Ces travailleurs colombiens installés au Québec ont peur d’être renvoyés dans leur pays
Au-delà du boulot, il y a de véritables drames humains derrière ces règles fédérales


Francis Halin
Des travailleurs étrangers temporaires (TET) colombiens sur les nerfs craignent de devoir retourner dans leur pays à cause des nouvelles règles d’Ottawa.
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«On devrait ouvrir la porte à ceux qui travaillent ici légalement», regrette Yeferson Sneider Munoz Martinez, 27 ans, mécanicien industriel colombien.
L’homme travaille chez Durabac, une entreprise québécoise de fabrication de contenants de camions de collecte en acier et en plastique, à Granby.
Comme lui, plusieurs travailleurs étrangers temporaires (TET) risquent de ne pas pouvoir rester ici parce qu’Ottawa a changé les règles en septembre dernier.

Pourquoi? Parce que nos PME n’ont plus le droit d’avoir 20% d’employés à bas salaire, mais bien 10%, et que les contrats de travail sont amincis, passant de deux ans à une seule année.
Cela a des répercussions sur le plancher de l’usine de Durabac de La Haute-Yamaska. L’entreprise fait partie d’un groupe qui demande réparation au gouvernement, comme le révèle Le Journal.
Yeferson Sneider Munoz Martinez martèle son message au premier ministre Mark Carney.
«Ouvrez la porte à ceux qui habitent déjà ici et qui payent leurs impôts», dénonce celui qui est arrivé ici en 2022.
À deux pas de lui, Nestor Éduardo Solaque Nuvan, 33 ans, esquisse un sourire malgré les nuages qui le hantent. On le sent préoccupé.
«Ça a pris un an faire venir ma femme ici. C’est beaucoup de stress», confie le mécanicien industriel.
«Je ne sais pas si je vais pouvoir être ici encore», lâche-t-il.

«Ça tourne dans la tête»
Comme ses deux collègues, c’est dans la langue de Michel Tremblay que Diego Fernando Gomez Urrea, 32 ans, aborde Le Journal près de ses machines.
«J’ai appris ici. J’aime la langue française», raconte fièrement le soudeur de Bogota.
Or, ce rêve québécois est désormais menacé. Celui qui avait déjà du mal à trouver les mots pour consoler son fils resté là-bas se sent désemparé.

«Mes enfants pleurent tout le temps, raconte-t-il. J’ai laissé mon garçon de 7 ans là-bas. Il a 10 ans aujourd’hui. Il me pose toujours la même question: “Papa, quand on va être avec toi?”»
«Je lui réponds: “Mon bébé, c’est la patience. Je vais travailler fort”», poursuit-il.
Investissements de 10 M$
En pointant ses travailleurs, Patrick Charbonneau, PDG de Durabac, se désole de la tournure des événements.
L’homme d’affaires québécois vient d’investir 10 M$. Il s’attendait à avoir ses travailleurs étrangers temporaires (TET).
«Mes infrastructures sont trop importantes pour perdre 20% de mes employés», souffle-t-il.
M. Charbonneau dit avoir tout essayé pour trouver des travailleurs québécois. Il a lancé son école en usine. Il a fait des pieds et des mains pour attirer du monde.

Il ne comprend pas que le fédéral ne comprenne pas que l’argent finira par manquer dans les coffres de retraite si les travailleurs étrangers sont renvoyés chez eux.
«Il y a des travailleurs qui pourraient très bien peut-être se diriger vers l’Ouest canadien ou l’Ontario», laisse-t-il tomber.
«Si on n’est pas capable de trouver des gens, évidemment, va falloir trouver d’autres solutions et celle de s’exporter en est une aussi», conclut Patrick Charbonneau.
– Avec la collaboration de Gabriel Côté
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