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L'article provient de Clin d'oeil
Style de vie

Ces marques vous paient pour rapporter vos vêtements déjà portés

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Flore Tellier

2025-10-04T11:00:00Z
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De Coach à Burberry, en passant par Lululemon, de plus en plus de marques reprennent leurs propres vêtements usagés. Simple coup de marketing ou véritable révolution?

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Toutes les thrifteuses aguerries connaissent le sentiment d’exaltation pure qu’on ressent lorsqu’on tombe, au hasard d’une virée en friperie, sur la pièce convoitée d’une griffe qu’on adore, dans la bonne taille et la couleur qui nous va le mieux... Et à un prix qui ferait pâlir n’importe quel rabais d’après-saison.

Mais elles savent aussi que ce genre de trouvaille ne se planifie pas. Magasiner seconde main demande un œil averti, de la patience et, surtout, de la chance. Quand on veut un article précis (ou une pièce qui a la cote sur Instagram), mieux vaut se tourner du côté des plateformes sociales (Marketplace, groupes Facebook, etc.) ou des applis comme Poshmark ou Bon Magasinage.

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Or, depuis quelques années, les marques elles-mêmes constatent que leurs vêtements continuent de circuler activement dans ces réseaux parallèles. Certaines y ont vu une opportunité: pourquoi ne pas reprendre les rênes de leur propre revente, garantir l’authenticité des produits, prolonger la vie de leurs créations et, tant qu’à y être, garder la clientèle dans leur écosystème?

Quand on sait que la planète a déjà produit assez de vêtements pour habiller les six prochaines générations, on se demande: est-ce là que se trouve l’avenir du commerce de détail et de nos marques mode, entre pérennité économique et vision plus durable?

Parmi Lifewear
Parmi Lifewear

Bienvenue dans l’ère du «recommerce»

Ce mot-valise, qui désigne la vente de biens de seconde main par les compagnies elles-mêmes — via leurs propres canaux ou par l’entremise de partenaires —, s’impose peu à peu comme une nouvelle réalité du commerce de détail. Et ce n’est pas un hasard si certaines entreprises bien établies ont déjà fait leurs preuves dans ce domaine. Patagonia, par exemple, a lancé son programme Worn Wear en 2012 pour encourager ses clients à réparer, revendre ou acheter des vêtements usagés. D’autres marques réputées, comme Lululemon, Levi’s ou Michael Kors, entre autres, ont également adopté des initiatives en ce sens, réservées actuellement au marché des États-Unis. Est-ce parce que le marché canadien est moins prometteur? Est-ce une façon de tester sans risques? La question reste ouverte.

Ces programmes démontrent pourtant des avantages concrets pour les consommatrices, comme pouvoir se procurer une pièce de luxe à prix doux, ou encore mettre la main sur une archive, une collaboration limitée ou un modèle discontinué. C’est aussi une façon de bénéficier d’un certain sceau de qualité: les articles sont vérifiés, inspectés, lavés et viennent avec une garantie d’authenticité.

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Heureusement, de plus en plus d’entreprises d’ici misent sur notre marché. Canada Goose, qui a pris part au mouvement en lançant sa plateforme Generations, rapporte qu’un parka acheté via son espace de revente générerait 70 % moins d’émissions de CO2 qu’un modèle neuf. Avec cette donnée en tête, pas de doute que le «recommerce» a aussi le pouvoir de créer du changement.

Canada Goose
Canada Goose

Un défi de taille

Si l’idée fait rêver, sa mise en place est tout sauf simple. Qui inspecte les morceaux? Qui les nettoie, les entrepose, gère les retours? Et quel incitatif offrir aux clientes pour qu’elles revendent directement à la marque qui leur a vendu une pièce, plutôt que de créer une petite annonce destinée aux particuliers? Pour les entreprises, c’est une opération complexe. Pour que le modèle tienne la route, il faut qu’il soit clair, simple et pérenne. Comme le souligne Véronik Bastien, cofondatrice de Parmi Lifewear, «gérer un système de deuxième vie, c’est quasiment lancer une deuxième entité». Pour les grandes entreprises, une autre question s’impose: comment éviter l’écoblanchiment, alors que la frontière est mince entre le levier marketing et l’engagement sincère d’une marque qui souhaite avoir un impact?

Quand l’engagement devient un moteur

Sans prétendre détenir toutes les réponses, de plus en plus de marques explorent et expérimentent les possibilités que leur octroie le «recommerce». Leur démarche permet de mieux comprendre ce qu’implique cette transition et ce qu’elle peut offrir, autant aux consommatrices qu’à l’industrie, entre responsabilité, fidélisation et pragmatisme.

Le modèle Reformation: l’art de s’ancrer dans les habitudes

Reformation
Reformation

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Chez Reformation, une marque de vêtements féminins au style intemporel, l’objectif est clair: être 100 % circulaire d’ici 2030.

«Atteindre la circularité, c’est assumer le rôle de gardien de ses vêtements après la vente. C’est éduquer, inciter à l’entretien, à la réparation et au recyclage. C’est l’ensemble du cycle de vie d’un vêtement qui nous intéresse», explique Beba Greer, directrice du développement durable. Leur programme Happy Endings regroupe donc plusieurs initiatives post-achat. L’entreprise a vite compris une chose: pour que son programme de seconde main soit cohérent avec ses ambitions, il fallait rencontrer la cliente là où elle était déjà. Et puisque Reformation figurait parmi les 10 à 20 griffes les plus recherchées sur Poshmark, une plateforme de revente entre particuliers, la marque a choisi d’explorer la voie des collaborations. S’associer à une entreprise partenaire simplifie selon eux l’expérience pour tous les partis. «Ce sont ces changements incrémentaux qui permettront une transformation à l’échelle du système, au-delà d’une seule marque», expliquait l’équipe, précisant aussi que, selon les données, l’impact est plus grand quand les programmes de vente d’occasion sont multimarques et agnostiques.

En se ralliant à l’appli existante, Reformation propose une fonction de revente en un clic. L’idée? Les clients peuvent lier leur compte Reformation et publier une pièce précédemment achetée directement sur Poshmark, sans avoir à remplir les infos manuellement. Un modèle pratique, propulsé par une technologie qui automatise l’inscription et pourrait, à terme, s’adapter à différentes plateformes, selon la région. C’est tout à l’avantage de l’entreprise, pour qui cette intelligence sert d’outil de fidélisation et d’acquisition.

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Reformation propose aussi le recyclage, avec une mesure incitative sous forme de rabais sur les prochaines commandes à celles qui renvoient leurs vêtements usés au lieu de les jeter. Mais attention, l’équilibre est délicat à trouver: inciter au recyclage ou à la revente, oui... mais sans encourager une rotation trop rapide, qui écourte la vie des vêtements. Comme le rappelle Beba Greer: «Si le volume de vêtements qui arrive au recyclage est trop élevé, ce n’est pas une bonne nouvelle. Cela voudrait dire que les vêtements ne durent pas.»

La philosophie de Reformation: multiplier les options. Que ses clients revendent sur Poshmark, ThredUp ou Facebook, l’important selon la marque est de prolonger la vie du vêtement. Et, ultimement, que ses clients développent une connexion émotionnelle plus forte avec ses produits, pour qu’ils aient envie de prendre soin de chacun de leurs morceaux.

Le modèle Parmi: miser sur la communauté

Parmi Lifewear
Parmi Lifewear

Chez Parmi Lifewear, une entreprise canadienne qui fabrique des vêtements techniques conçus pour le plein air, la circularité est inscrite au cœur de l’ADN de l’équipe. En ouvrant boutique, en 2022, le site avait déjà été pensé en fonction de l’hébergement d’un éventuel marché Preloved, qui verra enfin le jour cet automne. «On savait qu’il fallait attendre que nos morceaux aient le temps de vivre», raconte Véronik Bastien, coprésidente et cofondatrice, excitée de lancer cette fonction.

Pensé comme un outil à la communauté plus que comme une occasion de faire du profit, l’espace de revente ne rachètera pas les morceaux et servira surtout à simplifier l’expérience des clients et à créer des connexions, nous a expliqué l’entrepreneure.

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Les vendeurs pourront donc inscrire eux-mêmes leurs pièces Parmi — qui seront validées selon des standards de qualité établis par la compagnie avant d’être affichées— et recevoir, une fois qu’elles seront vendues, un montant en argent ou en carte-cadeau. La plateforme mise sur la confiance et l’éducation. «Quand tu tombes dans un groupe de gens passionnés par une activité ou une marque, la circularité est vraiment favorisée», souligne-t-elle.

Cette approche artisanale et humaine permet en outre de collecter des données utiles à l’entreprise: pourquoi une cliente se départit-elle d’un vêtement? Parce que le produit n’était pas à la hauteur ou parce qu’elle change de style? Des infos précieuses pour faire évoluer la marque et répondre au besoin de sa communauté.

Cerise sur le gâteau: un outil sur les fiches de produits neufs affichera si l’article est aussi disponible en seconde main. Idem avec les échantillons ou produits imparfaits qui seront aussi répertoriés dans cet espace de revente interactif. Moins de perte, plus d’impact. Pour l’entreprise certifiée B Corp., c’est aussi une façon d’ancrer le réflexe du seconde main dans les habitudes de consommation de ses clients.

Marilou Design: répondre à la demande

Marilou Design
Marilou Design

Chez Marilou Design , le déclic est venu des consommatrices elles-mêmes: «Plusieurs me demandaient où revendre leurs morceaux. J’ai longtemps hésité. Mais avec l’ouverture de la boutique physique, ça m’a semblé naturel», raconte la propriétaire et designer Marie-Lou Boucher.

Les fidèles peuvent dorénavant rapporter leurs morceaux en boutique, et ces derniers seront vendus dans la section Deuxième vie en échange d’un crédit. Pour l’entrepreneure, c’est une question de cohérence philosophique: «Je veux prouver que mes vêtements traversent les années. Quand une cliente craque pour une blouse de 2018, je me dis: “Mission accomplie.”»

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Ce modèle est modeste et limité: il exige du temps, de l’espace et une bonne logistique. Mais il répond à une vraie demande, tout en ancrant la circularité dans le quotidien et dans la proximité.

L’avenir du «recommerce»? Une question d’émotion!

Si ces formules sont variées, elles ont un point en commun: elles témoignent d’un changement dans la manière dont la mode envisage sa propre survie. Le «recommerce» est encore jeune, parfois expérimental, mais il s’inscrit dans une tendance mondiale où le seconde main gagne du terrain.

Reste que la réussite de ce modèle ne se jouera pas seulement dans les chiffres. Elle dépendra aussi de nos attitudes. Et comme le résume l’équipe de Reformation: «Le plus grand défi est de bâtir une connexion émotionnelle plus forte avec les vêtements. C’est une question d’éducation: montrer que chaque morceau représente du temps, des ressources et du savoir-faire. Si on transforme cette perception, on change les comportements.»

C’est assez clair: sans adoption massive et sans conscience collective, la circularité restera un concept théorique. Avec elle, en revanche, le «recommerce» pourrait bien devenir une clé essentielle de l’avenir de la mode.

Marilou Design
Marilou Design

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