«Je ne veux pas vendre, c’est chez moi»: des résidents mènent une lutte sans merci contre la mine
Des citoyens croient que le parachèvement de la mine du lac Taureau signifierait la destruction de leur région

Olivier Bourque
«Je ne veux pas vendre, c’est chez moi, ici. C’est pour ça qu’on a décidé de se battre», lance Daniel Tokateloff, un résident du lac Taureau depuis une quarantaine d’années.
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Ce dernier n’aurait jamais pensé qu’une mine de graphite à ciel ouvert, la plus grande en Amérique du Nord, pourrait s’implanter dans le secteur, à quelques kilomètres de Saint-Michel-des-Saints, inséré entre Lanaudière et le parc du Mont-Tremblant.

«C’est une région magnifique. De réaliser qu’une mine va détruire et saccager tout cela, c’est inacceptable. Ça nous prend aux tripes», raconte celui qui fait partie de l’Association de protection du lac Taureau, une organisation de plusieurs citoyens qui sont contre le projet.
Située dans le bassin versant
Cet amoureux des grands espaces est inquiet de voir ce milieu naturel et touristique transformé et pollué par les activités de la minière.
«Cette mine se trouve dans le bassin versant du lac. On a des craintes que les rejets de la mine aillent vers la rivière Matawin qui alimente le lac. On veut aussi éviter qu’une mine à ciel ouvert provoque la destruction de notre région», dit-il.
«On ne veut pas que notre région devienne comme Malartic. On a choisi cet endroit pour sa tranquillité, sa beauté... Il n’y a pas de chalet autour de la fosse de Malartic!», poursuit-il.
Malgré le projet qui divise la population, Québec a déjà donné son feu vert à la mine de graphite, un minerai essentiel dans la construction de batteries, un des projets phares du gouvernement caquiste.
La mine est actuellement en préproduction et devrait fonctionner à plein régime à partir de 2025 et générer 100 000 tonnes de graphite.
Un partenaire embarrassant
C’est la compagnie Nouveau Monde Graphite qui est propriétaire de la mine. L’entreprise est cotée en Bourse et l’actionnaire principal est Pallinghurst (20,7 %) un groupe associé à plusieurs entités enregistrées dans des paradis fiscaux comme l’île de Guernesey, ce qui est également dénoncé par le groupe de citoyens.
Joint par Le Journal, Nouveau Monde Graphite se défend d’avoir des intérêts dans des pays à la fiscalité avantageuse.
«On fait affaire avec Pallinghurst Graphite, on n’a pas d’interaction avec les paradis fiscaux, notre structure est au Québec avec les règles fiscales en place», a plaidé Julie Paquet, vice-présidente de Nouveau Monde Graphite.
Investissement Québec, qui est également actionnaire à 10,4 % de la mine, a aussi défendu son partenaire en affirmant que l’entreprise est enregistrée au Royaume-Uni.
«Les retombées économiques seront majeures pour l’ensemble du Québec», a aussi soutenu sa porte-parole, Isabelle Fontaine.
Encapsuler les résidus miniers
La compagnie minière dit comprendre les inquiétudes, mais elle affirme avoir agi de façon exemplaire depuis la découverte du gisement. En accord avec la communauté, Nouveau Monde a mis en place un procédé afin d’encapsuler les résidus miniers potentiellement acides.
«Ce sont des solutions qui existent ailleurs sur la planète, on est allé chercher les meilleures pratiques», souligne Mme Paquet.
La minière doit aussi respecter une quinzaine de recommandations formulées par le Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) qui a émis des réserves.
«C’est pas un chèque en blanc qu’on nous a signé, on est redevable au gouvernement», assure-t-elle.
On ne les croit pas
Malgré tout, plusieurs villégiateurs n’ont aucune confiance en la minière.
«On ne les croit pas, il y a un gros problème de stabilité avec ces montagnes de résidus, c’est expérimental, ça n’a jamais été fait en milieu nordique. La population de la région va servir de cobaye», se désole M. Tokateloff.
Nouveau Monde Graphite laisse miroiter plus de 150 emplois pour les résidents de la région. La mine est située sur le territoire non cédé de la communauté attikamek.
«On est en discussions en vue de conclure une entente répercussions et avantages», dit Mme Paquet.
L’entreprise vient tout juste de signer un partenariat avec Mason Graphite pour exploiter une autre mine, celle du lac Guéret, à près de 300 km de Baie--Comeau et qui jouit d’une grande acceptabilité sociale.
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