Après son premier grand rôle au cinéma, Karine Gonthier-Hyndman est prête à relever le défi d'une quotidienne
Deux femmes en or est présentement en salle
Alicia Bélanger-Bolduc
Karine Gonthier-Hyndman connaît une ascension remarquable depuis quelques années. Après avoir décroché son premier grand rôle au cinéma dans Deux femmes en or, elle s’apprête à briller dans la nouvelle quotidienne de Radio-Canada, Antigang. Une preuve de plus que sa carrière ne fait que commencer, portée par un talent aussi authentique que prometteur.
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Ton personnage de Florence est particulièrement nuancé. Y a-t-il des aspects de sa personnalité dans lesquels tu t’es reconnue?
Quand je suis anxieuse ou que je vis quelque chose d’important, ça se manifeste plus physiquement avant de me toucher mentalement. Il y a quelque chose d'animal, d'impulsif, qui se passe chez Florence et qui va se transposer du même coup sur Violette (Laurence Leboeuf). Nous sommes dans une époque où tout va vite et dans une société de performance qui nous impacte plus qu’on le pense. C'est facile de s'enliser dans un quotidien où on devient déconnecté de soi, de nos envies, de nos besoins. C'est dans ces aspects que je pouvais me reconnaître. Je pense qu'à l'aube de la quarantaine, je me posais des questions à cet égard. La facette de la liberté résonnait aussi beaucoup en moi. J’ai compris qu’elle venait de la possibilité de dire non, et c’est dur de s’avouer ce genre de choses.
La signification de la liberté est en effet très présente dans le film. L’actrice s’est-elle sentie libérée en jouant un tel personnage?
J’ai dû y réfléchir longuement pour m’y rendre. Il a fallu que je m’affranchisse des «qu’en-dira-t-on» et de mon propre regard sur moi-même. J’avais très envie d’arriver sur le plateau de manière libérée, de ne pas être en train de me juger et d’accepter que les gens voient des aspects de moi que je n’aime pas. C’est utopique de penser que j’aimerais toutes les facettes de mon corps et de mon jeu, mais je peux dire que je suis contente du travail que j’ai accompli.

Ce film était bien avant-gardiste à sa sortie, il y a plus de 50 ans. Pourquoi la version de 2025 était-elle importante, selon toi?
Je crois qu’en 1970, on a perdu le cap de l’histoire, parce que la nudité a pris le dessus sur tout le reste. On a oublié que c’était très téméraire d’illustrer deux femmes se libérant des mœurs en place et affirmant leurs envies. Je pense que la réalisatrice, Chloé Robichaud, avait le désir de lui redonner ses lettres de noblesse. Ce qui est intéressant, c’est de s’apercevoir qu’on n’a pas vraiment changé... On est encore très peu habitués de voir à l'écran des femmes libres, faire comme elles l’entendent et jouir de la vie sous toutes ses formes! Dans l’inconscient collectif, on est prêts à regarder des hommes tromper leurs femmes et quitter leurs familles, personne ne se pose trop de questions. Le fait qu’on inverse les rôles choque, et ça dit quelque chose sur notre société. Il y a bien évidemment eu des avancées dans les 50 dernières années, mais il reste de la place pour ces discussions dans la sphère publique.
Est-ce que la sororité entre femmes présentée dans le film s’est transposée sur le plateau?
Je pense que pour Chloé, c’était important de constituer une équipe principalement féminine, surtout pour les chefs de départements. Ça m’a vraiment aidée à me sentir en confiance et à me laisser aller. On a aussi eu de belles discussions en amont avec Chloé, Laurence, la directrice photo, Sarah Mishara, et moi. On a pu évoquer ce que l’œuvre représentait pour nous, comment on percevait la nudité, où on était prêtes à aller et où étaient nos limites. Je n’aurais pu demander mieux dans la compréhension que ce genre de rôle comporte. Ce sentiment de sororité s’est poursuivi après le film, puisqu’on continue à aller manger ensemble et à avoir des conversations qui sont drôles et profondes. On a développé un lien d’amitié qui se poursuivra, j’en suis sûre.
Cet aspect de grande fraternité est-il aussi présent dans ta vie personnelle?
Je suis quelqu’un d’assez grégaire, j’aime être en communauté et entourée de femmes. J’apprécie également être avec des hommes, mais j’affectionne particulièrement les femmes: je les trouve drôles, intelligentes, et j’aime ce genre d’univers. J’ai adoré que la scénariste, Catherine Léger, ait créé un bon équilibre entre les personnages masculins et féminins. On s’adresse à un public très large, où tout le monde pourra se retrouver. On part tous sur un pied d’égalité.

À tes débuts, tu as fait du doublage de films pornographiques. Cette expérience t’a-t-elle aidée à être plus décomplexée dans certaines scènes?
Ah non, il n’y a aucun lien, c’est tellement différent! (rires) Je travaillais avec mes amis et, pour nous, c’était une blague. On ne se prenait pas au sérieux. Il y avait cet aspect d’anonymat qu’on ne retrouve pas dans le film. C’est vraiment la première fois que je fais des scènes de sexe ou de nudité d’une telle façon. Dans les séquences de sexe, on demeure habillé, mais les défis restent dans l’abandon, la sensualité, le désir et l’état de la respiration. Dans les scènes de nudité, il faut accepter que nos corps ne soient pas magnifiés, qu’ils soient plus crus et frontaux, désensibilisés, quelque part. C’était donc un défi de me laisser aller dans des scènes où je n’étais pas super à l’aise. Avec le doublage, je n’ai jamais ressenti cette gêne, puisque je ne faisais que prêter ma voix.
Ce film est ton premier grand rôle au cinéma, mais tu as joué dans de très belles productions dernièrement. À quoi attribues-tu ton succès?
J'ai eu beaucoup de chance d'être appelée à faire des séries qui étaient différentes, qui avaient une singularité, une belle distribution et qui ont été bien reçues par le public. Mais je dirais que la force des projets que j'ai faits, de mon point de vue, résidait dans l’écriture. J’ai été choyée dans les dernières années et c’est sûrement pour cette raison que le film s’inscrivait bien dans mon parcours.
Comment as-tu su que Deux femmes en or était fait pour toi?
J’ai appelé mon agence dès que j’ai fini le scénario! On ne se cachera pas que beaucoup d’actrices voulaient faire partie du projet, mais je le sentais très fort en moi. Quand j’ai fait ma première audition, j’ai fait une proposition que Chloé n’a pas aimée. Elle m’a dit de l’interpréter plus simplement et plus proche de moi. C’est toujours un beau défi pour une comédienne, mais je ne savais pas trop comment le faire. Jouer un quotidien, c’est dur de s’y abandonner, on a l’impression qu’on n’est pas attrayante. C’est une leçon qu’on apprend sur le tard.
Tu as aussi une passion pour la photographie. Est-ce qu’être derrière la caméra pour de la réalisation est un désir pour toi?
Je trouve qu'en général, on n'est pas assez entourés de beauté. C'est pour ça que je m'intéresse aussi à l'architecture. Pendant huit ans, je ne travaillais pas, mais je trouvais quand même le moyen de dénicher de l’esthétisme et de la lumière dans tout. La beauté n'est pas que financière, ça jaillit de partout et de nulle part. Je pense que la photo en fait partie. Je ne sais pas par quel chemin je dois le prendre, mais j'ai un désir profond de raconter des histoires. Je suis un cours de scénarisation en ce moment. J'ai un plaisir fou à laisser aller ma créativité. Quand on joue, on est au service d'une œuvre, mais cette fois-ci, c’est mon imagination qui mène. Je ne sais pas si j’en sortirai quelque chose de concret, mais j’aime explorer les possibilités.

Qu’est-ce qui t’occupera dans les prochains mois?
Je peux enfin le dire: je fais partie de la nouvelle quotidienne de Radio-Canada, Antigang. J’interpréterai la sergente détective Caroline Daigneault. Nous commençons les tournages sous peu et ça sera en ondes dès le 8 septembre. Je suis habituée à travailler à un rythme qui peut être assez rapide et je suis donc prête pour le défi. Ça fait des mois que je suis en congé et j’aime être complètement intégrée dans une histoire, je ne pourrais donc pas demander mieux.