il?
Nul autre que Tiger Woods à l’aube du prestigieux Tournoi des Maîtres où il a rugi dans un triomphe historique cinq jours plus tard.

Légende vivante de son sport, Mikaël Kingsbury continue à dompter les bosses en ski acrobatique pour les mêmes raisons.
Huit fois champion du monde, possédant 26 globes de cristal, il a une très vaste collection qui totalise 94 victoires en Coupe du monde, 134 podiums, trois médailles olympiques, dont l’or à Pyeongchang en 2018, et une foule d’autres mentions honorifiques. Le skieur québécois aurait pu accrocher ses planches depuis longtemps.

Mais non. À une question identique posée au plus dominant athlète de sa discipline, il livre la même réponse que celle du Tigre en 2019.
«C’est drôle, parce que je me sens exactement comme lui. Le feeling de gagner une course est tellement spécial, signale-t-il. On est au plus haut niveau de notre sport respectif. J’ai encore du fun à skier, l’adrénaline coule à flots et le feu brûle encore en moi.»
Son entraîneur de longue date, Michel Hamelin, observe la même principale raison.
«Qu’est-ce que je fous ici?»
Depuis Pékin en 2022, Mik n’a pas toujours eu du fun sur les pistes. Après sa médaille d’argent en Chine, il a traversé quelques moments plus difficiles, remettant en question la poursuite de sa carrière.

«Des fois, je prenais l’avion pour me rendre à l’entraînement ou en compétition et je me disais: "Mais qu’est-ce que je fous ici?" raconte-t-il en entrevue. Je ne savais plus pourquoi je continuais. D’autres fois, la motivation était présente, mais pas le désir. Et à l’inverse, il y a eu ces moments comme lors du voyage en Finlande quand j’avais aussi hâte de rembarquer sur mes skis qu’un enfant entrant dans un magasin de bonbons pour la première fois.»
Parmi les moments moins agréables, Kingsbury identifie, entre autres, les séances sur rampe d’eau. Après deux jours, il en a marre. À court de patience, il plie bagage et se tire.
«C’est agréable quand tu apprends de nouvelles choses et que tu fais du progrès. Je dois encore progresser, affirme le roi des Bosses, qui prend encore plaisir à sa routine dans le gym. Mais quand ça fait deux jours que je suis précis dans mes mouvements et qu’on gosse sur de minuscules détails, je n’ai pas le goût de perdre mon temps avec ça et de chercher les bébittes quand les affaires vont bien. Dans ces moments, ça devient plus lourd.»
Par contre, en alignant ses moments plus difficiles, son expérience, sa maturité et sa sagesse prennent le dessus.
«Je sais que toutes ces journées qui m’ont emmerdé m’apportent maintenant un sentiment indescriptible», insiste-t-il.
Objectif: plaisir, plaisir
Hamelin a traversé ces moments plus pénibles avec lui. Quand il observait que son champion avait la mine plus basse, il lui répétait avec humour: «Tu n’as pas l’air d’avoir autant de fun que les autres, essaies d’en avoir un peu plus».

«Ç’a d’ailleurs déjà été notre principal objectif en entrant dans un championnat du monde, plaisante le réputé entraîneur qui gravite dans la formation nationale depuis 2001. Il avait ensuite gagné toutes les courses.
«Mik a déjà tout gagné dans son sport, ajoute Hamelin. Il n’est pas question de stresser avec ça. Il doit continuer à livrer ses meilleures performances. Tout le monde cherche à gagner le titre. Il les a tous. Il doit profiter de l’absence de pression pour avoir du plaisir.»
Un sentiment inégalé
Pour Kingsbury, le sentiment du devoir accompli la veille d’une compétition n’a aucun égal.

«Je ne ferais pas ce sport s’il n’y avait pas de compétition. Aller me coucher en sachant que j’ai une course importante le lendemain me procure cette flamme agréable et désagréable. Quand tu es prêt pour un examen, c’est un bon feeling. C’est la même chose pour une course.»
Quand il sera à la retraite, bien au-delà de parcourir le monde et d’éprouver du plaisir à l’entraînement avec ses coéquipiers ou ses rivaux, c’est l’esprit de la course et ses petits papillons dont il s’ennuiera le plus.