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L'article provient de 24 heures

Trop d’autos à Montréal? Voici 5 propositions pour en retirer des rues (et améliorer la mobilité)

Photomontage Marilyne Houde
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Photo portrait de Andrea Lubeck

Andrea Lubeck

2023-11-13T17:00:27Z
2023-11-17T17:55:45Z
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Que ce soit pour sécuriser une intersection ou pour aménager une piste cyclable, le retrait de places de stationnement sur rue divise à Montréal. C’est pourtant un mal nécessaire pour réduire le nombre de véhicules dans la ville et atteindre nos cibles climatiques. Deux experts nous proposent leurs solutions pour améliorer l’expérience des résidents et des visiteurs lorsqu’ils se déplacent dans la métropole. 

• À lire aussi: Allers-retours Montréal-Québec: quand faire du covoiturage devient une job

• À lire aussi: Une guerre à l'auto? Voici combien de places de stationnement ont été retirées à Montréal depuis 2018

1- Mieux connaître la situation du stationnement sur rue à Montréal  

La Ville de Montréal ne connaît pas le nombre exact de places de stationnement sur son territoire et c’est un problème, affirme Blaise Rémillard, responsable mobilité et urbanisme au Conseil régional de l’environnement de Montréal (CRE-Montréal).  

«C’est assez préoccupant pour un actif qui a une valeur de plus d’un demi-milliard de dollars par année», dit-il en entrevue à 24 heures

Selon des estimations, il y aurait entre 475 000 et 515 000 espaces de stationnement sur rue sur l’île.  

Dans un livre blanc intitulé Le stationnement à Montréal – 23 propositions pour une mobilité efficace, équitable et écologique, publié en mars dernier, le CRE-Montréal recommande justement de collecter des données plus précises. 

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En ayant une idée plus claire de l’offre de stationnement, il serait possible de mieux communiquer avec le public, mais aussi d’identifier les secteurs de dépendance à l’automobile, qui sont parfois mal desservis par les transports collectif et actif.  

La Ville serait également en mesure d’émettre et d’octroyer le nombre exact de vignettes correspondant au nombre de places de stationnement dans un secteur donné, et pas plus. 

«C’est quelque chose [l’absence de données précises] qui empêche et qui ralentit beaucoup de projets de réallocation d’espaces de stationnement», regrette Blaise Rémillard, qui a codirigé le livre blanc.  

Comment expliquer ce manque de clarté?  

Lorsque les places de stationnement ont été mises en place, la Ville n’avait pas les moyens technologiques pour bien l’administrer, concède-t-il. Il y avait aussi le sentiment que l’espace était illimité pour stationner des voitures, ce qui n’est pas le cas. 

2- Implanter le principe d’utilisateur-payeur partout 

Pour Blaise Rémillard, Montréal doit absolument mettre fin au «stationnement à rabais».  

Pour lui, tarifer chacun des espaces de stationnement serait une mesure simple à déployer pour se sortir du «cercle vicieux de la motorisation et de l’étalement urbain» qui fait en sorte que le nombre de véhicules ne cesse de croître.  

Réduire le nombre de véhicules dans la ville permet de régler plusieurs irritants, comme la congestion routière ou la difficulté de se stationner. À la clé, ça entraîne aussi une diminution des émissions de gaz à effet de serre (GES) liées au transport routier – 34% des émissions totales du Québec –, la pollution atmosphérique et le bruit, entre autres.

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Une telle mesure permettrait également de mieux comprendre où le stationnement est surutilisé ou sous-utilisé.  

«Il y a plein d’endroits où on voudrait planter des arbres, faire des pistes cyclables ou des voies réservées, mais l’espace est utilisé pour le stationnement et, parfois, est sous-utilisé», explique le responsable de la mobilité et de l’urbanisme au CRE-Montréal. 

MÉLANIE COLLEU/24 HEURES/AGENCE QMI
MÉLANIE COLLEU/24 HEURES/AGENCE QMI

Et non seulement tous les espaces devraient être payant, mais ils devraient aussi coûter plus cher. 

Chaque place de stationnement coûte à la Ville 1275$ par année, selon les calculs du CRE-Montréal. Cela représente donc un actif «d’au moins un demi-milliard de dollars par année qu’il faut maintenir, surveiller, entretenir et déneiger. Ce sont beaucoup de ressources allouées au stationnement qui pourraient être consacrées ailleurs», note Blaise Rémillard. 

La vignette la plus chère dans l’agglomération de Montréal n'est toutefois que de 300$, à Côte-Saint-Luc, ce qui est nettement sous le coût annuel estimé d’une place de stationnement.

Les octroyer à des prix aussi bas revient à laisser de l’argent de côté, soulignait Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal, en entrevue à 24 heures . 

«Quand on regarde le prix du stationnement sur rue à Montréal, ça n’a aucune logique marchande ou économique», avait-il déploré.  

La Ville pourrait augmenter le prix des vignettes soit de manière uniforme ou encore le moduler en fonction de divers critères, par exemple, la taille du véhicule, comme le fait l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie. Le propriétaire d’un véhicule plus lourd et qui consomme plus d’essence, comme un VUS, paie un tarif plus élevé pour sa vignette qu’un conducteur de petite voiture électrique. 

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3- Prioriser le stationnement hors rue 

Le stationnement sur rue à Montréal occupe 27% de la voirie, grugeant ainsi de l’espace qui pourrait servir à déplacer les citoyens. Il vaudrait donc mieux muter ces espaces hors de la rue, en construisant de nouvelles infrastructures de stationnement ou en mutualisant celles qui sont existantes. 

«Si, dans le Plateau-Mont-Royal ou dans Parc-Extension, vous manquez de stationnement, ce que vous avez à faire, c’est de racheter un bâtiment, de l’exproprier, de le détruire, de creuser un gros trou et d’y construire [une structure] pour faire plein d’espaces de stationnement dedans», indique Jean-Philippe Meloche.  

Pour autant que les utilisateurs soient prêts à payer pour construire de telles structures.  

MATHIEU WAGNER/AGENCE QMI
MATHIEU WAGNER/AGENCE QMI

Il est également possible d’utiliser les stationnements souterrains ou à étages déjà construits. Le CRE-Montréal suggère de conclure des ententes entre le propriétaire de l’immeuble où se trouve le stationnement et les immeubles à logement à proximité qui pourraient en profiter lorsque les espaces sont libres, habituellement le soir et la fin de semaine. 

Depuis la pandémie (et la généralisation du télétravail), plusieurs de ces stationnements n’affichent d’ailleurs pas complet, même durant les heures de bureau.  

Favoriser le stationnement hors rue est d’ailleurs une mesure préconisée par la Ville de Montréal, qui mentionne dans son premier Plan climat métropolitain, adopté jeudi, qu’il est «essentiel de favoriser la densification de certaines superficies de stationnement, l’aménagement de stationnements souterrains ou étagés ainsi que la mutualisation des stationnements».  

4- Investir davantage dans le transport en commun 

L’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) s’est donnée pour objectif dans son Plan stratégique de développement, dévoilé en 2020, d’augmenter l’offre de transport collectif de 60% d’ici 2030 dans le Grand Montréal. 

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Mais pour y arriver, ça prendrait des investissements d’environ 45,5 milliards $.  

À l’heure actuelle, les sociétés de transport accumulent les déficits que Québec et les municipalités ne veulent et ne peuvent pas éponger. La situation est telle que ces sociétés pourraient se voir forcées de réduire leurs services dès 2024

D’où l’incompréhension de Blaise Rémillard face à la baisse d’impôt consentie par le gouvernement provincial, qui se prive de 1,7 milliard $ en revenus.  

«On a un gouvernement qui a choisi de couper les impôts plutôt que de réaliser ses engagements en transport collectif», regrette-t-il.  

Les sommes supplémentaires tirées de la hausse du prix des vignettes pourraient aussi servir à financer les projets de transports collectif et actif, proposait Jean-Philippe Meloche à 24 heures.  

5- Favoriser l’autopartage 

«C’est la clé pour beaucoup de propriétaires de véhicules à Montréal qui n’ont pas besoin d’utiliser leur voiture tous les jours», estime Blaire Rémillard. 

Le CRE-Montréal évalue qu’un véhicule en autopartage élimine dix véhicules d’auto-solo sur les routes (et dans les espaces de stationnement). Les voitures en autopartage sont également utilisées plus souvent que les véhicules personnels – 43% du temps comparativement à 5%.  

«C’est un bon moyen d’utiliser moins d’espace sans trop changer notre mobilité», précise-t-il. 

Photo Agence QMI, Mario Beauregard
Photo Agence QMI, Mario Beauregard

Encore faut-il que le service soit facilement accessible aux utilisateurs. Dans les périodes de pointe, comme l’été et le temps des Fêtes, de nombreux abonnés de Communauto se plaignent du faible nombre de voitures disponibles. 

Le service a connu une hausse de 30% du nombre d’abonnés entre 2021 et 2022, avait confié Marco Viviani, vice-président de Communauto, en entrevue à 24 heures en novembre 2022.  

En mai dernier, l’entreprise s’est entendue avec la Ville de Montréal pour mener un projet-pilote permettant d’ajouter 90 «stations-zones» dans 10 arrondissements et de mettre en circulation 885 véhicules supplémentaires, pour un total de 3700 véhicules dans la région. 

Le CRE-Montréal suggère également d’assouplir la règlementation et la tarification en matière de stationnement pour les services d’autopartage afin d’inciter les citoyens à les utiliser. 

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