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L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

Affaire Brian Paré: les dessous d’une folie incendiaire inédite

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Photo portrait de Vincent Desbiens

Vincent Desbiens

2024-01-26T16:30:00Z
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CHIBOUGAMAU | L’été dernier, l’incendiaire Brian Paré, de Chibougamau, a semé l’émoi dans le Nord-du-Québec en allumant pas moins de 14 incendies criminels entre le 29 mai et le 5 septembre. Il est à l’origine du feu 213, soit celui qui a forcé l’évacuation de centaines de résidents de la municipalité de Chapais. Le Journal a pris la route pour mieux comprendre ce qui se cache derrière les quelque 900 hectares de dévastation causée par l’homme de 38 ans et pour constater les traces laissées par ces gestes sur une population qui vit en grande partie de la forêt qui l’entoure. 

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1- Un cas unique au Canada

Les procureures du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) Marie-Philippe Charron et Marianne Girard soutiennent que le dossier de Brian Paré fera jurisprudence, puisqu’il s’agit d’un cas unique dans l’histoire du Québec, voire du Canada. «On a fait des recherches pour savoir sur quoi baser notre suggestion de peine, mais c’est un cas qui n’a aucune commune mesure au pays», fait valoir Me Girard. Elle et sa collègue soulignent que jamais quelqu’un n’a «menacé aussi concrètement la vie, au point de nécessiter l’évacuation d’une ville» avec un incendie. Les 14 brasiers allumés par Paré, dont la majorité en pleine sécheresse, sont aussi une première dans la province.

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Un incendie entre Chibougamau et Chapais vu des airs, depuis un appareil de la SOPFEU.
Un incendie entre Chibougamau et Chapais vu des airs, depuis un appareil de la SOPFEU. Photo tirée du Facebook de la SOPFEU

 

  • Écoutez le segment Tout savoir en 24 minutes avec Alexandre Moranville et Mario Dumont via QUB :

2- Un rapport présentenciel crucial

Lorsque Brian Paré a plaidé coupable le 15 janvier dernier, son avocat et la Couronne ont demandé la production d’un rapport présentenciel qui porte sur deux volets: la santé psychiatrique de l’accusé et le risque qu’il représente pour la société. L’analyse doit être déposée le 22 avril prochain devant la cour. Bien que de possibles troubles cognitifs «pourraient peser dans la balance de la justice», Me Charron du DPCP rappelle que l’avocat de la défense, Me Jean Girard, avait demandé une évaluation psychiatrique de son client pendant l’enquête sur remise en liberté, en septembre. Ce dernier avait été jugé apte à subir son procès, puisqu’il distinguait le bien du mal au moment des faits qui lui sont reprochés. La couronne a confirmé au Journal que sa suggestion de peine «devrait être sévère», notamment parce que Paré a des antécédents judiciaires, mais qu’elle demeure ouverte à s’entendre avec la partie adverse en fonction du contenu du rapport présentenciel.

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Vincent Desbiens
Vincent Desbiens
3- Des indices qui ne laissent aucun doute

Lors de son passage au palais de justice de Chibougamau, Le Journal a pu consulter certaines demandes de mandats effectuées par la Sûreté du Québec (SQ) dans cette affaire. Ces documents, qui sont restés confidentiels jusqu’à ce que Brian Paré admette sa culpabilité, contiennent un résumé détaillé de toutes les étapes de l’enquête. On y apprend entre autres que les policiers ont pu confirmer la thèse voulant qu’un incendiaire soit à l’origine de nombreux brasiers grâce à des traces d’accélérant laissées sur une majorité des scènes de crime. Sur les lieux des feux 227 et 228 survenus le 1er juin, la SQ a trouvé «deux bouteilles de butane et des morceaux de bois et de plastique au pied d’un arbre», comme indiqué dans la section «modus operandi» du rapport. Ces mêmes objets ont aussi été repérés un peu plus au nord lors d’un troisième incendie survenu le même jour près de l’aéroport de Chibougamau-Chapais et à une autre occasion, le 5 juillet.

Des bouteilles de butane de marque «Martin» comme celle-ci ont été retrouvées sur les lieux du crime à plusieurs reprises.
Des bouteilles de butane de marque «Martin» comme celle-ci ont été retrouvées sur les lieux du crime à plusieurs reprises. Photo tirée du site web de BMR
4- Pris la main dans le sac

Les cinq incendies qui se sont déclarés en deux jours le 31 mai et le 1er juin ont mis la puce à l’oreille des policiers par rapport à leur origine criminelle. Lors d’un interrogatoire avec la SQ, le lieutenant du Service incendie de la Ville de Chapais, Philippe Robichaud, a émis des doutes par rapport au fait que la foudre soit derrière ces nombreux feux. Selon le rapport de police, les responsables de la SOPFEU déclarent que «c’est du jamais vu», autant de brasiers en si peu de temps. Au fil des rencontres avec des témoins et de la découverte d’indices, les enquêteurs ont commencé à resserrer l’étau sur un homme qui a été aperçu à plusieurs reprises près des foyers d’incendie: Brian Paré. Après une rencontre avec la police pour qu’il explique ses allées et venues, l’homme de 38 ans est identifié comme principal suspect. Avec l’aide de l’unité de cybercriminalité, d’une psychologue judiciaire et d’un profileur, la SQ a analysé les réseaux sociaux de leur cible, pour déterminer si son profil correspondait à celui d’un incendiaire. Puisque les preuves contre Paré étaient accablantes et nombreuses, les policiers ont obtenu l’autorisation d’installer une balise GPS sur le véhicule du suspect, le 16 août. Le 1er et le 5 septembre, sa voiture a été géolocalisée sur les lieux de deux foyers d’incendie distincts.

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C’est au poste de commandement de la Sûreté du Québec à Chibougamau que Brian Paré a admis avoir allumé 9 incendies, à la suite de son arrestation, le 7 septembre 2023. Quelques semaines plus tard, il en a avoué 5 autres. Photo Le Journal de Québec Vincent Desbiens
C’est au poste de commandement de la Sûreté du Québec à Chibougamau que Brian Paré a admis avoir allumé 9 incendies, à la suite de son arrestation, le 7 septembre 2023. Quelques semaines plus tard, il en a avoué 5 autres. Photo Le Journal de Québec Vincent Desbiens Vincent Desbiens
5- Un véhicule reconnaissable entre mille 

Selon le rapport d’enquête, tous les témoins rencontrés par la Sûreté du Québec ont rapporté la même information. Dans les minutes qui ont suivi le début d’un incendie, ils disent avoir aperçu un véhicule Mazda noir... avec un gyrophare sur le toit. L’ancien collègue de Brian Paré chez Entretien industriel Éco, Éric Asselin, soutient que la voiture de son confrère est «reconnaissable entre mille», grâce à son immense feu clignotant jaune sur le toit et aux autocollants sur lesquels on peut lire «Liberté», «Freedom» apposés sur le pare-brise. Presque toutes les fois où il a été vu, Paré était vêtu d’un dossard de chasse orange qu’il portait très régulièrement. Lorsqu’il a commis ses crimes, il était souvent accompagné de sa chienne. C’est un autre indice qui a permis de relier tous les évènements ensemble.

C’est le véhicule de Brian Paré, reconnaissable à son gyrophare orange sur le toit, qui a permis à de nombreux témoins d’identifier l’individu qui était derrière 14 incendies criminels, entre le 29 mai et le 5 septembre 2023. Photo tirée du Facebook de Brian Paré
C’est le véhicule de Brian Paré, reconnaissable à son gyrophare orange sur le toit, qui a permis à de nombreux témoins d’identifier l’individu qui était derrière 14 incendies criminels, entre le 29 mai et le 5 septembre 2023. Photo tirée du Facebook de Brian Paré Photo tirée du Facebook de Brian Paré

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