Avantageux ou non? Un restaurateur de Québec fait le bilan après avoir éliminé les pourboires
Audrey Sanikopoulos
Un restaurateur de Québec a choisi de supprimer les pourboires dans son établissement, une décision en phase avec ses valeurs, mais qui ne serait pas forcément profitable à d’autres, puisqu’il se prive d’un important crédit d’impôt.
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«Veuillez noter que nous sommes un restaurant sans pourboire»: le ton est donné dès que les clients passent les portes du restaurant Alentours, où une vingtaine de personnes s’attablent tous les soirs.
Avec sa cuisine gastronomique écoresponsable, le chef propriétaire Tim Moroney voulait instaurer cette règle dès l’ouverture en août 2021, mais a préféré attendre quelques années avant de sauter le pas.
C’est finalement au début de l’année, lorsqu’il a voulu offrir une augmentation de salaire à un employé, qu’il a décidé de laisser tomber le partage égal du pourboire au sein de son établissement.
«On trouve que d’être durable, c’est quand même d’être constant. On veut être capable de dire à quelqu’un qui travaille pour nous c’est quoi son salaire et que nous on va prendre cette responsabilité totale», a-t-il expliqué six mois après ce choix.
Pour ce faire, il a ajusté ses prix en fonction du montant que ses clients sont prêts à débourser, fixant un seuil à ne pas dépasser.
De l’argent, mais de façon aléatoire
Selon lui, près de la moitié du salaire des employés dans un restaurant gastronomique vient des dollars laissés en plus de l’addition.
«Le pourboire est très aléatoire, ça peut être très payant et très peu intéressant aussi», a-t-il nuancé.
Si un serveur ou un cuisinier peut donc faire plus d’argent dans un autre établissement, le chef Moroney choisit plutôt de garantir un meilleur salaire plancher, une décision qui a été bien accueillie par les trois personnes qui travaillent pour lui.
«Les employés en restauration ne sont pas attachés émotionnellement au pourboire. Ils sont attachés à gagner les salaires qu’ils sont habitués à gagner», a-t-il fait valoir.
Loin d’être un avantage
Le propriétaire du restaurant Alentours a toutefois admis que cette formule n’est pas forcément profitable financièrement.
En effet, un employé qui gagne 1000$ en pourboire ou en salaire aura les mêmes déductions sur sa feuille de paie.
Mais normalement, l’employeur, qui doit payer de son côté différentes charges à l’égard de ces pourboires, peut réclamer jusqu’à 75% du montant grâce à un crédit d’impôt provincial: une option dont se prive désormais le restaurateur.
«Comme restaurateur propriétaire, je préfère la stabilité financière chez mes employés que le crédit d’impôt qu’on a à la fin de l’année», a reconnu M. Moroney.
Une chose est sûre à ses yeux, ce n’est pas parce que les autres restaurateurs gardent l’option du pourboire qu’ils n’ont pas à cœur le bien-être de leurs travailleurs ou qu’ils souhaitent s’enrichir.
«Pour un petit restaurant comme nous, on parle peut-être de 10 000$ de crédit d’impôt, mais pour un grand restaurant qui parle de 200 000$, c’est normal qu’il ne soit pas nécessairement prêt à faire ce changement quand le marché est saturé et qu’on ne peut pas monter les prix du menu en conséquence», a-t-il lâché.