«C'est tellement triste ce qui se passe ici»: catastrophe immobilière pour 200 personnes à Boisbriand
Le promoteur derrière des condos mal construits à l'ex-usine General Motors a été mêlé à plusieurs controverses

Jean-François Cloutier
Plus de 200 personnes qui résident dans un vaste projet à Boisbriand craignent de tout perdre dans des condos construits il y a quinze ans par un promoteur mêlé à plusieurs controverses au cours des dernières années.
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« C’est tellement triste ce qui se passe ici. Tout le monde est abasourdi par l’ampleur du désastre », soupire Marie-Josée Leclerc, présidente d’un syndicat de copropriété, rencontrée par notre Bureau d’enquête au début septembre.
Elle souligne que son syndicat va de mauvaise surprise en mauvaise surprise depuis 2021.
Ce qui semblait au départ un problème limité à des terrasses sur des immeubles a pris une ampleur catastrophique après que des travaux de réparation n’eurent pas donné les résultats escomptés.

Des expertises commandées par le syndicat ont par la suite révélé que 21 des immeubles du projet semblaient tous être affectés par un même vice de construction initial. Entre autres, le rétrécissement de la charpente de bois des immeubles, un phénomène naturel et prévisible, n’aurait jamais été pris en compte.

Toutes les façades des immeubles inspectées sont affectées d’infiltrations d’eau significatives et récurrentes, a indiqué Marie-Josée Leclerc, en entrevue.

Un budget préliminaire estimé pour des travaux correctifs est établi à 23,8 millions $, soit 1,1 million $ par sixplex, une somme astronomique pour les propriétaires.
Controverses
Notre Bureau d’enquête a découvert que l’entrepreneur derrière ces condos très mal en point, Steve St-Pierre, a notamment fait une retentissante faillite personnelle de 19,6 millions $ en 2016.
Il a aussi été mêlé à un projet de condos qui a mal tourné à Montréal avec l’ancien joueur du Canadien Francis Bouillon.
Il a siégé au conseil d’administration d’une fondation de l’artiste Luck Mervil censée construire des maisons en Haïti, mais où des questions ont été soulevées sur la gestion des fonds.
Jusqu’à tout récemment, Steve St-Pierre se faisait tirer l’oreille pour être interrogé dans le cadre de deux poursuites totalisant 33 millions $, déposées en 2022 par deux syndicats de copropriété reliés au Faubourg Boisbriand.
Construction Nomade Faubourg Boisbriand SENC (une compagnie de St-Pierre), mais aussi des compagnies à numéro, des architectes et des ingénieurs sont visés.
Des avocats ont tenté d’abord de le localiser dans les Laurentides et à l’île d’Orléans, sans succès.
Ils ont ensuite obtenu une autorisation de la Cour pour communiquer avec lui par courriel. En mai, la juge Marie-Christine Hivon, de la Cour Supérieure, a finalement ordonné à St-Pierre de se présenter et de se soumettre à un interrogatoire.
Quand notre Bureau d’enquête a pu découvrir son adresse et s’y rendre, une dame nous a dit qu’il n’était pas présent, avant de claquer la porte.

Du rêve au cauchemar
Pour les quelque 160 propriétaires de condos, c’est peu dire que le rêve de devenir propriétaire a tourné au cauchemar.
« Construction Nomade avait l’obligation de construire les sixplex conformément aux règles de l’art et aux plans, et exempts de vice [...]. [Elle] a manifestement manqué à ses obligations », est-il allégué dans une procédure.

Les conséquences des problèmes sont déjà bien réelles pour certains.
Un propriétaire dont l’unité a été littéralement éventrée, pour prendre la mesure de problèmes d’infiltration et de moisissures, a récemment cessé de payer son hypothèque, incapable d’acquitter à la fois les coûts d’un loyer pour se loger et d’un condo inhabitable.

Sa banque a entrepris des procédures pour saisir son condo. « J’ai arrêté de penser à ça, car ça me donnait des idées suicidaires », confie Édouard Safi.

Il a payé cet hiver près de 2000 $ par mois pour rester dans un Airbnb, avant de se faire à l’idée qu’il ne retournerait jamais vivre là-bas.

D’autres propriétaires ont intenté des poursuites contre les personnes dont ils ont acheté l’unité.
Malgré tout, la Régie du bâtiment (RBQ) a indiqué que Steve St-Pierre avait une seule plainte à son dossier et qu’il n’avait jamais été visé par aucune sanction administration ni poursuite pénale.
« Construction Nomade Faubourg Boisbriand détenait une licence RBQ. Elle a été annulée le 6 février 2013 à la suite du non-paiement des droits de maintien », nous a écrit Sylvain Lamothe, porte-parole.

Les allégations contenues dans les poursuites n'ont pas été prouvées en cour.
-Avec Nicolas Brasseur, Kathryne Lamontagne et François-David Rouleau
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