Vivre «pauvre» de son sport: patineur artistique et... vendeur de fleurs


Benoît Rioux
Être l’un des meilleurs de son sport ne rime pas toujours avec millions de dollars dans le compte en banque et voitures de luxe. Plusieurs athlètes québécois, peu soutenus financièrement, en arrachent et font des sacrifices afin de pouvoir continuer à pratiquer leur discipline: travailler jusqu’aux petites heures du matin, renoncer à être propriétaire, dormir en pension lors des tournois...
Le Journal vous propose une série de reportages sur les deux côtés de la médaille: celui des athlètes les plus riches et celui des athlètes les plus pauvres.
Le jeune Xavier Dion-Lacasse a choisi le patinage artistique synchronisé. Seul homme au sein de l’équipe senior des Suprêmes de Saint-Léonard, l’athlète de 18 ans doit aussi vendre des fleurs pour financer sa carrière sportive.
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«J’ai une entente avec mes parents, selon laquelle je peux vendre des fleurs et le profit me revient», dit-il, expliquant que sa famille est propriétaire des Serres Mirabel.

Si la discipline ne cesse de gagner en crédibilité, le patinage artistique synchronisé force encore ses athlètes, en 2024, à faire preuve d’ingéniosité afin d’arriver financièrement.
«Ça peut se promener entre 14 000$ et 20 000$ avec les billets d’avion qui ont augmenté, estime l’entraîneuse Marilyn Langlois, à propos du coût d’une saison. C’est dommage parce que ça fait qu’on a des athlètes qui sont obligés d’arrêter plus tôt.»

«C’est très, très cher une saison de patinage artistique et ce serait vraiment bien qu’on soit subventionné par certains programmes d’aide», affirme pour sa part Xavier, qui a récemment aidé ses coéquipières de l’équipe senior des Suprêmes à remporter, en Croatie, un troisième titre mondial consécutif.
Niveaux athlétiques élevés
Le nœud du problème: les athlètes optant pour le patinage artistique synchronisé, qui rassemblent jusqu’à 16 athlètes en même temps sur la patinoire, ne peuvent être reconnus parmi l’élite. La discipline n’a pas accès à ce statut, contrairement à ceux qui optent pour le solo, le patinage en couple ou la danse sur glace.
«Dans le passé, on ne se mentira pas, la qualité du patin n’était pas aussi élevée qu’elle l’est maintenant en patinage synchronisé, vient mentionner Langlois. Nous étions les mal-aimés du patinage artistique, mais c’est de moins en moins le cas. On a tellement poussé le sport à des niveaux athlétiques élevés qu’on a gagné énormément de respect.»

Malgré cette reconnaissance, le patinage artistique synchronisé ne figure toujours pas aux Jeux olympiques. D’où l’absence de financement de la part des différents paliers de gouvernements via, par exemple, le Programme d’aide aux athlètes (PAA).
«On n’a pas de subventions, déplore l’entraîneuse. Malheureusement, le gouvernement ne nous considère pas dans l’élite. Notre statut n’est pas reconnu, même au Québec, ce qui est l’un de nos gros problèmes.»
Aux Jeux olympiques de 2030?
Patinage Québec met l’épaule à la roue, mais on invite maintenant Isabelle Charest, ministre responsable du Sport, du Loisir et du Plein air à pousser un peu plus fort pour que le patinage artistique synchronisé obtienne le statut élite.
La consécration serait évidemment de voir le patinage artistique synchronisé devenir une discipline olympique. On peut logiquement viser 2030 ou... 2034.
«Dès qu’on va être aux Jeux olympiques, on va avoir des chances de médailles, car nous sommes parmi les meilleurs, souligne au passage Langlois. La discipline est prête à aller aux Jeux olympiques et il est temps que le financement arrive pour aider et supporter nos athlètes. Ils s’entraînent souvent plus de 20 heures par semaine.»
«Nos athlètes méritent cet appui pour les aider dans le sport, mais aussi pour leurs études et dans la vie de tous les jours afin d’avoir un peu plus d’équilibre, plaide l’entraîneuse. On en a besoin.»
D’ici là, Xavier Dion-Lacasse continuera notamment à vendre des fleurs. Pour les intéressés, on annonce d’ailleurs souvent les plants à 50% de rabais vers la fin de la saison florale, en juillet.
