Visages de notre histoire: Robertine Barry

MEM - Centre des Mémoires Montréalaises
FEMME DE LETTRES
1. Certains personnages de l’histoire restent dans l’ombre. Trop avant-gardistes pour leur temps, on oublie, en quelque sorte, de se souvenir d’eux. De surcroît, l’histoire ne s’est pas toujours bien souvenue des femmes. C’est le cas de Robertine Barry (1863-1910), écrivaine et journaliste, féministe de la première heure et mieux connue sous le pseudonyme de Françoise, avec lequel elle publiait ses Chroniques du lundi. Native de L’Isle-Verte, dans le Bas-Saint-Laurent, elle s’élève dans les cercles littéraires de Montréal à la fin du XIXe siècle. Elle tient salon et participe au rayonnement d’un style de vie fort différent de celui mis de l’avant par les autorités et le clergé. Elle côtoie Louis Fréchette et encourage les carrières d’Émile Nelligan et d’Olivar Asselin, des écrivains célèbres. On lui doit aussi le recueil Fleurs champêtres, où elle dépeint dans une prose imagée la classe paysanne canadienne-française.
RÉALISATIONS

2. De 1891 à 1909, elle écrit dans les pages de plusieurs revues et journaux, dont La Patrie. Grâce à l’esprit ouvert et libéral de son éditeur Honoré Beaugrand, elle réalise des reportages sur le terrain et des chroniques. Elle voyage seule et dispose d’une marge de manœuvre importante et surtout unique pour une femme de son époque. Ses Chroniques du Lundi, publiées chaque semaine pendant près de 10 ans, expriment un point de vue féminin sur la ville : l’actualité, les transports et les loisirs, la misère des certains citoyens, etc. Elle fondera en 1902 Le journal de Françoise, un média qu’elle dirige jusqu’en 1909. Elle veut notamment y faire une grande place à la culture et à la littérature. Elle cherche aussi à sensibiliser les femmes sur les aspirations qu’elles pourraient avoir quant au droit de vote, à la liberté personnelle et à l’accès aux études, des sujets que les autres médias abordent peu.
héritage

3. Au tournant du XXe siècle, rappelons-le, très peu de femmes ont accès aux études universitaires ou peuvent prétendre jouir d’une certaine indépendance financière. Robertine Barry revendique donc des améliorations en ce qui concerne l’éducation supérieure des femmes, leur épanouissement en fonction de leurs talents et une vie plus indépendante. Déjà, à l’époque, elle remet en cause l’institution du mariage et souhaite voir les femmes devenir autonomes économiquement. En cela, sans être la seule à revendiquer ces avancées, elle est parfois jugée trop avant-gardiste par certaines féministes de son époque. Décédée prématurément des suites d’un accident cardio-vasculaire en 1910, à 46 ans, elle aura joué un rôle important dans la sphère littéraire et dans les combats féministes pour celles qui souhaitent faire carrière, vivre librement, sans se marier ni obéir aux normes de l’époque. Elle laisse une œuvre littéraire et journalistique qui présente un regard différent sur la vie des femmes de cette époque.