Voici comment Benoit McGinnis entrevoit son avenir
Il prend le relais de Denise Filiatrault à titre de directeur artistique du Théâtre du Rideau Vert.
Patrick Delisle-Crevier
Depuis plus de 10 ans, Benoit McGinnis rêvait secrètement de devenir un jour directeur artistique d’un théâtre. C’est maintenant chose faite: il entre en poste ces jours-ci au Théâtre du Rideau Vert! Il nous parle de ce défi qu’il s’apprête à relever et des changements qu’entraîne une telle responsabilité. Il nous entretient aussi de ses projets — entre autres, le tournage de la deuxième saison de la série Le retour d’Anna Brodeur et la rénovation de l’appartement où lui et son chum habitent depuis 10 ans — et de bien d’autres sujets.
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Benoit, au printemps, nous apprenions que tu allais prendre le relais de Denise Filiatrault à titre de directeur artistique du Théâtre du Rideau Vert. Où en es-tu dans tes nouvelles fonctions?
Ma préparation pour mon entrée en poste comme directeur artistique du Théâtre du Rideau Vert a commencé dès l’annonce du 8 mai. Au départ, je pensais entrer en fonction en septembre, après avoir pris l’été de congé. Mais finalement, ça ne s'est pas passé comme ça. Il y a beaucoup de préparation et de choses à régler, mais c’est fort excitant! J’ai passé la première partie de l’été à préparer ma première saison à moi, celle de 2026-2027. Ce n’est que l’an prochain, mais comme tout se fait à l’avance, d'ici Noël, il faut que toutes les pièces soient trouvées, que la distribution soit complétée et que nous ayons les droits en poche. Alors, mon été jusqu’à maintenant a consisté à fouiller pour trouver des pièces et à accueillir de belles propositions. Ce fut fort agréable.
Qu’est-ce que ça représente pour toi de devenir le directeur artistique d’un théâtre?
C’était dans ma liste de fantasmes! J’ai eu de très beaux rôles au théâtre et j’ai joué dans de belles séries. Je ne veux pas arrêter de jouer, mais je cherchais à évoluer dans mon métier en faisant autre chose. Je n’écris pas, je ne réalise pas non plus, mais j’ai le talent de rassembler les gens. L’idée de la direction artistique m’est venue il y a 10 ans. J’en avais parlé à l’époque à la directrice générale du Théâtre du Rideau Vert, Céline Marcotte, qui m’avait invité à devenir membre du conseil d'administration pour voir comment se passe la gestion d’un théâtre. Durant mes cinq ans au conseil, je trouvais que ça avait l'air le fun de faire la programmation d’un théâtre.
Pourquoi le Rideau Vert et non pas le TNM ou le Quat’Sous?
On annonçait beaucoup de changements dans les théâtres cette année. Pourtant, le Rideau Vert est le seul endroit où j'ai posé ma candidature. J’ai joué au Rideau Vert à quelques reprises et j’aime ce théâtre et sa programmation. Il est beau. J’aime aussi le fait qu’il y ait deux postes distincts: direction artistique et direction générale. Ainsi, je pourrais me consacrer uniquement au volet artistique. C’est le théâtre du peuple, le théâtre populaire, accessible tout en n’étant pas niaiseux. Je m’y reconnais et j’ai eu envie de postuler sans le dire à personne, sauf à mes parents et à mon conjoint.
Est-ce que ç’a été difficile de garder le secret?
Oui, mais j’ai réussi à ne pas en parler à aucun de mes amis. Le plus drôle, c’est que pendant le concours, après avoir postulé, je jouais au TNM dans Classique(s) et tout le monde discutait de qui allait prendre le relais à la direction artistique du Rideau Vert. Je ne voulais pas en parler pendant le long processus de sélection qui a duré quatre mois. J’en ai parlé à un mentor, René-Richard Cyr. J’ai voulu sonder son avis. Il m’a dit: «Fais-le, qu’est-ce que tu as à perdre?» Je l’ai annoncé à mes amis seulement la veille de l’annonce dans les médias.
On ne t’a donc pas offert le poste directement?
Non, c’était vraiment un concours. Il fallait suivre un processus, qui comprenait la remise de trois dossiers à différentes étapes, une présentation de sa vision du Rideau Vert et, finalement, une longue entrevue devant un comité de sélection de 10 personnes. J’ai donc vraiment gagné mon poste et ces étapes m'ont permis de me questionner vraiment sur ma vision du théâtre et sur mes rêves pour le Rideau Vert. Ça m’a amené à me positionner et ça m’a donné des envies pour les pièces. Je suis très heureux d’avoir été choisi, mais je ne le réalise pas encore.
Qu’est-ce que tu veux apporter au Rideau Vert?
Il n’y aura pas de virage à 180 degrés. Je vais y aller dans la continuité, mais en version 2.0, avec quelque chose de sexy, d’audacieux et d’accessible. Je veux rassembler des acteurs que j’aime et qui me font vibrer autour d’un projet. Je veux former des équipes où je pourrai inciter les acteurs à collaborer. Je veux aussi amener sur la scène du Rideau Vert des acteurs qui ne s’y sont jamais produits et d’autres qui ne l'ont pas fait depuis longtemps. En ce moment, j’ai un peu plus de la moitié des spectacles qui sont confirmés pour la saison 2026-2027. J’ai bien hâte de partager tout ça.

Est-ce que tu travailles conjointement avec Denise pour la passation du flambeau?
C’est vraiment une passation. Nous nous sommes parlé au mois de mai, et elle était contente de m’entendre dire que j’allais prendre soin de son théâtre. Mais elle m’a précisé que ce n’était plus son théâtre, que c’était le mien, maintenant, et qu’elle allait être là si j’avais besoin d’elle. Elle me laisse voler de mes propres ailes et ça me touche, car j’ai un rapport très intime avec Denise. On a travaillé ensemble trois fois. Elle a une personnalité de feu. Je la comprends; on s’est toujours aimés et respectés. J’ai beaucoup d’admiration pour cette femme. J’ai beaucoup aimé travailler avec elle et j’aimais quand elle me racontait des anecdotes. Je ne réalise pas encore que je lui succède.
Être directeur d’un théâtre est un travail à temps plein. Devras-tu mettre certains projets de côté?
C’est certain que je veux continuer de jouer, parce que c’est important pour moi d’être actif dans le milieu. Je vois ça un peu comme quand je tournais dans une quotidienne comme 30 vies. J’avais alors ma job régulière et je continuais de jouer au théâtre en parallèle. C’est comme si ma base devenait le Rideau Vert. Cet automne, nous tournerons la deuxième saison de la série Le retour d’Anna Brodeur jusqu’à la fin octobre. Dès que j’aurai des congés de tournage, je vais venir au théâtre, je vais être disponible pour parler à mon équipe durant les pauses du midi. C’est certain que mon horaire devient chargé et que je devrai renoncer à certaines choses. Je serai sélectif et je ne jouerai pas dans trois pièces de théâtre par année comme je pouvais le faire jusqu’à maintenant. Mais je veux jouer au Rideau Vert et ailleurs aussi.
As-tu peur que ton nouveau rôle t’occupe au point de reléguer le comédien en toi aux oubliettes?
Oui, j’ai peur, c’est certain. Je sais que je vis dans un rêve où tout va bien s’emboîter et où ce sera magique, mais je veux vraiment continuer à jouer. Je dois aussi admettre que ce sera la première fois de ma vie que j’aurai un salaire fixe. Pour l’instant, je veux rêver. J’ai la naïveté de croire que je vais arriver à relever le défi de la direction artistique tout en poursuivant ma carrière de comédien. Au pire, si je suis trop fatigué, je n’aurai qu’à refuser des propositions pour les prochaines années. J’aurai 50 ans dans quelques années et j'ai des chances de passer une partie de ma cinquantaine en étant directeur artistique du Rideau Vert. Je n’aurais jamais imaginé ça dans ma vie, moi qui me voyais juste comme un petit interprète. Je suis fier!
Y a-t-il une pression qui vient avec ça?
Oui, ce n’est pas un show que je porte sur mes épaules, mais bien un théâtre, et je veux que ça marche.
Seras-tu un directeur sévère?
C’est certain que je n’ai pas le langage direct de Denise Filiatrault, mais je vais être présent pour discuter et remettre certaines choses en question. Mon travail sera aussi de refuser certaines propositions, car j’en reçois beaucoup depuis le mois de mai. Mais je vais être diplomate et gentil. Je ne ferai pas attendre les gens et je ne laisserai pas traîner des projets inutilement.
Tu disais tantôt que tu allais avoir un salaire fixe pour la première fois de ta vie. Quel est ton rapport à l’argent?
Je suis zéro angoissé par l’argent. Je ne suis pas du genre à économiser à outrance. Je préfère me dire que quand il n’y en aura plus, il y en aura d’autre. Je trouve toujours un moyen de faire autre chose si je ne travaille pas. J’occupe ce poste de directeur par passion et non pour l’argent. Ce n’est pas le fait de travailler dans un bureau du lundi au vendredi, de 9 à 5, qui m’excite le plus. C’est la créativité derrière tout ça qui m’allume.
Tu as presque 50 ans, ça te fait quoi?
Je ne réalise pas l’âge que j’ai et c’est bien correct comme ça. C’est seulement quand je travaille avec de plus jeunes acteurs que ça me rentre dedans, parce que nous n’avons pas du tout les mêmes références. Je ne pense pas trop à l’âge quand je reste actif et j’ai un défi professionnel. J’espère jouer vieux et ne jamais arrêter. Je n’ai pas peur de vieillir, mais j’ai une peur bleue de mourir trop vite. Ça me rend même très hypocondriaque.
Est-ce que tu as la carrière que tu voulais?
Beaucoup plus! Je me considère comme tellement chanceux puisque je ne me voyais même pas être acteur. Je suis heureux et non seulement je fais le métier que j'aime, mais je profite aussi pleinement de tous les autres aspects de ma vie. J’aime les rénovations; mon chum et moi sommes là-dedans en ce moment. J’aime tellement la déco et les rénovations que je déménagerais constamment. Mais mon chum me met la pédale douce parce qu’il aime moins ces affaires-là que moi. On est bien où on habite et pourtant, j’étais tout le temps en train de regarder des maisons jusqu’à ce que nous décidions d’améliorer l’espace que nous avons. J’avais ce fantasme de défaire une maison pour tout refaire. Le gros des rénovations se fera en septembre alors que je vais être débordé de travail. Quand tu es hypocondriaque et que tu as peur de mourir, tu fais les choses rapidement et tu ne perds pas de temps.
Que peut-on dire de la seconde saison du Retour d’Anna Brodeur?
Cette deuxième saison est une série de revirements. Au début, mon personnage est seul puisque son chum est parti avec leur amant, avec qui ils ont fait un trip à trois. Il se lance alors dans le travail. Il engage du nouveau monde, il donne des promotions et il vise gros avec l’agence. Mais dans sa vie personnelle, ça va très mal. Il y a tellement de choses drôles à jouer dans cette deuxième saison. Anna Brodeur vit aussi des affaires complètement folles.
En terminant, Benoit, comment abordes-tu ta cinquantaine qui approche?
Bonne question. J’ai envie qu’il se passe des choses imprévues. Je veux continuer de me surprendre, de créer. Je souhaite m’amuser et continuer d’être amoureux. Tout ça me garde vivant!