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Culture

Comment Luc Dionne a sauvé la carrière de Pierre-Alexis St-Georges

«Dumas», lundi 20 h à Radio-Canada et sur Tou.tv.

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Patrick Delisle-Crevier

2025-10-24T10:00:00Z
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Il n’était pas encore sorti de l’école nationale de théâtre qu'il récoltait déjà son premier Gémeaux pour son rôle dans la série Clash, lui ouvrant les portes de séries comme 30 vies, À cœur battant et STAT. Puis, au moment où il se retrouve devant rien, résigné à occuper un emploi dans la construction, Luc Dionne lui offre un petit rôle qui devient régulier dans Dumas. À quelques mois de la trentaine, Pierre-Alexis vit un rêve éveillé!

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Pierre-Alexis, c’est assez fou ton histoire avec la série Dumas!

Oui! Un jour, mon agente m’a appelé pour me dire que Stéphane Beaudoin, le réalisateur, pensait à moi pour un rôle dans la série. Le personnage était celui de Jérôme, qui devait être là pour un seul épisode, donc ça représentait deux jours de tournage. À ce moment-là, ça faisait beaucoup de rôles de deux ou trois jours que j'enchaînais et je commençais à avoir l’impression que je devais peut-être refuser ce type de rôle. C’est le fun, des petits rôles dans des séries, mais en même temps, il ne faut pas se le cacher, tu te brûles pour un éventuel gros rôle. Mais mon agente m’a dit de lire le texte, car c’était vraiment un rôle intéressant, et elle avait raison. Le plus drôle, c’est que je n’avais jamais écouté la série et, en lisant mon texte, j’étais convaincu que c’était une comédie. Finalement, j’ai accepté parce que je tournais des scènes avec Gildor Roy.

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Finalement, Luc Dionne, l’auteur de la série, a vu ta scène, il a adoré ton travail et t’a appelé pour ramener ton personnage.

Quand j’ai reçu son appel, j’étais convaincu que j’avais été mauvais et que j’allais me faire engueuler parce que j’ai vraiment joué ça sur le ton de la comédie. Mais finalement, il a tellement aimé mon travail qu’il a décidé de garder mon personnage. Ç'a été le rêve pour moi, je n’arrivais pas à le croire. J’étais soulagé, honoré et heureux. Ce qu'il avait perçu de Jérôme, c’était tout ce que je voulais faire de ce personnage. En même temps, je n’ai aucune idée du rendu, puisque je ne me regarde jamais à l'écran.

Comment décrirais-tu ce personnage?

C’est un gars neuroatypique, qui n’a aucun code social et n’arrive pas à lire les autres. En même temps, il a une grande compréhension de l’univers binaire, à un tout autre niveau. C’est un geek de l’informatique et il est tout le contraire de moi. Je suis nul avec les ordinateurs, je suis horrible.

Que retiens-tu de ton tournage avec Gildor Roy?

Je retiens une grande humilité: Gildor n’est pas là pour servir son ego, il est là pour l’équipe, il propose des choses. C’est un honneur et une bonne école de jouer avec lui. Je pense sérieusement que je suis bien entouré sur ce plateau. Même chose pour le film Villeneuve.

Tu dis que tu ne te regardes jamais à l'écran, pourquoi?

Déjà, je n’en retire pas de plaisir, parce que je ne suis pas quelqu’un qui aime se regarder en général. De toute façon, rendu là, je suis impuissant face au travail que j’ai fait. Je n’ai pas le pouvoir de recommencer et ça ne m’appartient plus une fois que c’est tourné. Chaque fois que j’ai eu à me regarder pour une raison ou une autre, j’ai été déçu, parce que l’expérience de tournage est tellement extraordinaire sur le plateau que tu peux juste être déçu de te regarder. Quand tu tournes, tu vis ça de l’intérieur, et te voir dans un autre contexte après-coup, c'est extérieur à toi, ça peut être décevant.

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Tu as décidé de ne plus accepter certains types de rôles qui ne sont que de passage. Ça prend du courage pour prendre une telle décision, non?

J’ai joué plusieurs petits rôles pendant un an, dans des séries comme À cœur battant, Doute raisonnable et Cerebrum. J’ai aussi dit oui à STAT, mais ça, je dois admettre que c’était pour tourner avec Suzanne Clément! Pour moi, Roy Dupuis et Suzanne Clément sont les deux piliers de notre industrie. Suzanne, je suis fou amoureux d’elle depuis J’ai tué ma mère, de Xavier Dolan. Pour revenir à la question, je refuse des rôles tout simplement parce que je me fie désormais à mon instinct, et mon instinct me disait à ce moment-là de mieux choisir mes rôles, d’être plus stratégique. Je me sentais à un moment où je devais peut-être passer à une autre vitesse, tout ça sans prétention.

Tu es aussi du projet Villeneuve. Quel rôle y joues-tu?

Je joue Roland, un ami et compétiteur de Gilles Villeneuve dans la première partie de sa vie. Je suis un passionné de voitures et de courses, alors ce rôle est parfait pour moi.

On te confie souvent des rôles de gars tourmentés, quel est ton rapport à ce type de personnages?

J’adore ça! Il y a un beaucoup de chance là-dedans, dans le sens où je n’ai jamais été coincé dans un moule, sauf peut-être quand j’étais à l’École nationale de théâtre. Dans ma carrière télévisuelle, je suis choyé, car on m’offre vraiment de beaux rôles intéressants à jouer. Aussi, je viens d’une famille assez atypique et je me suis souvent senti dans la marge, alors c’est peut-être pour ça que je suis attiré par ce type de rôle.

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Que veux-tu dire quand tu dis que tu proviens d’une famille atypique?

Je suis le plus jeune d’une famille de huit enfants, et ma mère était aussi famille d’accueil, alors nous étions parfois plus nombreux autour de la table et dans la maison. Cette vie-là m’a permis de comprendre beaucoup de choses. Chez nous, tout était dans la communication et tout était dit autour de la table, à l’heure du souper. Nous étions un clan tissé serré et il n’y avait pas de télévision allumée dans la maison avant au moins huit heures le soir. Tout ça m’a apporté une vision du monde plus colorée, tous mes grands frères sont neuroatypiques: il y a en a un qui vit avec la paralysie cérébrale, un autre est trisomique et j’ai vu de tout dans ma famille. Pour moi, tout ça, c’est la normalité, et je vois toute sa beauté. Je suis né dans une belle diversité et dans une belle folie, et je pense que mon envie de faire ce métier-là est née de tout ça. J’ai développé une fascination pour l’autre, une curiosité, et ma mère m’a toujours appris à faire les choses pour servir plus grand que soi et non pour satisfaire son propre ego.

Et cette envie de devenir comédien, où est-elle née?

Quand j’étais tout petit, j’allais au cinéma, et quand je revenais à la maison, je m’amusais à recréer les personnages et à dire leurs répliques. Je me souviens que le premier film que j’ai vu était Le retour de Batman, avec Danny DeVito dans le rôle du Pingouin, et j’étais fasciné par ce que j’avais vu. Ma mère m’avait alors dit que ce métier, c’était celui d’acteur, et que c’était possible de le faire. Cette idée ne m’est jamais sortie de la tête. Ç'a été une épiphanie pour moi.

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Ça fait cinq ans que tu es sorti de l’école. Est-ce que ça se passe comme tu le voulais?

Non, je ne m’attendais pas à ça. Je ne pensais pas qu’un auteur comme Luc Dionne allait m’écrire un rôle; ça prendrait un ego démesuré pour le croire. Je ne m'attendais pas non plus à avoir un Gémeaux juste avant ma sortie de l’École de théâtre, en début de carrière. Je garde un beau souvenir de Philippe, un garçon autiste dans la série Clash; c'était un si beau personnage à qui donner vie! Le fait de recevoir un Gémeaux pour ce rôle était spécial. Je ne fais pas ce métier-là pour les prix, je ne carbure pas à ça, mais j’ai été touché que mes pairs reconnaissent mon talent avant même que je sois diplômé de l’école. Je me suis senti invité aux soupers de famille.

Est-ce que tu arrives à gagner ta vie avec ce métier?

Disons que je suis chanceux et que j’arrive maintenant à bien gagner ma vie, mais ça n'a pas toujours été le cas. La vie coûte cher, les loyers aussi, et je dois avouer que quand Luc Dionne m’a appelé, je venais de terminer les tournages de STAT et que je n’avais rien devant moi. Villeneuve était en pause et j’en étais rendu à devoir trouver un moyen de gagner ma vie pour l’été. J’avais donc déposé mon CV à deux endroits pour travailler en construction, et quand Luc a appelé, je pensais que c’était pour une job dans la construction. Ç'a été une belle surprise et un soulagement de pouvoir travailler dans le domaine que j'aime. Ma blonde, Anna Sanchez, avec qui je suis en couple depuis quelques années, est aussi comédienne, alors nous vivons tous les deux dans l’instabilité, dans l’attente des rôles et du téléphone qui ne sonne pas. Luc a changé ma vie et il m’a sauvé.

Tu vas avoir 30 ans prochainement. Comment vis-tu ça?

Je suis OK avec ça. Moi, ç’a été le cap des 25 ans qui a été catastrophique. J’avais l’impression d'être rendu vieux et que ma vie était terminée. Donc je ne me stresse pas avec l’idée d’avoir 30 ans, mais je ne suis pas non plus celui qui fait beaucoup de plans de vie à l’avance. Je me laisse plutôt porter par ma curiosité, autant dans mon travail que dans ma vie. Ça m’amène à avoir de belles surprises.

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