5 gardiens pour 1 migrant: Ottawa donne un contrat de 26 M$ à Garda au Centre de surveillance de l’immigration à Laval
À la mi-juin, il n’y avait que neuf détenus jugés à haut risque pour une quarantaine d’agents de détention

Nora T. Lamontagne
Ottawa versera 26 millions $ à la firme Garda pour surveiller des migrants jugés «à haut risque» incarcérés au Québec... même s’ils ne sont que neuf à l’heure actuelle.
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Un récent appel d’offres permet de lever le voile sur les coûteux besoins en surveillance et en transport pour ces détenus au Centre de surveillance de l’immigration (CSI) de Laval.
L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) y écrit qu'elle recherche au moins 40 employés d’une agence de sécurité privée pour l’assister «dans la garde et le contrôle de ses clients détenus à haut risque», jour et nuit.
Le nombre d’agents requis par le fédéral reste inchangé même s’il y a très peu de détenus.
C’est dire que chacun des neuf détenus jugés à haut risque incarcérés à Laval à la mi-juin était surveillé par cinq agents de Garda, du matin au soir.
Le contrat finalement attribué à la firme en mars s’étend sur un an et s’élève à 26 089 003$. Cela représente environ 135 000$ de fonds publics par poste, selon nos estimations.
Sur son site web, Garda cherche actuellement à engager des agents de détention «à partir de 29,89$ de l’heure», soit environ 62 000$ par année.
L’ASFC justifie le nombre de gardiens demandés en évoquant le nombre total de détenus à haut risque qui pourraient théoriquement être incarcérés dans l’établissement de Laval.
«Le contrat correspond à la recommandation d’avoir un ratio de 1:2 pour les gardiens et les détenus à risque élevé», écrit une porte-parole du ministère en réponse à nos questions.
• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission de Isabelle Perron, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
De plus en plus présents
Garda est présente depuis des années au Centre de surveillance de Laval, où ses effectifs sont bien plus nombreux que ceux de l’ASFC.
Le géant québécois de la sécurité y a notamment remplacé l’agence privée Neptune en 2023, après plusieurs manquements sérieux de cette dernière, selon ce qu’a rapporté Radio-Canada.
Le Syndicat des douanes et de l’immigration voit d’un mauvais œil le réflexe du fédéral de se tourner vers la main-d’œuvre contractuelle.
«Ce sont nos agents des services frontaliers qui sont les mieux formés pour appliquer la loi et avoir recours à la force, au besoin», soutient Yanniv Waknine, l’un des vice-présidents du Syndicat.
Il évoque la fuite, en décembre dernier, de trois détenus chiliens qui ont échappé à la vigilance des employés du Centre de l’immigration, dont de nombreux agents de Garda.
Un grand pouvoir
Les tâches des agents de détention de Garda pour les détenus à haut risque sont de remplir des rapports d’intervention à leur sujet, d’effectuer des fouilles, et de les menotter, selon l’appel d’offres.
Que le gouvernement délègue ces responsabilités à une compagnie privée inquiète l’Observatoire pour la justice migrante.
«Ils ont énormément de pouvoir coercitif sur les détenus», souligne la directrice, Amel Zaazaa, en entrevue.
«Dans l’appel d’offres, on voit bien que le gouvernement veut mettre une distance et précise que Garda World sera responsable s’il y a des abus», ajoute Meritxell Abellan Almenara, chercheuse associée à l’Observatoire.
Déménagement imprévu
La récente décision des provinces de ne plus détenir des migrants dans leurs prisons force le fédéral à rénover ses trois centres de surveillance de l’immigration (CSI), dont celui de Laval, «afin d’héberger les détenus à risque élevé».
Entre-temps, certains de ces détenus seront transférés dans une aile de la prison fédérale de Sainte-Anne-des-Plaines.
Environ 200 migrants sont incarcérés au Canada à n’importe quel jour donné. Cela peut être en attendant de pouvoir établir leur identité parce qu’on soupçonne qu’ils ne se présenteront pas à un rendez-vous comme une audience ou une procédure menant à leur renvoi, ou encore parce qu’ils représentent un danger pour la sécurité publique.
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