20 000$ d’amende: Jeune proprio condamné pour avoir expulsé illégalement sa locataire de 77 ans
Elle a été évincée alors que son fils venait d’être hospitalisé pour une leucémie


Francis Pilon
La famille d’une Québécoise de 77 ans expulsée illégalement de son logement, en Estrie, invite Québec à protéger davantage ses locataires après avoir gagné en cour contre un jeune propriétaire condamné à lui verser 20 000$.
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«Ç’a été un énorme bouleversement pour maman. Elle habitait dans son logement depuis plus de 20 ans et il n’avait pas le droit de l’expulser comme ça», soupire Sylvain Simard, en entrevue avec Le Journal.

Sa mère, Bernadette Gatien, a été contrainte en septembre 2022 de signer un document la forçant à quitter le mois suivant son appartement à Sherbrooke. Elle venait tout juste d’apprendre que son fils était hospitalisé pour une leucémie.
Son propriétaire de 25 ans, Olivier Jacques, du village de La Guadeloupe dans la région de Chaudière-Appalaches, a même envoyé deux hommes pour «forcer» la septuagénaire à déguerpir de son immeuble.

«Le préjudice causé à la locataire est important. Elle doit se reloger rapidement, en pleine crise du logement, avec des revenus modestes, alors même que l’un de ses fils est malade. La gravité des gestes causés par le locateur est augmentée par la vulnérabilité de la locataire», déplore la juge Mélanie Marois, dans une décision rendue récemment au Tribunal administratif du logement (TAL).
«On a des bras pour ça»
Sylvain Simard est rapidement venu lui porter secours durant cette visite surprise. Il a tenté d’argumenter avec les deux inconnus chez sa mère, qui ont refusé de s'identifier. Dans le jugement du TAL, le fils raconte aussi avoir demandé aux hommes quels sont les recours de Bernadette Gatien si elle refuse de quitter son appartement.
«Ils lui répondent: “on a des bras pour ça”. [...] En obtenant le départ de la locataire de la manière qu’il le fait, Olivier Jacques agit de mauvaise foi, en déni de la loi et des droits de la locataire», note l'honorable Mélanie Marois.

Cette dernière rappelle que la loi québécoise interdit aux propriétaires immobiliers d’expulser des locataires de 70 ans et plus s'ils habitent dans le logement depuis plus de dix ans et qu'ils ont de faibles revenus.
«Le défaut de l’informer de ses droits empêche cette dernière de donner un consentement valable à son éviction. [...] Il la prive de sa demeure et il bafoue ses droits, intentionnellement, pour rentabiliser son immeuble. Si cet objectif n’est pas mal en soi, la façon d’y parvenir l’est», déplore la juge.
20 000$ d’amende
M. Simard a donc décidé d’épauler sa mère et de poursuivre Olivier Jacques. Il a réclamé des dommages punitifs de 20 000$ pour éviction de mauvaise foi.
Notons que M. Jacques, qui a acheté en 2022 l’immeuble où vivait Bernadette Gatien, ne s’est même pas présenté à l’audience où il a été condamné.

«Le Tribunal juge appropriée la somme demandée de 20 000$. Les propriétaires doivent comprendre que de bafouer les droits des locataires n’est pas un choix payant», conclut la juge.
Urgence d’agir
En entrevue avec Le Journal, Sylvain Simard souhaite que le cas de sa mère puisse convaincre le gouvernement du Québec de renforcer les droits des locataires.
«C’est inquiétant tout ce qu’il se passe avec le projet de loi 31, mais je suis convaincu qu’on va trouver une solution pour mieux protéger les locataires et leur loyer dans le futur. Sinon, on demeure assez démunis ou peut-être même dans la rue», laisse-t-il tomber.
Olivier Jacques, qui se décrit sur LinkedIn comme un investisseur immobilier et directeur de funérailles au sein de l’entreprise Jacques et Frères inc., n’a pas répondu à nos demandes d’entrevue.
Pour lire le jugement complet du Tribunal administratif du logement, c'est par ici:
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