Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Sports

Chronique | On s’est réconcilié avec Eugenie

Partager
Photo portrait de Jessica Lapinski

Jessica Lapinski

2025-07-31T21:47:54Z
Partager

Le Québec aurait pu l’aimer parce qu’elle n’était pas comme les autres, mais il l’a méprisée parce qu’elle n’était pas celle qu’il souhaitait. Eugenie Bouchard n’était finalement pas la championne parfaite qu’on avait envie d’aduler.

• À lire aussi: Gabriel Diallo explique pourquoi c’est difficile pour les Canadiens de jouer à la maison: «Il ne faut pas tomber dans l’autre extrême»

• À lire aussi: Quelle suite pour Eugenie Bouchard? La retraite, «pour l’instant, c’est définitif»

Elle était humaine. Avec son caractère, ses prises de position parfois maladroites. 

Mais elle avait 20 ans quand les caméras du monde entier ont commencé à se braquer sur elle. C’était une toute jeune femme dont la notoriété a rapidement – trop peut-être – dépassé les limites d’un central.

Elle a été qualifiée d’arrogante. Et comparativement à tout ce qui a pu s’écrire sur les réseaux sociaux, c’était plutôt gentil.

C’est vrai qu’elle était parfois arrogante devant les journalistes, Eugenie. Mais elle n’avait pas besoin de nous. Elle était sa propre plateforme médiatique. Ç’a peut-être blessé certains orgueils.

Getty Images via AFP
Getty Images via AFP
L’écrasement de la comète

Ce qui n’excuse rien: sur le circuit, les plus grandes stars sont souvent les plus gentilles. Sans doute parce qu’elles sont conscientes de leur statut et de leur impact.

Publicité

Était-ce par rancœur, consciente de ce qui se disait sur elle? Mystère. Il s’en écrivait des choses sur Eugenie. On imagine qu’elle n’avait pas vraiment le temps de lire la vie qu’elle était en train de vivre être racontée par les autres.

Et le tennis, dans tout ça? Ce n’est pas anodin qu’on n’y arrive que maintenant.

Elle a été qualifiée d’étoile filante. En fait, pas vraiment: là encore, ce serait un compliment par rapport à tout ce qui s’est dit sur sa carrière.

Évidemment qu’on en aurait pris plus. Le temps d’une saison, l’une des plus grandes stars du tennis était Québécoise. Qui aurait cru ça il y a 10 ans?

La chute a semblé sans fin. Pourtant, elle a été lourde, mais pas interminable. Le classement est ainsi fait. De grands résultats vous propulsent au firmament. Si vous ne parvenez pas à les répéter, vous glissez.

Pendant sept saisons, Eugenie s’est tout de même maintenue dans le top 100. Elles sont des centaines de joueuses professionnelles à seulement rêver d’un pareil palmarès.

La fille d’Instagram

La finale à Wimbledon, les deux autres demi-finales en Grand Chelem, cette cinquième place mondiale? Une infime, infime, infime partie des athlètes de la WTA atteignent d’aussi hauts sommets.

Si ces résultats avaient été répartis sur plusieurs saisons, on aurait parlé d’une solide carrière.

Petit à petit, au fil des blessures et de ce qu’on estimait être des contre-performances, on s’est désintéressé de son tennis. De toute façon, d’autres avaient pris sa place. Eugenie, c’était devenu la fille d’Instagram.

Publicité
Candide, drôle, allumée

Puis, il y a eu cette semaine. Cette semaine où ceux qui l’ont côtoyée nous l’ont décrite comme une fille gentille, affable. Ce n’était pas la première fois. Mais on dirait que c’était la première fois qu’on les écoutait vraiment.

Cette semaine au cours de laquelle des fans par centaines l’ont stoppée pour des autographes, pour des selfies. La preuve que lorsque j’écris «le Québec», ce n’était pas tout le Québec.

Ses fans ne l’ont pas oubliée. Ils étaient sans doute juste moins vocaux que ses détracteurs.

Il y a eu la Eugenie devant les journalistes. De la jeune fille parfois arrogante, on a vu une femme candide, allumée, drôle, affirmée, souriante. La «Genie» des réseaux sociaux était assise sur le podium.

La lâcheuse n’a rien lâché

On a vu une Eugenie qui aimait profondément le tennis. On l’a vue sur le court aussi. Elle ne lâchait rien. Ironique, non, pour une fille qu’on a traitée de lâcheuse? Le stade l’a applaudie pour ça.

Le stade l’a applaudie pour tout, au fond. Avant le tournoi, Eugenie a dit qu’elle n’avait jamais songé à l’héritage qu’elle laisserait, à ce qui s’écrirait quand elle tournerait la page sur le tennis.

Elle a dit que ce qu’elle garderait le plus chèrement dans son cœur, ce serait ces derniers moments sur le terrain, à Montréal.

Ça semblait galvaudé. Une réponse écrite par un relationniste.

Cinq jours plus tard, je suis persuadée que ça venait du cœur. Et c’est tant mieux. Car si ce dont on se souvient de la carrière d’Eugenie dans 20 ans c’est de cette semaine à Montréal, alors Eugenie aura réussi.

Publicité
Publicité