3e lien sans autos: des maires et gens d’affaires de la Rive-Sud en beau fusil
Jean-Luc Lavallée | Journal de Québec
La colère gronde sur la Rive-Sud de Québec. Des maires et gens d’affaires qui militent pour un troisième lien depuis près de 10 ans, ne digèrent pas la volte-face de la CAQ qui abandonne la composante automobile du projet et sa base électorale.
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Nos révélations d’hier, confirmées par le gouvernement Legault mercredi matin, ont eu l’effet d’une bombe dans Chaudière-Appalaches.
«Je ne vous dirai pas dans mes mots personnels ce que j’en pense... Je suis en beau joual vert! C’est décevant. Ils nous ont fait des promesses électorales puis ça ne vaut pas plus qu’une promesse d’ivrogne. La CAQ, ils vont prendre une "drop". C’est ça qui va se passer», a réagi le préfet de la MRC de Bellechasse, Yvon Dumont, maire de la municipalité de La Durantaye, située à 30 minutes des ponts.
«J’ai rencontré M. Legault l’an passé et il nous disait: "Soyez sans crainte, on va s’occuper de vous"», rappelle-t-il, visiblement animé par un sentiment de trahison. «Le gouvernement du Québec, est-ce qu’il a une vision d’avenir pour les transports? C’est bien beau le transport collectif mais ça donne quoi aux régions? Qu’est-ce qui va se passer quand le pont de Québec va tomber ou qu’il ne sera plus carrossable? Ils vont construire un troisième pont à côté? Voyons donc», s’insurge-t-il au bout du fil.
Le Journal a également joint le maire de Beaumont, David Christopher, qui est présentement à l’étranger. «Tu me l’apprends. Wow... non, non, non. ça ne marche pas! Ce n’est pas des bonnes nouvelles. C’est triste pareil. Je suis très déçu de ce qui se passe», a-t-il réagi à chaud.
Lehouillier réagira jeudi
La réaction du maire de Lévis Gilles Lehouillier, l’un des plus ardents défenseurs du projet de troisième lien sur la place publique depuis des années, se fera toutefois attendre jusqu’à jeudi.
M. Lehouillier devait rencontrer la presse en matinée, lors du dévoilement des maquettes d’un futur complexe santé à Lévis, mais il s’est désisté afin d’éviter que sa présence fasse ombrage aux organisateurs de l’évènement, nous a expliqué son attaché de presse. Il réagira donc jeudi, après l’annonce officielle de la ministre Geneviève Guilbault.
Chambre de commerce
À la Chambre de commerce lévisienne, qui a ramené ce vieux projet à l’avant-plan dans l’actualité en 2014, le téléphone ne dérougissait pas mercredi matin. Le choc de la veille n’avait pas encore été encaissé. L’incrédulité régnait.
«On est peu décontenancés, surpris... Surtout que ce que j’entendais sur le terrain récemment, ce n’était pas ça. Le transport de personnes (en voiture) était encore là et c’est important cette composante-là. Quand on apprend dans les médias que ce n’est plus là, ça ne fonctionne pas de notre côté», a réagi la pdg de la Chambre de commerce et d’industrie du Grand Lévis, Marie-Josée Morency.
«On en parle depuis 1950, ce n’est pas une farce ! Moi, je vais attendre l’annonce officielle. Il va falloir comprendre. On est en croissance à Lévis. Il y a de l’effervescence, on a de plus en plus d’entreprises manufacturières qui ont besoin d’avoir leur main-d’œuvre sur place. Les chambres de commerces veulent se mobiliser», a-t-elle renchéri, disant douter des effets à long terme du télétravail sur la circulation.
«Il faut qu’on ait des réponses demain. La mobilisation va se faire. On a besoin, depuis trop longtemps, de ce lien routier là», a-t-elle insisté.
- Écoutez l'entrevue avec Gilles Lehouillier, maire de Lévis à l’émission de Philippe-Vincent Foisy via QUB radio :
Repensons Lévis se rallie
Sur la scène politique locale, dans Chaudière-Appalaches, seul le chef du parti d’opposition Repensons Lévis, Elhadji Mamadou Diarra, semblait déjà se ranger derrière le gouvernement Legault, bien qu’il se soit toujours en faveur d’un 3e lien avec une composante autoroutière.
«Cette mouture atténue plusieurs incertitudes qui entouraient la réalisation du projet, dont le financement fédéral (...) Je crois qu’il s’agit d’un moment où nous devons regarder de l’avant avec un projet mobilisateur qui respectera la capacité de payer des contribuables. Nous avons hâte de voir ce jeudi les études qui viennent soutenir cette décision du gouvernement», a-t-il déclaré sur Twitter.
En 2021, M. Mamadou Diarra disait pourtant croire aux vertus écologiques du projet – comprenant des voitures et des camions – et estimait qu’il était compatible avec son discours axé sur l’environnement, contrairement à l’un de ses candidats (l’actuel élu Serge Bonin) qui avait manifesté son désaccord envers le projet reliant les deux centres-villles avant de se rallier à son chef.