Après une période pénible, Julie Drolet tourne la page sur sa chimiothérapie
Pierre-Luc Houle
Julie Drolet, bien connue du public comme journaliste à RDI, a partagé une nouvelle empreinte d’émotion et d’espoir cette semaine: elle a officiellement terminé sa chimiothérapie. Une étape marquante dans le long combat qu’elle mène depuis plusieurs mois contre un cancer du sein très agressif.
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Absente des ondes depuis un certain temps, Julie Drolet avait brisé le silence en janvier dernier, dans une publication poignante où elle expliquait les raisons de son retrait. Elle révélait alors avoir besoin de toute son énergie pour faire face à la maladie et se concentrer sur sa guérison.
Plus récemment, elle était de passage à l’émission de radio de Pénélope McQuade, où elle avait confié revenir à Radio-Canada dans un tout autre contexte, avec un mélange d’émotions difficile à décrire. Elle y avait aussi dévoilé la gravité de son diagnostic: un cancer «très agressif», «qui se traite mal», selon ses propres mots.
Le 6 mai, sur sa page Facebook, Julie a publié un message lumineux, annonçant qu’elle pourra enfin sonner la célèbre cloche dorée, une tradition pour souligner la fin des traitements. Ce geste marque un tournant important pour tant de patients et pour Julie, c’est le début d’un nouveau chapitre.
Voici ce qu’elle a partagé:
«Dernière chimio aujourd'hui, je vais pouvoir sonner la cloche dorée pour souligner ça!
(Tradition, semble-t-il, dans les départements de chimio.)
--------------- DING! DONG! DING! -------------
Mise à jour: j'ai sonné la cloche avec énergie! J'étais très émue. Prête pour la suite dans quelques semaines: l'opération!
C'est une grosse étape, la fin de la chimio. Quand on la commence, on n'a aucune idée de la profondeur du lac dans lequel on vient de plonger. Ç'a été de vraies montagnes russes. Il y a eu des moments éprouvants. Il y a eu aussi des moments où ça allait bien.
Mais cette série de chimio que je viens de terminer était dure. Elle s'appelle Red devil, ou Doxorubicin. Une chimio ancienne, très efficace, mais jamais encore on n'a réussi à la remplacer par une version moins toxique. Dans mon cas, c'est la fatigue terrassante qui a été le pire. C'est très déstabilisant de ne pas avoir d'énergie même après une nuit de sommeil, de devoir faire une sieste après une courte marche. Une fois que j'utilise l'énergie du moment, je la brûle et il n'en reste plus. Je dois recharger ma pile et retourner me coucher. Pour la travaillante que je suis, c'est toute une claque!
Je vais avoir cette forte fatigue pendant encore quelques semaines, mais ensuite, je vais enfin pouvoir me retrouver!
Retrouver mon énergie et la liberté de vivre mes journées au complet, bâtir des projets. Pouvoir m'entraîner, me dépenser! Lire sans m'endormir après une page. Regarder un film et me rendre jusqu'à la fin.
Retrouver mon identité personnelle, mon image corporelle, avec le retour de mon apparence: des cheveux, des cils, des sourcils.
Retrouver ma taille: certains des médicaments font prendre du poids, je dois perdre des kilos pour rentrer à nouveau dans mon linge. Le bien-être de récupérer mon corps.
Retrouver mon système immunitaire; aller sans crainte dans des lieux publics: théâtre, cinéma, restos. Inviter des amis.
Ah! Et passer du temps avec mes deux petites-filles sans craindre leurs rhumes et leurs petits virus! Je vais rattraper le temps perdu avec elles.
Retrouver ma capacité de me projeter à long terme: j'ai été dans le très court terme depuis novembre. J'ai gardé le focus sur les traitements. C'était une fois par semaine pendant les 12 premières semaines. Ensuite, c'est passé aux trois semaines avec la nouvelle chimio plus dure, et ça a duré presque quatre mois. Je dois donc ajuster ma “vision” à plus long terme. Me donner le droit de penser à ce qui va arriver après l'opération et la radiothérapie qui suivront cet été. Ça fait aussi partie de la réhabilitation: voir plus loin. Se voir en vie à long terme. Ça inclut de me voir retourner au travail, reprendre mon identité professionnelle.
Tout cela laisse une marque profonde. J'en mesurerai la taille avec le temps. Je vais avoir besoin de réapprendre la légèreté, retrouver un peu d'insouciance. Je sais que je vais quand même cohabiter avec l'idée de ma mortalité. Une fois que tous les traitements seront terminés (il me reste de l'immunothérapie pendant plusieurs mois) et que toutes les étapes suivant l'opération seront complétées, je vais rentrer dans les cycles des suivis. Et du suspense. Est-ce que le cancer revient? Est-ce qu'il me laisse tranquille?
Plusieurs personnes qui ont eu des cancers ont eu la générosité de me raconter leur histoire. Il y a tant de cas différents, tant de scénarios. Des histoires de récidives, d'apparition de nouveaux cancers qui viennent s'ajouter au premier. Des histoires aussi de rémission qui tiennent le coup et de cancer qui devient un souvenir loin derrière. J'en retiens que même ceux qui avaient des diagnostics terribles peuvent survivre pendant de belles années et en profiter, que même ceux qui se savent en fin de vie trouvent la force de savourer les derniers mois avec sérénité. Mais surtout, tous ont touché à l'essentiel pendant leur expérience de la maladie, l'essentiel pour eux. On se dépouille du superflu, on examine et on remet en question tout ce qui remplissait notre vie avant, on se demande qui on est sans notre identité professionnelle. On se questionne sur ce qui compte quand tout nous échappe.
Mais une chose me semble sûre: une fois qu'on a trouvé nos réponses, on doit faire des choix pour rester en cohérence avec nos valeurs. On ne veut pas gaspiller le temps qui reste, ce temps précieux gagné de haute lutte à coup de chimios, de radiothérapies et de chirurgie. On a laissé des bouts de nous-même en chemin. Il y a souvent des séquelles. Mais la vie est là. Elle est précieuse, nous sommes privilégiés d'avoir eu la chance d'être traités et de pouvoir ajouter du temps à un parcours de vie qui aurait été plus court autrement.
Je suis pleine de gratitude pour le personnel médical qui m'a accompagnée, particulièrement ces merveilleuses infirmières dévouées du département de chimiothérapie. Elles installent une ambiance de douceur, de bienveillance, se réjouissent avec nous à chaque petite victoire, nous conseillent quand il y a des pépins. J'ai été traitée en français dans un hôpital universitaire anglophone, avec beaucoup de respect. Merci du fond du cœur.
Et merci pour chaque manifestation de solidarité et d'encouragement. J'ai lu chacun de vos mots. J'ai essayé d'y répondre, même si, parfois, je devais remettre à plus tard en raison de la fatigue ou quand je me sentais submergée.
Chaque mot est une petite poussée vers l'avant, faite avec tendresse. Ça me donne un vent dans le dos qui aide à avancer quand la pente est abrupte.
Merci pour cet élan précieux.»
Nous lui souhaitons beaucoup de douceur.