Volé, violé et laissé pour mort: Puerto Vallarta devenu l’enfer d’un Québécois

Vincent Desbiens
Un Québécois expatrié au Mexique vit un véritable cauchemar depuis la fin du mois de mars. Sa vie a été complètement chamboulée après qu’il s'est fait voler, battre, violer et laisser pour mort par un groupe de criminels de Puerto Vallarta.
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Après cinq ans dans la région de Jalisco, Patrick Larochelle avait ses habitudes et son quotidien au centre-ville de Puerto Vallarta. Il y habitait dans un appartement avec son conjoint, Enrique Muciño, depuis un an.

Par un bel après-midi, le 23 mars dernier, M. Larochelle s’est rendu dans un bar qu’il fréquentait régulièrement. C’est à cet endroit qu’il affirme avoir été drogué au GHB par des locaux.
«Jusqu'à 19 h, c’est très flou pour moi, raconte-t-il. Mon conjoint m’a expliqué qu’on s’était chicanés pour une niaiserie à mon retour du bar et que j’étais parti. Le problème, c’est que je ne vois rien dans le noir. Je ne peux pas sortir en soirée et je ne le fais jamais, même pas pour aller au dépanneur. Quand j’ai repris mes esprits, j’étais à un arrêt d’autobus et j’allais monter. C’est là que tout a basculé.»
Cauchemar éveillé
Un van s’est arrêté aux abords de la route. Dans un scénario digne d’un film, quatre hommes en sont sortis et ont tiré Patrick Larochelle dans le véhicule après qu'il se soit fait droguer, puis dépouiller au bar du coin, perdant son passeport, son ordinateur et son téléphone.
«Clairement, ils savaient ce qu’ils faisaient, parce qu’ils ont éteint la fonctionnalité de suivi de Google dans mon téléphone. Ils ont désactivé la localisation de mon ordinateur également. Ces gens-là étaient pas à leur premier enlèvement et ils avaient prévu leur coup.»
Les heures qui suivent, le natif de Palmarolle, en Abitibi, aimerait les oublier. Ses ravisseurs l’ont roué de coups avant d’avoir de multiples relations sexuelles non consentantes avec son corps ligoté pendant une bonne partie de la nuit. Un violent coup sur la tête l’a ensuite assommé.

«Je me suis réveillé parce que le sac poubelle dans lequel ils m’ont laissé collait sur mon visage quand je respirais, se souvient douloureusement Patrick Larochelle. J’étais totalement désemparé, j’avais mal à la tête et j’étais complètement nu au milieu de nulle part. Ils m’ont laissé pour mort et des fois, je me dis que j’aurais préféré l’être.»
Un phare dans la nuit
Environ une semaine après les événements qui ont marqué son esprit et son corps à vie, le Québécois de 47 ans a reçu un message curieux d’une Mexicaine. Dans l’échange qu’a pu consulter Le Journal, la dame affirme travailler au bar où tout a commencé et dit avoir en main toutes les possessions de M. Larochelle, photos à l’appui.

Inquiète pour son sort, dans le cas où elle se ferait prendre avec du matériel volé, la serveuse s’est fait tirer l’oreille pour rencontrer celui qu’elle souhaitait aider dans un endroit sécuritaire.
«Elle se sentait mal avec ce que des gens de son entourage ont fait et elle voulait m’aider. C’est une personne incroyable qui a fait preuve d’une grande empathie.»
La police a eu vent de l’échange qui se tramait et a procédé à l’arrestation de la jeune femme dans les jours suivants. Elle a finalement été relâchée un peu plus tard.
Depuis, Patrick Larochelle a quitté Puerto Vallarta pour une autre région avec son conjoint et le strict minimum dans leurs valises par crainte de représailles, sous la recommandation du consulat local du Canada. Sa famille et ses amis, morts d’inquiétude, le supplient de rentrer au pays. L’expatrié s’y refuse par amour pour l’homme «sans qui il ne serait plus là aujourd’hui».

«Enrique est mon ange gardien, soutient-il. Depuis ce qui m’est arrivé, il a mis sa passion, son travail d’architecte, de côté pour me venir en aide. C’est lui qui paie toutes nos dépenses, parce que je n’ai pas une cenne. Ça serait tellement plus simple, mais c’est l’homme de ma vie et je ne peux pas l’abandonner ici après tout ce qu’il a fait pour moi.»
«Un simulacre de justice»
Dans les heures qui ont suivi son enlèvement de 14 h, Patrick Larochelle a été rencontré par les enquêteurs de Fiscalia – la branche policière du procureur général de l’État du Mexique –, qui ont repris le dossier de la police municipale.
C’est son conjoint, Enrique Mucino, qui a signalé sa disparition dans la nuit du 23 au 24 mars. D’après un document officiel consulté par Le Journal, les autorités ont refusé de parler directement avec M. Larochelle pour faire avancer l’enquête, affirmant «qu’il doit subir une évaluation psychologique avant d’être considéré comme un témoin crédible».
«Le seul moment où j’ai pu leur parler, c’est quand ils m’ont fait passer un interrogatoire intimidant comme dans les films, raconte le Québécois. Ils me criaient après, tapaient sur la table et essayaient de me piéger. C’était une expérience traumatisante.»
Plus jamais la police d’État mexicaine n’a voulu faire affaire directement avec lui par la suite. Toute discussion en lien avec le dossier doit se faire par l’entremise de son conjoint, selon un autre formulaire officiel comportant le sceau de Fiscalia.
Contactées par Le Journal, les autorités mexicaines ont été avares de commentaires, se contentant de répondre que «l’enquête est toujours en cours».
Traversée du désert
Après avoir formulé la plainte officielle, Patrick Larochelle a demandé à voir un médecin légal le plus rapidement possible pour passer des tests sanguins pour déceler un potentiel VIH et confirmer qu’il a bel et bien été agressé sexuellement.
«Ils m’ont fait comprendre qu’il n’y avait pas de médecin légiste qualifié pour m’examiner dans la région avant plusieurs semaines. Je n’ai jamais été aussi inquiet de toute ma vie», souffle avec émotion celui qui réside au Mexique depuis cinq ans.
Ça aura pris plus de deux semaines avant qu’un médecin puisse l’examiner et lui prescrire un traitement post-exposition de 28 jours pour éviter qu’il ne contracte le sida.
Même après cette prescription, M. Larochelle n’a jamais eu le résultat du dépistage, ce qui lui a causé une angoisse sans nom pendant toute la durée du traitement. Il a enfin pu pousser un soupir de soulagement le 5 juin dernier quand il a été déclaré négatif.
«Je me sens revivre, c’est un poids énorme qui était sur nos épaules et, qu’on le veuille ou non, ça joue sur le couple aussi. Maintenant, je dois me remettre de tous ces événements-là et reprendre ma vie en main», conclut-il.
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