«C’est phénoménal»: presque trois fois plus d'accusations de meurtre contre des mineurs
À Montréal, la Couronne a formé une équipe dédiée aux mineurs accusés de meurtre, tant les dossiers sont nombreux

Laurent Lavoie
Le nombre de mineurs accusés de meurtre a presque triplé en deux ans, ce qui a mené le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) à créer une équipe spécialisée en la matière pour gérer ces dossiers aussi troublants que délicats.
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«Des accusés de 15 ans, 16 ans, 17 ans, impliqués dans des meurtres violents par armes à feu, à Montréal, pour moi, c’est phénoménal», s’étonne encore Me Louis-David Bénard, du Bureau des affaires de la jeunesse, au DPCP.
Il fait partie d’un petit groupe de procureurs qui se consacrent aux homicides commis par des mineurs dans la métropole. D’ici la fin du mois de juillet, ils seront quatre au total.

Deux y avaient déjà été assignés au cours de l’année 2023, mais la quantité de dossiers a continué d’augmenter, tout comme la charge de travail. Ils auraient en ce moment sur les bras une dizaine de causes pendantes d'accusations de meurtre visant des mineurs.
Dans l’ensemble de la province, les accusations de meurtre contre des mineurs sont d'ailleurs passées de 6 à 17 entre 2022 et 2024.

«Ça implique de nombreux témoins, des enquêtes qui sont extrêmement complexes, volumineuses, avec beaucoup de données provenant d’appareils informatiques et téléphoniques», observe Me Bénard.
Accès aux armes à feu
Mais ce qui saute aux yeux de l’avocat au vu des différentes histoires, c’est la facilité d’accès aux armes à feu pour les jeunes contrevenants.
Pourquoi un adolescent investirait quelques milliers de dollars pour se procurer un pistolet? Les possibilités sont nombreuses.
«C’est difficile à concevoir, convient Me Bénard. Est-ce que c’est pour augmenter son sentiment de sécurité? Se sentir supérieur aux autres? Se sentir invincible?»

Des jeunes vont, par exemple, commencer à voler des véhicules, ce qui leur permet éventuellement de faire assez d’argent pour s’armer.
Ils se retrouvent à commettre l’irréparable pour des querelles souvent futiles ou dans un contexte de «sous-traitance» pour le compte d’influents criminels. Les tensions entre gangs seraient souvent en toile de fond.
«C’est très rare qu’on ait juste un adolescent d’impliqué. Bien souvent, il va y avoir un autre adolescent et des complices adultes, qui vont graviter autour», explique Louis-David Bénard.
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Pandémie
D’après les intervenants consultés par Le Journal, ce phénomène pourrait être dû aux contrecoups de la pandémie qui se font encore sentir.
«Plusieurs études ont démontré [...] toutes sortes de constats sur l’anxiété des jeunes, leur santé mentale, souligne René-André Brisebois, chargé de projet à l’Institut universitaire Jeunes en difficulté. On voit avec ces années-là une certaine transformation de la délinquance.»

Durant cette période, les coups de feu étaient aussi presque chose du quotidien dans la métropole.
«Ça a banalisé peut-être un peu l’avènement des armes», évoque Me Bénard.
Dans tous les cas, il y a lieu de s’inquiéter de l’avenir des contrevenants qui vont grandir dans le système carcéral pour des crimes violents, insiste René-André Brisebois.
«Il faut agir le plus rapidement possible, d’abord en prévention, et se concentrer après ça sur les besoins de ces jeunes-là pour les sortir de cet univers», mentionne-t-il.
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