Bannir le cellulaire en classe: le Québec devrait-il s’inspirer de l’Ontario?

Daphnée Dion-Viens
OTTAWA – Alors que des enseignants se mobilisent pour sortir le cellulaire des écoles québécoises, Le Journal s’est rendu en Ontario pour voir comment la loi qui interdit l’utilisation des téléphones en classe y a changé la donne. Premier constat: la législation donne un bon coup de pouce aux enseignants.
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Les cellulaires et autres appareils mobiles personnels sont officiellement interdits dans les classes de l’Ontario depuis l’automne 2019. L’année précédente, des parents et des enseignants avaient réclamé un encadrement plus serré lors d’une consultation provinciale.
C’est toutefois l’enseignant qui a le dernier mot, car il peut permettre l’utilisation du cellulaire «à des fins pédagogiques», précise le ministère ontarien de l’Éducation.
Résultat: l’encadrement est à géométrie variable mais donne des résultats dans certaines écoles, comme a pu le constater Le Journal lors d’une visite dans la région d’Ottawa.
Certains enseignants demandent que l’appareil soit posé à l’envers sur le bureau, pour s’assurer qu’ils ne l’utilisent pas pendant le cours, alors que d’autres demandent aux élèves de le placer dans une pochette à l’entrée du local, dès le début du cours.
Rares toutefois sont ceux qui vont aller jusqu’à confisquer les appareils.
Certains profs, plus tolérants, interviennent de façon moins systématique pour encadrer la présence du cellulaire en classe, racontent des élèves.
La légitimité d’intervenir
Même si, à première vue, la situation peut ressembler à ce qui se passe dans plusieurs écoles québécoises, des enseignants ontariens rencontrés par Le Journal affirment que la législation en place vient tout de même leur donner un bon coup de pouce.
«La loi, ça donne une légitimité à l’enseignant. Ça rend ma gestion de classe plus facile, ça me donne quelque chose sur lequel m’appuyer», affirme l’enseignante Johanne Cardin-Beale.

«C’est sûr que ça nous aide, renchérit sa collègue, Anick Nadon. Je peux plus facilement faire comprendre aux élèves pourquoi ils ne peuvent pas utiliser leur téléphone en classe», dit-elle.
Dérapage postpandémie
Au Québec, plusieurs enseignants affirment que la situation s’est envenimée avec la crise sanitaire.
«Je pense que le cellulaire n’a plus sa place à l’école parce qu’on a perdu le contrôle», affirme Sylvain Dupuis, un enseignant d’arts plastiques de Gatineau.
«Depuis la pandémie, ç’a dérapé, c’est un véritable fléau. Leur demander de ranger leur cellulaire, c’est comme leur demander de leur couper le bras. Les élèves ne se cachent même plus pour l’utiliser en classe», affirme un enseignant du secondaire qui a demandé l’anonymat parce qu’il n’a pas l’autorisation de nous parler.
Même les élèves du primaire sont de plus en plus nombreux maintenant à apporter un cellulaire à l’école.
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En Ontario, la gestion des cellulaires en classe a aussi été plus problématique après la pandémie, raconte Mme Nadon, qui fait ranger les cellulaires dans des pochettes au début de chaque cours.

«Ç’a pris un certain temps avant de pouvoir remettre cette règle-là en place. On n’était pas aussi ferme au départ, on a essayé de comprendre et maintenant, ça va assez bien», dit-elle.
Le Québec est en réflexion
Au Québec, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, s’est montré ouvert à réfléchir à l’interdiction du cellulaire en classe ce printemps, lorsqu’il a été interpellé par le Parti Québécois à ce sujet. À son cabinet, on a alors confirmé que la «réflexion est entamée».
Le gouvernement caquiste a toutefois bloqué, fin mai, une motion du Parti Québécois demandant d'encadrer l'utilisation du téléphone cellulaire en classe au primaire et au secondaire.
Selon un sondage réalisé par la Fédération des syndicats de l’enseignement, 92% des profs sont favorables à l’interdiction du cellulaire en classe.
Dans le réseau scolaire, des enseignants se mobilisent pour que le ministre aille même plus loin: certains réclament l’interdiction complète du téléphone cellulaire à l’école, y compris pendant les pauses et l’heure du dîner, comme le rapportait Le Journal vendredi.
De leur côté, certaines écoles n’ont pas attendu une directive ministérielle pour passer à l’action en bannissant les appareils entre leurs murs.
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L’interdiction du cellulaire en classe en Ontario
- Depuis novembre 2019, l’utilisation des téléphones cellulaires ou autres appareils mobiles personnels pendant les heures de classe est «restreinte».
- L’objectif est d’éviter les distractions et de maximiser le temps d’apprentissage.
- L’utilisation est toutefois permise, pendant les heures de classe, «à des fins éducatives» si l’enseignant le permet, ou encore pour des raisons de santé ou médicales.
- 97% des parents, des élèves et des éducateurs ont affirmé que l’utilisation du téléphone à l’école devait être restreinte lors d’une consultation en 2018.
- Le cellulaire demeure permis pendant les pauses et l’heure du dîner.
Source: ministère de l’Éducation, Ontario