Bris d’aqueduc: des conduites plus vulnérables
Des infrastructures semblables à celle du boulevard René-Lévesque ont déjà été en cause dans d’autres bris majeurs
Dominique Cambron-Goulet
La conduite d’aqueduc de plus de deux mètres qui a rompu vendredi matin sous le boulevard René-Lévesque est d’un type qui a donné lieu à d’autres bris spectaculaires ces dernières années en raison d’usure prématurée.
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Installée en 1985, la conduite était encore bien loin de sa fin de vie utile, estimée à 100 ans.
Mais elle pourrait s’être usée plus rapidement que prévu, comme d’autres aqueducs de même type à Montréal.
Ces conduites, appelées C-301 en jargon technique, sont construites en acier et en ciment, le tout entouré de béton précontraint pour en assurer la rigidité, explique le professeur à Polytechnique Montréal Raymond Desjardins.
Un type de béton qui est toutefois sensible au sel de déglaçage.
Comme sur Pie-IX
À l’été 2002, une conduite vieille de moins de 30 ans avait éclaté sous le boulevard Pie-IX l’arrondissement Saint-Léonard, inondant 250 logements.
«Avec les déglaçages, il y a de l’eau chargée de sel qui s’était infiltrée dans le sol et s’était accumulée autour de la conduite qui a causé une corrosion de l’armature. Et avec le temps la conduite a brisé», relate M. Desjardins.
Selon lui, on a peut-être assisté au même phénomène vendredi.
«Ça s’est sûrement produit sur plusieurs années, spécule-t-il. Je ne pense pas que la conduite était en excellent état jusqu’à la semaine passée.»
Questionnée à ce sujet, la directrice du Service de l’eau à la Ville de Montréal, Chantal Morissette n’exclut pas que le sel de déglaçage ait pu contribuer à la rupture.
«Quand on va creuser, on va voir. Aujourd’hui on ne peut pas avoir de certitude. C’est de l’usure. Dans certaines années d’installations, ces conduites étaient de moins bonne qualité et vont vieillir plus prématurément», avance-t-elle également.
Depuis l’événement de la rue Pie-IX, la Ville exige que les nouvelles conduites soient recouvertes d’une couche de peinture époxy, afin de mieux résister aux dommages causés par le sel.
Inspectée, mais pas prioritaire
Selon Mme Morissette, la conduite de la rue René-Lévesque avait été inspectée, mais ne se rappelle pas à quand cela remonte.
La Ville ne l’avait toutefois pas classée comme une infrastructure à risque, puisqu’aucune réparation ou un plan d’entretien n’était prévu avant 2028, indique le plan d’intervention des infrastructures.
En 2019, la Ville avait réussi à sauver in extremis de la rupture un aqueduc du même type, sous la rue Saint-Antoine, entre Atwater et Guy.
Une auscultation à l’aide d’un robot avait révélé qu’elle était très endommagée sur une longueur de 900 mètres.
Les travaux d’urgence avaient coûté plus de 25 M$.
-Avec la collaboration de Zoé Arcand
D’autres bris majeurs
Août 2002 – Boulevard Pie-IX
Un aqueduc de 1800 mm éclate privant d’eau des dizaines de milliers de résidants de l’est de l’île.

Janvier 2009 – Rue Saint-Jacques
Un joint de béton d’une conduite de 600 mm brise dans un froid glacial.

Avril 2011– Boulevard Décarie
Une conduite de 900 mm se rompt, transformant la voie de desserte de l’autoroute en rivière.

Octobre 2019 – Rue Saint-Antoine
La Ville ferme d’urgence une conduite de 2100 mm en raison de son état critique. Six mois de travaux ont été nécessaires pour la remettre à neuf.

Juillet 2023 – Rue Bélanger
Un aqueduc de 900 mm qui devait être changé en 2026 éclate dans le quartier Saint-Michel, inondant des dizaines de résidences.
